Oeil de serpent de Joyce Carol Oates

Oeil de serpentPremière déception à la lecture d’un livre de Joyce Carol Oates dont j’attends toujours tellement qu’il n’est pas étonnant que je puisse être finalement déçue. Et puis ici, elle signe Rosamond Smith, ça sonne un peu « madame Tout-le-monde » (il s’agit en fait du nom de son mari) et ce livre aurait en effet à mes yeux pu être écrit par quelqu’un d’autre (au blind test, je n’aurais pas parié sur cette auteur).

Dans les années 80, le brillant avocat Michael O’Meara parvient à sauver Lee Roy Sears de la chaise électrique. Il a quand même passé cinq ans dans les couloirs de la mort, et avant ça le Vietnam, les foyers et institutions durant son enfance. Un être a priori instable que pourtant la famille O’Meara décide d’aider quand Sears sort de prison, en liberté surveillée, quelques années plus tard. Sears surnommé Œil de serpent en raison du tatouage qu’il porte au bras (qu’il se garde bien de montrer) mais aussi parce que c’est bel et bien un serpent que cette brave famille américaine va réchauffer en son sein.

Pour faire comprendre à quel point le couple O’Meara est naïf, les deux cents premières pages du livre lui sont consacrées : ils sont riches, ils s’aiment, ils ont de beaux enfants, quand Lee Roy sort de prison, ils l’aident… Certes, Gina est superficielle, égoïste, et belle, très belle et Michael est définitivement trop gentil, trop parfait, bref, un couple  américain comme on en voit dans les séries à deux balles, le miroir de l’Amérique triomphante qui ne croit qu’à l’argent et à la réussite sociale.

Et là vraiment, Joyce Carol Oates en fait trop, le portrait aurait gagné à être plus nuancé. Parce que finalement, page 200, quand « Alors, tout commença », on s’en fiche un peu et on se dit quelque part que Gina a bien cherché ce qui va lui arriver : vengeance des basses classes, des petits qui se révoltent contre la charité bien intentionnée des riches ? Mais comment comprendre Lee Roy dont on ne sait rien ? Cet Oeil de serpent serait-il le châtiment de la upper class qui piétine le sourire aux lèvres ceux qui lui servent de tremplin, de faire-valoir, de bonne conscience ? Un peu de tout ça certainement, mais bien laborieusement présenté, sans grande finesse comme en témoigne l’intrigue parallèle sur la gémellité qui tente d’apporter, sans grand succès, un peu de profondeur au personnage de Michael.

Personne ne peut écrire que de grands livres, et celui-là n’en est pas un, même si la critique sociale est toujours aussi virulente et implacable. Il manque à mes yeux de consistance, et l’angoisse n’est pas particulièrement bien distillée. Quant au suspens, il n’est pas présent puisqu’on sait qu’un drame va advenir sans qu’on en soit plus que ça inquiet puisqu’aucun de ces personnages n’invite à l’empathie.

Joyce Carol Oates sur Tête de lecture

 

Oeil de serpent

Joyce Carol Oates traduit de l’anglais par Marie-Louise Navarro
L’Archipel (Archipoche n°157), 2011
ISBN : 978-2-35287-191-0 – 368 pages – 7,50 €

Snake Eyes, parution aux Etats-Unis : 1992

53 commentaires sur “Oeil de serpent de Joyce Carol Oates

  1. Je vais donc laisser celui là de côté, mais mon parcours chez Oates ne fait que commencer donc je vais me fier à tes billets, je viens de terminer  » Nous les Mulvaney » que j’ai apprécié, je pense que le prochain sera  » les chutes « 

  2. chaque rendez vous avec J C Oates a été pour moi un rendez vous manqué…ce n’est pas ta critique qui va me faire changer d’avis

    1. En effet, si après plusieurs tentatives tu n’as toujours pas accroché, mieux vaut en rester là, il y a bien d’autres auteurs à lire…

  3. quel dommage. J’ai eu aussi une grande (et la seule d’ailleurs) déception avec Au commencement était la vie, un roman avec un personnage principal totalement… bizarre, incompréhensible, que j’ai absolument détesté. Mais cela reste à ce jour ma seule déception.

    1. Celui-ci est surtout long et peu nuancé… le portrait qu’elle fait du couple d’Américains ayant réussi est vraiment trop chargé, ça finit par être ennuyeux et caricatural.

  4. Mince alors ! Je l’ai acheté il y a 1 ou 2 mois pour le challenge JC Oates de George en me disant que j’allais me régaler mais ce n’est peut-être pas si sur !!

  5. Ma foi, vu tous les titres qui me font envie, ça me fait une tentation de moins dans l’immense bibliographie de cet auteur. Pour l’instant, j’ai commandé Blonde… Dès que j’aurais un week-end prolongé, je me plongerai dans ce pavé ! 🙂

    1. Il faut effectivement un bon bout de temps pour venir à bout de certains de ses livres. Petite sœur, mon amour que j’ai dans ma PAL me fait envie mais je suis comme toi, j’attends d’avoir du temps en rab pour ne pas hacher ma lecture.

  6. Ah oui, à tel point que tu n’aurais pas parié sur cette auteure? Je ne suis pas certaine que c’est pour moi par contre. Plus en raison du thème qu’autre chose.

    1. Tout m’a ici semblé assez convenu, même dans la critique sociale qui manque vraiment de nuance. Je ne suis pas une spécialiste, ce livre-là est le troisième que je lis de cette auteur mais vraiment, je suis déçue…

  7. Bon, je ferai l’impasse sur celivre si jamais… A lire au mois de mai : Les chutes, pour une lecture commune qui me réjouit d’avance (j’espère !) J’ai déjà lu « Nulle et grande gueule » plutôt jeunesse, mais j’avais beaucoup aimé !! Et j’ai aussi « Zarbi les yeux verts » dans ma PAL.

  8. J’en suis à quatre ou cinq lus, mais ils ne m’ont pas tous emballée autant que Les chutes… mais je récidiverai, pas avec celui-ci autaut que possible !

  9. Je prévois de relire Oates depuis une éternité… j’ai repéré ce titre, mais je devrais commencer par ceux qui attendent chez moi 🙂

  10. J’ai La fille tatouée dans ma PAL 🙂 Pour l’instant je n’ai jamais été déçue. Cet auteur est une valeur sûre. Après il est certain qu’il est plus facile d’être déçu par un auteur que l’on place très haut (mais en général on est plus indulgent pour eux, non ?).

    1. Eh bien ma foi, plutôt non… quand un auteur m’a séduite, je suis exigeante et j’attends que le charme opère à nouveau à chaque fois…

  11. J’ai lu ‘The falls’ (Les chutes) recemment, ma premiere rencontre avec cet auteur et j’ai decide d’enchainer avec ‘Little bird of heaven’ (je ne connais pas le titre en francais) – tu les as lu ? Je vais eviter celui que tu cites !

    1. Je crois que Little bird of heaven n’a pas encore été traduit en français, il date de 2009 : tu vas encore nous mettre l’eau à la bouche ! Pas lu Les chutes mais ma liste de JCO à lire est très longue !

  12. Oui la liste de JCO est très longue et il est presque normal/humain que ses oeuvres soient inégales.
    Comment fait-elle d’ailleurs pour en écrire autant? Parfois je soupçonne l’existence d’un voire de plusieurs nègres…
    Je n’ai pas encore assez lu de l’auteure que pour avoir un avis sur la question mais je ne crois pas trop à cette théorie des pseudos qui veut que les « Rosamond Smith » soient moins bons que les Oates. Après tout, un pseudo est simplement un changement de nom, la plume reste la même…

    1. Je prends un autre exemple : Robin Hobb, auteur entre autres de la formidable série de fantasy L’assassin royal (une de mes préférée) a commencé à écrire sous son vrai nom, Megan Lindholm, des livres de fantasy que je n’ai jamais pu finir (j’en ai tenté deux) tant ils sont ennuyeux… A mon humble avis, écrire sous plusieurs noms n’est pas innocent, sinon, pourquoi en utiliser plusieurs ?

  13. Gary l’a fait pour avoir deux fois le Goncourt ^^
    Je ne sais pas pas quel est l’intérêt de rédiger sous différents pseudos, peut-être pour pouvoir toucher à des registres différents et ainsi conquérir plusieurs publics…

  14. Tout comme toi, j’en attends beaucoup de cette auteure, car à chaque fois que j’ai lu un livre d’elle, j’en ressors ébranlée et pour l’instant je n’ai pas connu de déception, mais à ce que je vois, je ne suis pas à l’abri…Bonne fin de journée !

    1. Ça serait quand même dommage de passer à côté d’un seul ! Mais quand même, pour tout lire, tu en as presque pour toute une vie de lectrice 😀

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