Trois parties dans J’aimerais revoir Callaghan, pour trois époques de la vie du narrateur. D’abord les années collège lycée dans un internat des Hauts-de-Seine. Pas le goulag, mais déjà l’ennui et peut-être les prémisses d’une vie un peu plus que banale, morose. Il y a là des copains avec lesquels on fume des cigarettes, on se fait la belle en passant par le trou dans le grillage. Il y a surtout Jimmy Callaghan, de mère française et de père anglais et alcoolique. Il retourne dans la banlieue de Londres parfois pour visiter sa lointaine famille qui le rend si caractéristique aux yeux de ses amis. Une amitié virile, des souvenirs en commun, ceux qui partent pour ne jamais revenir, comme Callaghan le jour où sa mère vient le chercher après le décès de son père. Fin de la première partie.
Vingt ans plus tard, à l’orée de la quarantaine, le narrateur retrouve Callaghan par hasard, sur un trottoir parisien. Qu’ont-ils fait de ces vingt ans, que sont leurs amis devenus ? Dominique Fabre ne met pas en scène la joie des retrouvailles ni n’égraine les souvenirs. Il s’agit plutôt d’une nostalgie, d’une vague impression qu’on passe à côté de la vie, la vraie, celle qui fait qu’on a des enfants, un vrai boulot, des vacances en famille… Mais le narrateur se sépare de sa femme, sans cris ni violence, juste comme ça, parce que rien n’a marché comme on l’espérait. Mais Calla lui a connu Londres, l’Australie, et il trimballe sa vie dans une grosse valise qu’il case chez le narrateur.
Un roman sans romanesque, un roman sans héros, juste quelques personnages qui se croisent, se ratent, s’inventent. La toile de fond est triste, la vie monotone et l’amour se conjugue au présent tant il est préférable de ne pas penser à ce qu’on sera demain. Le passé oui, quelques souvenirs et quelques amis qui aident à vivre, à passer sur cette terre. Le style de Dominique Fabre qui mêle le discours à la description avec une grande fluidité, permet au lecteur de suivre avec naturel le flux de pensée de son narrateur, qui pense trop, par ennui peut-être.
Je n’ai pas répondu. Enfin bref, c’était comme ça. Il avait encore fait de bonnes affaires, il avait rapporté pas mal de pierres semi-précieuses, il avait les certificats. Il en avait gardé une belle pour Emma et une autre pour sa tante Myriam, enfin deux ou trois. Elle était sacrément heureuse à l’idée de le revoir. C’était a charming old lady, a souri Callaghan en vrai bonimenteur, avant que ses traits ne se durcissent à nouveau. Il avait encore un service à me demander. Il avait quand même un problème avec sa valise. Il avait des trucs qu’il ne souhaitait pas ramener en Angleterre. Des papiers, des souvenirs aussi. Rien de grave. Mais bon. Est-ce que ça me gênerait de la garder ? Je n’ai pas eu envie de le faire du tout, et puis bon, je me suis dit, pourquoi pas ?
C’est un livre dépouillé et simple, et je suis incapable de dire aujourd’hui ce qui m’en restera dans un an, dans dix. Mais derrière cette apparente banalité, Dominique Fabre dit beaucoup sur l’amitié, le couple, les occasions manquées et le temps qui passe irrémédiablement.
J’aimerais revoir Callaghan
Dominique Fabre
Fayard, 2010
978-2-213-65167-5 – 221 pages – 17.90 €
Tu as classé ce livre dans « A lire » et oui, j’aimerais bien le lire. J’ai toujours eu un faible pour ce genre-là. Intéresser le lecteur avec les petits riens de la vie, ce n’est pas si facile et il faut beaucoup de talent pour réussir! Plus tard on oublie ce qu’on a lu en général mais l’impression demeure d’avoir passé un bon moment et l’envie de relire ce livre s’insinue alors peu à peu.
Ce livre ne ressemble pas à ceux que je lis d’habitude, cette lecture a été en quelque sorte dépaysante… pas de héros, pas de grands destins, un livre qui ressemble à la vie.
Je suis d’accord avec Mango : ce n’est pas facile de parler justement des petits riens de la vie. Il faut qu’il y ait des thèmes derrière, pour sous-tendre le texte et c’est ce que laisse entendre ton dernier paragraphe en ce qui concerne ce roman-ci…
Ce n’est pas un livre grandiose mais le billet fut difficile car il me fallait exprimer son intérêt malgré la banalité du propos et l’absence de romanesque…
Ce petit livre parle de thèmes qui me touchent particulièrement …
Alors, je me laisse tenter !
Merci !
J’espère qu’il te sera d’une lecture agréable.
Pas du tout tentée pour ma part 😦
Il n’a pas beaucoup d’atouts à première vue ce livre, et pourtant…
Dépouillé, le temps, le genre de livre qui me touche et que je vais t’emprunter…
Misère, ça ne va pas être possible : c’est un livre de la bibliothèque… en fait, je lis français en ce moment pour sélectionner les ouvrages pour le 2e prix des lecteurs de la bib. J’essaie de les choisir le plus divers possible, je vais bien sûr à l’encontre parfois de mes goûts personnels, et je fais aussi d’agréables découvertes, comme celle-ci.
Ne t’en fais pas, il y en aura d’autres…
beaucoup de termes négatifs qui ne m’attirent guère : monotone, ennui, triste…
Je passe.
Je suis bien consciente que tout ça n’est guère attirant… mais ce livre est un livre avec des gens qui mènent des vies ordinaires, pas toujours exaltantes, souvent monotones, nostalgiques, tristes… des vies classiques en quelque sorte…
l’auteur semble avoir trouvé les mots pour dire la banalité et les petites choses qui sont finalement si importantes.
Oui, et il dit aussi l’amitié masculine, qui ne glousse ni se s’épand mais reste très pudique malgré la profondeur des sentiments, ça aussi c’est réussi.
Un roman un peu comme notre vie, on dirait. D’une apparente banalité, mais beaucoup d’humanité.
Je te le conseille cependant…
tu en parles bien joliment, mais je redoute un peu le ton du roman – pas ma tête à ça pour l’instant
C’est une page nostalgique, désenchantée où l’optimisme ne brille pas… je comprends qu’on n’ait pas envie de lire ça tout les jours…
J’avais aimé, bien aimé même. Je l’ai lu l’an dernier, aujourd’hui je me souviens encore des personnages masculins et des sentiments très forts.
Je suis bien contente qu’une lectrice se manifeste de façon aussi positive, je suis sûre que cet auteur mérite qu’on parle plus de lui… et avec des mots plus pertinents que les miens, j’ai eu du mal à exprimer l’intérêt de cette lecture.
Malgré « la banalité » de ce roman, ton article me donne envie de le lire. C’est des fois dans la banalité que l’on apprend plein de choses sur l’être humain surtout ses faiblesses et cela peut devenir très intéressant.
C’est bien ce que Dominique Fabre parvient à faire avec peu d’effets mais beaucoup de sensibilité.