A près de soixante ans, Hannah Musgrave décide de retourner en Afrique, au Liberia. La tranquillité de sa ferme bio ne lui apporte pas la sérénité, ni ne calme les fantômes du passé. Elle va donc revenir sur les lieux de son mariage, de la naissance de ses enfants, pour peut-être les retrouver, au moins savoir ce qu’ils sont devenus. Tout au long du roman, elle raconte son ancienne vie, son périple africain.
Fille d’un pédiatre célèbre et médiatisé, Hannah la studieuse à l’avenir tout tracé s’engage comme bien d’autres jeunes Américains du Students for a Democratic Society (SDS) dans la lutte contre la guerre du Vietnam et pour les droits civiques des Noirs. Puis elle rejoint les rangs des Weathermen, groupuscule d’extrême gauche américain dont la violence est le principal moyen d’expression. Recherchée par le FBI, elle doit bientôt fuir le pays et choisit de se réfugier en Afrique avec un ami, d’abord au Ghana puis au Liberia. A Monrovia, capitale du Liberia, elle travaille dans un laboratoire où des chimpanzés servent de cobayes pour le compte de sociétés pharmaceutiques américaines. « C’est quelque chose de peut-être encore plus profond que la politique qui a changé en moi. Ma mentalité ? Mon tempérament sous-jacent ? Je n’en sais rien. Mais pour la première fois de ma vie d’adulte, je ne fais pas partie d’un mouvement, je ne suis pas membre d’un groupe ou d’une organisation vouée au changement politique et social. Je suis seule. Entièrement seule. » Elle se sent enfin indépendante.
Elle épouse ensuite Woodrow Sundiata, ministre de la santé et accède ainsi à une vie très confortable. Sans l’aimer, elle respecte son mari, même si elle ne peut se plier à toutes les coutumes africaines, notamment celles de la famille de Woodrow restée dans la brousse. Elle a trois enfants en trois ans (dont 2 jumeaux), qu’elle n’aime pas vraiment, surtout par devoir. Elle s’ennuie dans la vie, vie de mère, de femme, et c’est tout puisque son mari lui a dit qu’elle ne devait plus travailler.
Le pays est bientôt plongé dans une succession de coups d’État sanglants et dans la guerre civile, organisée en sous-main par les États-Unis.
Hannah n’est pas un personnage aimable. Elle est froide, n’a pas de passion, pas d’amour, des convictions certes, mais sans émotions. Pourtant, le lecteur suit avec intérêt son périple, brillante démonstration de l’impérialisme américain. Le Liberia est un pays créé de toute pièce au XIXe siècle par les États-Unis qui y ont expédié des esclaves affranchis censés devenir la classe dominante : des Noirs américains (anciens esclaves pour la plupart) allaient gouverner les Noirs d’Afrique. Ces Américano-libériens ont dès lors exploité les ressources du pays et les populations locales au profit des États-Unis, sans aucun souci des intérêt locaux. Des dictateurs engraissés par les mêmes États-Unis n’ont cessé de pressuriser le pays, de lui ouvrir les veines, comme ce fut le cas ailleurs, notamment en Amérique latine. Il serait cependant illusoire d’imaginer que l’impérialisme américain est pire que l’européen…
L’itinéraire d’Hannah Musgrave, loin de tout sentimentalisme est très prenant, il montre son radicalisme des années 70, puis à l’opposé, l’indifférence dont elle fait preuve en Afrique alors que les émeutes grondent. Son manque d’implication l’empêche de s’intéresser au devenir de ses fils qui vont basculer dans l’ultra violence. C’est un destin de femme hors norme qui dénonce tous les colonialismes et impérialismes.
Russel Banks sur Tête de lecture
American Darling
Russel Banks traduit de l’anglais par Pierre Furlan
Actes Sud, 2005 (existe en poche)
ISBN : 978-2-7427-5690-6 – 392 pages – 24 €
The Darling, parution aux États-Unis : 2004
Bon celui ci me semble trop sombre , mais j’avais adoré « de beaux lendemains », sobre et pudique, triste mais prenant. ( le film aussi d’ailleurs) « la réserve » m’a moins emballée mais j’apprécie l’écriture de banks. Beau billet en tout cas. Bon week end
J’avais aussi bien aimé « De beaux lendemains » et aussi « Soius le règne de Bone », beau roman de formation.
Oui, Sous le règne de Bone m’a beaucoup plu aussi, je me tâte même de le relire.
Il me fait un peu peur côté absence de sentiments (si je t’ai bien comprise), mais j’avais aimé « les beaux lendemains » et j’aimerais relire Russell Banks.
Cette héroïne est très froide, elle n’est pas de celles auxquelles on s’attache, mais c’en est que plus fort de nous intéresser au roman. Pas facile de gérer les personnages froids comme ceux-là, surtout quand il s’agit d’une mère.
Ca me fait un peu penser a ‘Mes revolutions’ de Hari Kunzru que j’avais beaucoup aime, je le note, les themes m’interessent.
je ne connais pas cet auteur, je vais de ce pas me renseigner.
J’avais lu d’autres romans de l’auteur, que j’aime bien, donc, mais pour celui ci ma lecture a été fortement parasitée par ce que je savais déjà du Liberia (tiens, leur présidente actuelle vient d’avoir le Nobel de la paix) et suis sans doute la seule de ma petite ville à avoir accueilli un liberien en visite quelques jours chez moi, excellent pour l’anglais, mais il ne mangeait que riz piment…
Banks a intégré dans son roman des événements historiques (hélas) exacts…
J’ai fait de trois petites recherches à l’occasion de cette lecture, très intéressante pour l’aspect historique. Je ne savais pas par exemple que le projet du Liberia remontait au XIXe siècle…
Un souvenir de lecture très présent encore, et très fort… même si le personnage de Hannah n’est pas attachant du tout. Russell Banks est un auteur que j’aime beaucoup, malgré son dernier qui m’a un peu déçue, et il doit m’en rester à lire de plus anciens.
J’aime bien moi aussi le retrouver de temps en temps.
Il a été présenté lors d’un Cercle avec beaucoup de passion . Je n’ai lu pour ma part que « De beaux lendemains », que j’avais plutôt bien aimé sans en garder pourtant un souvenir impérissable !!
Russel Banks n’est pas un écrivain des passions fortes, c’est plutôt très intérieur, assez froid et rentré, c’est peut-être pour ça qu’il ne marque pas durablement…
ça a l’air vraiment intéressant, mais je ne sais pas si ça me plairait de le lire. Je note quand même sait-on jamais 😉
Pour le savoir, il n’y a qu’à essayer 😉
J’ai découvert Russel Banks avec cette lecture, quelle rencontre ! Une lecture marquante. Malgré les avis partagés, j’ai toujours envie de lire » La Réserve » qui m’attend patiemment.
Je ne sais pas quel sera le prochain, je crois que je pioche au hasard… c’est idiot parce que je l’ai déjà lu et qu’il en reste d’autres que je n’ai pas lus, mais celui qui me tente c’est Sous le règne de Bone.
Un livre très fort qui marque !! J’ai été très impressionnée par cette femme. Russel Banks écrit toujours des romans très documentés et si réaliste, ça fait froid dans le dos !
C’est un auteur qui ne caresse pas le lecteur dans le sens du poil… il n’écrirait pas La couleur des sentiments s’il écrivait sur la ségrégation… je crois que c’est ce qui me plait chez lui, ce réalisme psychologique sans chichi ni volonté de plaire.
Il est dans ma PAL? je l’ai trouvé sur une brocante. Ce sera une grande première pour moi car je n’ai pas encore lu cet auteur, pas sûre que je m’attaque à son roman le plus « facile »… Mais cette héroïne froide m’intrigue!
Il n’y a pas de difficultés particulières de lecture, mais ce n’est pas un livre confortable…
J’aime les livres qui conjuguent fiction et réalité historique, je note !
Pour ma part, j’ai appris beaucoup de choses d’un point de vue historique dans ce roman.
le thème à l’air très intéressant, mais j’ai peur aussi du manque de sentiment de l’héroïne
Au moins, tu es prévenue 😉
J’avais beaucoup aimé ce titre-là ! C’est une lecture riche, dense qui reste longtemps en mémoire.
Comme pas mal de livres de cet auteur, je crois.
Une histoire forte et obsédante pour qui s’intéresse à l’Afrique… qui complète ou initie aux difficiles questions politique de l’Afrique post coloniale!
Très intéressant en effet, j’ai beaucoup appris.
Première rencontre avec Banks pour moi (comme quoi les swaps peuvent avoir du bon parfois) et une vraie découverte.
Tu as raison, Hannah est loin d’être aimable (même lors de l’épisode avec ses fils) mais Banks arrive à nous captiver de bout en bout.Un très beau roman, plus fort à mon avis que De beaux lendemains.
J’ai cherché mais pas trouvé ton billet sur ce livre : Google me revoit à un lien brisé…
Si c’est le lien Blogspot que t’a donné Google, c’est normal. Tout le blog a été transféré sous Dotclear.
Le billet sur American Darling est à cette adresse.
Comme In Cold Blog, première rencontre avec Banks pour moi. Et pour l’instant la seule. J’ai pourtant assez apprécié cette destinée tragique, autour de ce personnage de femme froide, austère. C’est d’ailleurs un vrai tour de force de faire accrocher le lecteur malgré l’antipathie du personnage central.
J’avais beaucoup aimé Sous le règne de Bone, avec un adolescent pour héros, mais il en a écrit bien d’autres, à découvrir, même si ce n’est pas un auteur très médiatisé (à l’inverse d’un Roth ou d’un Franzen par exemple… sans parler de Paul Auster…).
Un très grand souvenir de lecture…
Une femme qui a l’air très dure, mais apparement, cela ne t’as pas gené.
Un excellent souvenir de lecture. Ce roman m’avait beaucoup marquée. J’ai aussi beaucoup aimé Sous le règne de Bones. Par contre, De beaux lendemains m’a déçue.
Je vais continuer avec cet auteur, si tu veux, on peut faire une lecture commune, tu choisis le titre.
Je l’ai noté il y a bien 2 ou 3 ans, quand la biblio l’avait mis sur son livret de coups de coeur mais bien sûr, ce livret avait provoqué l’engouement des lecteurs et il était tout le temps emprunté, avec une liste de réservations de folie ! Ça a du se calmer depuis mais j’avais carrément oublié ce titre alors ton billet est une bonne piqûre de rappel 🙂
Belle illustration du rôle prescripteur des bibliothèques !
Je n’en ai aucun dans ma PAL. J’avoue que je l’ai délaissé. As-tu un titre qui te tente ?
Pourfendeur de nuages peut-être : pourrais-tu le trouver en bibliothèque ?
je vais regarder, je te tiens au courant. Mais pas avant janvier, si tu veux bien?
Euh, il est en réserve. Mais tu as vu son épaisseur ?
Encore moi. Continents à la dérive me tenterait peut-être davantage. Mais il n’est pas à ma biblio habituelle. Mais je peux aller voir à l’autre un de ces jours.
je me suis dit tiens, un rush sur Russell Banks, trois com’ d’un coup ?… Je n’ai pas vu le nombre de pages (c’est accessoire quand on n’aime, non ? 🙂 ), mais je veux bien tenter le titre que tu m’indiques, moi je souhaite juste prolonger ma découverte de l’auteur. Et janvier me convient plus que bien !