Charleston Sud de Pat Conroy

Charleston SudCharleston, Caroline du Sud. Un homme raconte l’amour qu’il voue à sa ville et l’amitié qui le lie à quelques autres habitants, plus ou moins ancrés dans cette ville. Alors qu’il finit son année de première au lycée, il rencontre un certain nombre de jeunes gens qui vont bouleverser sa vie. Trevor et Sheba, les jumeaux excentriques, Starla et Niles, le frère et la soeur venus des montagnes pour échouer dans leur xième orphelinat, Chad et Molly, rejetons pure souche de l’aristocratie locale, Betty, orpheline elle aussi et Ike, partenaire d’entrainement. Ces neuf là, le narrateur compris, ne se sépareront jamais longtemps.

Il me semble impossible de résumer ces six cents pages racontées par Leo King, autrement appelé Crapaud, car il n’est pas très beau et porte de grosses lunettes. Il est le pilier de la bande, celui sur lequel on peut toujours compter. Pourtant, ça démarre plutôt mal pour lui car c’est un enfant mal aimé par ses parents âgés et parce qu’il a perdu jeune son frère bien-aimé qui s’est suicidé (ce ton mélodramatique est celui de tout le roman).

Ce roman ressortit au genre « grandes sagas » comme les Américains savent si bien les écrire. Pat Conroy a choisi une construction originale et peut-être déroutante, en alternant les époques : l’adolescence avec l’été qui suivit la fin de la première, et trente ans plus tard, quand les couples qui se sont formés à l’époque sont toujours là, en plus vieux. Quand dans la deuxième partie, on retrouve les protagonistes vieillis sans savoir du tout ce qui s’est passé dans leur vie, c’est assez déroutant, d’autant plus que cette deuxième partie est à mon avis la plus faible du roman. Chacun est devenu ce qu’on imaginait qu’il allait devenir, Sheba en star hollywoodienne, Trevor en homosexuel à San Francisco, Ike en chef de la police locale, Chad et Molly en couple charlestonien on ne peut plus traditionnel.

Pat Conroy a le don des dialogues et de l’ambiance. Ce groupe-là a l’amitié implacable et les plaisanteries parfois impitoyables fusent à chaque page. Ils peuvent compter les uns sur les autres à la vie à la mort, en particulier sur Crapaud qui est l’essence même de l’amitié, l’Ami, toujours là pour eux mais aussi toujours disponible pour autrui. A vrai dire, il en est même lassant et parfois à la limite de la caricature du bon catholique qu’il incarne. Comment croire qu’un jeune adolescent va de son plein gré nettoyer la merde et le vomi d’un vieillard acariâtre, le laver, récurer sa maison, plutôt que d’appeler quelqu’un susceptible de s’en charger ? Bien sûr, Leo est le fils d’une ancienne nonne et il va tous les jours à la messe, mais son personnage est un peu extrême, comme ne manquent d’ailleurs pas de lui faire remarquer ses amis. Il pleure beaucoup, comme les autres hommes du livre d’ailleurs, jamais vu autant d’hommes pleurer…

J’ai lu ce livre avec plaisir en choisissant de ne pas m’agacer aux ficelles et clichés qui le parsèment : c’est l’été, lisons facile… Mais tous ces personnages sont vraiment très stéréotypés, trop gentils, trop homosexuels, trop aristocratiques… trop tout pour chacun. Même cette amitié est trop belle pour être crédible : on a envie qu’il y en ait un qui mente, un qui ne tienne pas ses engagements, un qui trahisse, bref, des choses comme dans la vie.

J’ai marché pourtant, je les ai suivis, j’ai eu peur du père tueur qui poursuit ses enfants comme un fou furieux. Parce que j’aime les romans qui ont du souffle, parce que j’aime les grands romans américains familiaux et le deep south et parce que c’était mon premier Pat Conroy.

 

Charleston Sud

Pat Conroy traduit de l’anglais par Marie-Lise & Guillaume Marlière
Albin Michel, 2009
ISBN : 9782226192479 – 592 pages – 23,30 €

South of Broad, parution aux Etats-Unis : 2009

48 Comments

  1. Ton premier Pat Conroy? Ah ma belle, l’été s’annonce bien, il a encore deux ou trois pavés sous le coude! Prépare toi à trembler… ^_^
    Un conseil lecture qui n’a rien à voir, Les captifs du Lys blanc de Santiago Gamboa, pas du tout dans la veine « sérieuse » de Necropolis 1201, mais vraiment épatant, drôle, se lit d’un coup, excellent pour les vacances.

  2. Je survole ta chronique (j’y reviendrai plus tard…) et elle me donne bien envie de me dépêcher d’entrer dedans (bah oui, il m’attend, donc je n’ose pas tout te lire 😉 )
    Merci pour ta note de lecture!

      1. Aah! tu m’annonces déjà que je vais avoir du mal pour les 400 dernières pages! 😉 Bon allez, je vais pas me démotiver. Ca me tente bien de découvrir l’auteur. Avez-vous lu le Prince des marées (enfin quelqu’un qui a déjà lu Conroy, évidemment). A conseiller???

  3. J’avais entendu dire qu’il était moins bien que les autres, celui-là… et pour ça, je ne l’ai pas lu. Du coup, même si tu es un peu mitigée, j’aurais limite envie de tenter le coup…

  4. Je suis en train de lire « Beach Music », car j’avais vu que Cuné n’avait pas du tout apprécié celui-ci. J’espère que je serai beaucoup plus enthousiaste que toi dans quelques jours, même si visiblement tu n’es pas aussi déçue que la fan n°1 de Patounet 😉

  5. Je vais bientôt me l’acheter mais je sais que je suis meilleur public que toi. En plus, j’adore Pat Conroy et j’ai une furieuse envie de faire un voyage dans le Sud des Etats-Unis !

  6. C’est celui que je n’ai pas lu, mais j’ai marché évidemment au premier roman de l’auteur, mais qui n’a pas marché
    j’avais été moins convaincue par Beach Music et par les Grand Santini

  7. Mouiii ! Huit cent pages ?? Là tout de suite tu me calmes ! L’été est un état d’esprit chez moi, car au niveau « gestion du temps » c’est pareil ! Donc je le note avec juste une petite étoile à côté… 😉

    1. Je fais dans le pavé américain cet été, mais heureusement, je ne publie pas mes billets dans leur ordre de lecture, ça vous permettra de ne pas attraper d’indigestion 🙂

  8. J’étais ravie de retrouver Pat Conroy… après tant d’années, enfin ! et je me suis précipitée à la sortie de Charleston Sud en oct 2009.
    Dans l’ensemble je l’ai bien aimé et sur le moment j’avoue avoir été enthousiasmée par les personnages, la densité, la possibilité de lire cette histoire à 2 niveaux et par le ton juste ; avec cependant quelques longueurs.
    Malgré tout, on est loin, très loin de « Beach Music » (son chef d’œuvre, pour moi).
    En toute sincérité, 1 an 1/2 après sa lecture, il ne me reste que de vagues souvenirs alors que je pourrais encore raconter « le prince des marées », « Beach Music » et même « le grand Santini »…

  9. Dommage, la couverture m’attirait bien et le sujet aussi…Mais alors 800 pages, en été…je me suis déjà fait « attrapper » par Sans nom de Wilkie Collins (énoooorme et écrit tout petit)…ça va occuper pas mal de temps!
    bon billet, très précis.

  10. Je n’ai pas encore lu Pat Conroy pourtant j’ai son grand classique dans ma PAL : « Le Prince des Maréees ». « Charleston Sud » étant sorti assez récemment en poche, j’ai failli me l’acheter et puis au dernier moment je me suis rétractée ; peur de ne pas faire un bon achat. Mais ton article me donne très envie de réparer cette erreur.

  11. Je l’ai acheté pendant mes vacances, jamais lu encore mais « le prince des marées » dans ma PAL depuis des lustres !

  12. Je l’avais trouvé d’occasion mais plusieurs billets mentionnant, comme toi, les grosses ficelles et les personnages un peu simplistes, ont refroidi mes ardeurs. Il traîne toujours sur une étagère de ma bibli.

    1. Si tu as déjà lu d’autres titres de cet auteur, ce n’est peut-être pas la peine de s’arrêter sur celui-là car il parait que les autres sont encore mieux. Ceci dit, je regrette pas ma lecture.

  13. J’avais déjà essayé de lire cet auteur et j’avais abandonné au bout d’une centaine de pages (c’était Beach Music). J’ai trouve Le prince des marées dans une bouquinerie alors je l’ai acheté pour refaire une tentative mais je n’ai toujours pas osé 😉 Par contre, vu que j’aime le genre grande saga, Charleston Sud serait susceptible de me plaire plus que tous ses autres titres !

  14. Retour de vacances et je trouve votre billet sur Pat Conroy. J’ai raté cette sortie, il est tellement rare, je m’y précipite a l’occasion, merci de cette new ( vu d’ici!)
    Pat Conroy c’est 2 grands bouquins a lire absolument (pardon, AMHA!): Le prince des marées et Water Music magnifiques, l’un comme l’autre, épais, pas toujours roses, mais j’y ai vécu une grande lecture!
    Le Grand Santini, n’a rien a voir, je crois que c’est très autobiographique sur les rapport père-fils, il y a aussi Saison noire sur le même thème (le basket en plus), c’est super mais priorité aux deux premiers!
    Pour ceux qui hésitent, lisez donc son homonyme: Frank Conroy: Corps et Ames, magnifique!
    Amicalement

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