Omar m’a tuer de Roschdy Zem

Omar m'a tuer de Roschdy ZemIl y a vingt ans, on ne parlait que de ça à la radio : l’affaire Omar Raddad, la réalité et pourtant un fait divers digne d’un scénario, avec le nom du meurtrier écrit en lettres de sang. Dans un livre, il y aurait eu une équipe de branquignoles qui aurait conclu rapidement à la culpabilité facile du jardinier marocain analphabète, puis le super commissaire (Adamsberg, Erlendur, Hole…) qui se pointe et met à jour toutes les incohérences de l’enquête pour finir par innocenter le malheureux. Seulement voilà, ces êtres d’exception n’existent pas dans la vraie vie et Omar Raddad a dû passer sept ans de sa vie d’innocent derrière les barreaux. Il est aujourd’hui encore le coupable officiel.

Quand on va voir un tel film, on ne s’attend pas à un grand moment de cinéma. C’est en effet au mieux un bon téléfilm. C’est typiquement un film contre-enquête dans la droite ligne de Le pull over rouge de Michel Drach d’après le livre de Gilles Perrault.
L’intérêt bien sûr est la reconstruction de l’enquête, qui prend ici les traits d’un écrivain qui en 1994 enquête pour prouver l’innocence de Raddad. Il s’agit dans les faits de Jean-Marie Rouart incarné ici par Denis Podalydès. C’est la puissance des mots au secours de celui qui ne les connait pas, sait à peine parler, encore moins lire et écrire. Peut-être le livre de Rouart (Omar : la construction d’un coupable) a-t-il servi à la grâce présidentielle, au moins est-il à la portée de tous. Car ce qui m’étonne le plus après la mise à plat de toutes les incohérences de l’enquête, c’est que douze jurés aient pu conclure à la culpabilité de l’accusé : comment, pourquoi, c’est ce qui reste incompréhensible.

Le jeu de Sami Bouajila (Omar Raddad) est impeccable : extrêmement sobre, toujours digne, il est l’incarnation de la droiture. Jusqu’au bout, il a confiance en la France, jamais il ne pense aux magouilles ni au racisme. Pourtant, il est évident que quelqu’un a fait de lui une victime, quelqu’un qui lui voulait du mal, quelqu’un qui a échappé à la justice, quelqu’un qui a suivi son calvaire sans broncher. Sami Bouajila demeure toujours très froid, mais l’émotion perce, notamment quand il rentre chez lui, et quand pour quelques plans le réalisateur imagine sa souffrance silencieuse. Sa condition d’homme, de père et de mari l’empêche de faiblir en public mais la douleur est constante. Les scènes de prison semblent réalistes, elles montrent le quotidien et la solidarité.

Au final, on a vu ce qu’on était venu voir : la démonstration sans faille de l’innocence du jardinier. On attend donc Adamsberg, Erlendur, Hole… pour la véritable enquête, celle dont sortira le nom du coupable. Car Roschdy Zem ne se prive pas d’indiquer le grand nombre pistes inexploitées et donc la volonté évidente de la police et de la justice de ne pas chercher plus loin que l’évidence. Aujourd’hui encore, ce qui pourrait être fait ne l’est pas. Pourquoi ?

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Omar m’a tuer de Roschdy Zem
Avec : Sami Bouajila, Denis Podalydès, Maurice Bénichou, Salomé Stévenin…
Durée : 1h 25 – Sortie nationale : 22 juin 2011

20 commentaires sur “Omar m’a tuer de Roschdy Zem

  1. Adamsberg, Erlendur, Hole… Maintenant je connais tes chouchous inspecteurs…
    la justice, oui. Sans parler des « témoins » ou « accusateurs » qui se rétractent, voir affaires récentes.

  2. Peut-être que dans 50 ans, enfin dans 30 ans puisque c’est arrivé il y a 20 ans, on saura la vérité… Toujours est-il que cette affaire est hallucinante. Et je trouve ça bien qu’un film sortent sur le sujet 20 ans après, pour montrer que personne n’a oublié que la justice n’a jamais été claire sur cette affaire.

    1. Oui, ce film est bienvenu, peut-être pourra-t-il relancer les choses, comme le livre de Rouart. Mais j’aimerais connaître l’autre versant des choses, ce qui a poussé les douze jurés à croire à la culpabilité…

    1. Oui, j’y étais avec mes deux grandes filles qui ne connaissaient pas l’histoire et elles étaient révoltes. En fait, cette histoire s’est déroulée pendant que j’étais enceinte de ma fille aînée, ça me restera toujours marqué et lié dans ma tête. Aujourd’hui, elle a 19 ans et rien n’est encore résolu…

    1. Je viens juste d’écouter une interview de Rouart qui est celui qui s’en tire le plus mal dans cette histoire car il est montré sous un faux nom (alors que pas les autres) et surtout souvent ridicule. Des choses qui le rendent antipathique (comme le fait qu’il ait voulu loger dans un palace à Cannes), sont fausses. C’est étonnant de le présenter ainsi alors qu’il a tant fait pour Omar Raddad, il a même perdu sa place au Figaro à cause de ses articles sur le sujet…

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