« Bien que Bordelais, Jean-Charles Lawton ne répugne pas aux concours de prouts. A cinquante ans bientôt, c’est même encore l’idée qu’il se fait des bons moments entre amis. »
Avec un tel incipit et une quatrième de couverture dans le même ton, on imagine déjà une plume trempée dans l’humour à froid, voire le cynisme. Quand le sujet est le mariage, plus exactement quarante ans de mariage, ça devient grinçant, mais réjouissant car Stéphane Hoffmann n’épargne rien ni personne, pas même son narrateur, Pierre Bailly, celui qui critique si facilement ses contemporains et croit tout savoir sur tout.
Après une vie bien remplie à la tête des entreprises de son beau-père, Pierre Bailly décide soudainement d’arrêter les affaires et de mener une vie tranquille en Bretagne auprès d’Hélène, sa femme depuis quarante ans. Mais celle-ci ne l’entend pas ainsi, car si elle a supporté son mari pendant tout ce temps, c’est surtout parce qu’il n’était jamais là et la laissait vivre sa vie seule loin de lui. La cohabitation commence plutôt mal, il faut réaménager la maison, compter ses «amis» et remplir les journées. Maintenant qu’il a quitté les affaires, Pierre déteste tout le monde, critique les anciens collègues comme les nouveaux retraités, les juge d’un oeil supérieur. Il souligne à plaisir la bêtise de ses plus proches amis devenus riches en restant toujours aussi superficiels, devenant snobs et méprisants, à ses yeux. Lui qui n’aspire qu’à la tranquillité, voilà que sa femme lui impose une fête pour leur anniversaire de mariage…
Ce Pierre Bailly pourrait passer pour un poseur, un vieil aigri parvenu qui crache dans la soupe. Mais heureusement, Stéphane Hoffmann a le don de la formule et les réflexions de son narrateur sont souvent savoureuses. Sans concession pour le monde qui l’entoure, anciens collègues, nouveaux riches et Bretons, il est assez indulgent à son égard, mais sa femme va se charger de lui ouvrir les yeux. En quarante ans, tous deux ont construit leur carapace réciproque, leur permettant de paraître et d’avancer en société après la mort de leur fils aîné âgé de seize ans. Un drame qui semble ne les avoir qu’effleurés l’un et l’autre, mais rien n’est aussi simple.
Il y a déjà eu beaucoup de livres sur le couple et généralement, ils m’ennuient. Mais il ne s’agit pas ici de couple en crise sentimentale ou sexuelle (Pierre et Hélène ne s’aiment plus et ne font plus l’amour depuis longtemps) mais plutôt d’un portrait tantôt féroce tantôt bienveillant d’une vie passée dans les certitudes et les apparences. Il se lit le sourire aux lèvres car la critique, même facile, de certains milieux bourgeois, est toujours savoureuse quand elle servie par un style élégant et un humour corrosif.
Ça n’est pas trop long, juste ce qu’il faut, ça laisse un goût doux-amer et surtout l’envie de noter quelques phrases, celles où l’émotion affleure aussi.
« Nos enfants sont comme des cadeaux qu’on mettrait une vingtaine d’années à ouvrir avant de découvrir ce qu’ils sont ; mais s’ils ne nous conviennent pas, impossible de les changer. »
Les autos tamponneuses
Stéphane Hoffmann
Albin Michel, 2011
ISBN : 978-2-226-22972-4 – 232 pages – 17 €
Humour à froid dans l’incipit, la quatrième de couverture et apparemment le titre aussi qui ne se comprend qu’après avoir lu le livre ou ton billet. Je serai attentive si je vois ce livre à la bibliothèque.
Pas un chef d’oeuvre mais un livre qui se lit agréablement.
je sens que j,aurai beaucoup de plaisir à lire ce roman. J’adore ce genre de texte générateur de sourires !
‘erci !
Moi aussi, et j’aime bien cette façon de traiter par le sourire des sujets a priori pas drôles…
J’adore la citation de la fin (comme je suis toujours ravie de ces cadeaux, ça me va bien !) et je pense que j’aimerais ce livre…
J’en ai noté pas mal, mais celle-là est tellement vraie, et tellement d’actualité pour moi, que je n’ai pu résister à la citation.
Il a tout pour me plaire, celui-là !
Pour un petit moment détente agréable, et quelques réflexions biens senties sur la société actuelle, ce sera parfait.
Je le guetterai aussi à la bibliothèque ! (je suggérerai même qu’on l’acquière…) (euh, ça s’écrit comme ça, le dernier mot ?)
pour le dernier mot, je ne crois pas… plutôt « acquiert », c’est un mot vicieux ! Et si tu ne veux plus avoir aucun problème avec ça, je partage bien volontier ma bouée : http://www.leconjugueur.com/ : extra !
ben c’était bon, c’est bien un subjonctif, dans cette phrase ?? maisun tout grnd merci pour le lien, c’est bien pratique !
la citation que tu en extrait est… réaliste..
mais le cadeau, on l’ouvre dès la naissance !
certes, mais c’est quand on a fini de les materner vraiment et qu’ils prennent leur route qu’on voit vraiment quelle est leur personnalité (pas forcément celle qu’on voulait/imaginait…)
Voilà qui a l’air cynique et grinçant, ça pourrait me plaire aussi !
J’aime assez cette vision-là moi aussi.
A garder en réserve… J’aime bien la citation, tant il est vrai qu’il faut du temps pour voir murir nos enfants, et donc les connaître vraiment, enfin il me semble.
… et les accepter comme ils sont une fois qu’ils ont grandi… c’est la sagesse…
Les premiers mots m’ont tellement refroidie que malgré ton enthousiasme, je n’ai pas vraiment envie de noter ce livre ! (hélas… il y a des morts malheureux comme ça !!!)
L’humour pipi-caca fait parfois des ravages 🙂 mais bon, c’est juste dans cette phrase « d’accroche »…
« J’en ai noté pas mal, mais celle-là est tellement vraie, et tellement d’actualité pour moi, que je n’ai pu résister à la citation. »
Ah bon, tu voudrais pouvoir échanger tes enfants ? 😛
Il a l’air drôle ce livre mais je n’ai pas compris ce que viennent faire les prouts et les auto tamponneuses dans cette affaire ^^ (et je sens que tu vas me répondre qu’il me faudra le lire pour le savoir ;))
« Ah bon, tu voudrais pouvoir échanger tes enfants ? » : Pour rien au monde, les chefs d’oeuvres de ma vie !
Pour les auto-tamponneuses, voici la citation en 4e de couv’ :
« Pour nous, le mariage a toujours ressemblé à un tour d’autos tamponneuses : c’est inconfortable, on prend des coups, on en donne, on tourne en rond, on ne va nulle part mais, au moins, on n’est pas seul. »
Conclusion : réfléchis bien 😆
je n’en suis pas encore là… juste à faire faire les devoirs !
Pourquoi pas, si je le vois à la bibliothèque. Et je pourrais le lire très sereinement, je n’ai pas d’enfants à rendre :-))
Je crois que ça n’empêche pas de passer un bon moment avec ce livre.
Pas sûre que ça me plaise tiens. Pourtant, j’aimais bien l’incipit 😀
La tonalité est la même, et heureusement, sans rester dans ce registre…
Je le note, je le note!
Merci pour ce billet, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire 🙂
Bienvenue ici 🙂
La phrase extraite du livre que tu nous fais partager donne effectivement le ton! Je note ce titre!
J’ai aussi trouvé qu’elle parlait d’elle même et me dispensais d’analyse stylistique 😉
A voir… pareil, les histoires de couple m’ennuient, après ça dépend comment c’est traité. Tant qu’il y a de l’humour, on peut au moins passé un bon moment de lecture. S’il y a du cynisme en plus, ça devient intéressant.
Promis, cette histoire de couple-là ne t’ennuiera pas.
tiens tiens, je le note celui là !!
J’avais adoré son roman « Des filles qui dansent », alors je me laisserais sûrement tentée par celui-ci.
Pour moi, c’était le premier, et ce ton m’a bien plu.
Le ton est corrosif, mais pour le reste, on est proche du néant. Mon avis : http://litterature-a-blog.blogspot.com/2011/10/rentree-litteraire-2011-episode-10-les.html
Pour moi non plus, ça n’a malheureusement pas été une réussite