Morgado est avocat à Mexico, défenseur des droits de l’homme, surtout ceux des paysans qui en ont bien besoin. Son bureau est en chantier et «Blondie», un des ouvriers qui y travaillent lui demande une faveur : retrouver son père disparu au début des années 50 à Tijuana, qui était déjà à l’époque une plaque tournant du trafic de drogue avec les États-Unis. Marijuana bien sûr, mais aussi héroïne.
C’est à Mexico que le drame débute à l’époque, alors que William Burroughs y est en voyage. C’est là que l’écrivain de la beat generation tue accidentellement sa femme Joan dont le verre qu’elle tenait en main lui servait de cible : n’est pas Guillaume Tell qui veut… L’écrivain est emprisonné (pas pour longtemps). Il y a là quelques uns de ses amis dont Timothy Randolph Keller, le père de Blondie, fraîchement marié. Burroughs se retrouve seul à sa sortie de prison et demande à Keller d’aller pour lui à Tijuana rencontrer un ami qui devait lui remettre de l’argent. La rencontre tourne très mal, mais Keller parvient à s’échapper. Depuis, son épouse mexicaine est sans nouvelle de lui, c’est-à-dire depuis plus de cinquante ans.
Voilà donc Morgado parti pour la ville frontière où il va rencontrer un vieil historien qui en connait l’histoire sur le bout des doigts.
D’après ce que Jordán disait, en 1951 Tijuana était une petite ville de soixante mille habitants. La population avait quadruplé en moins d’une décennie. Morgado aurait mis sa main au feu que le voyage de Timothy Keller n’était pas le premier à amener le jeune Californien à Tijuana, ville de la fête et de la violence, reine incontestée du tapage. Si Timothy était vraiment californien, Tijuana devait être sa salle de jeux, sa cour de récréation. Tout le contraire de ce qu’elle était pour l’avocat. […]
C’était l’impression la plus profonde qu’il gardait de la ville vers laquelle il se dirigeait : que tout n’y était que fraude, qu’on ne pouvait s’y fier à personne si on ne voulait pas être volé. Qu’il fallait faire avec.
Que peut-on reprocher à Tijuana City Blues si ce n’est sa brièveté ? Rien : l’ambiance est hard boiled, les dialogues claquent, l’humour guette, et Burroughs et la beat generation en toile de fond, tout est parfait. Mais 108 pages mazette, c’est court ! On a forcément envie d’en savoir plus sur Morgado (son plat préféré, ses amours, son rapport à la police et au pouvoir, le nom de son chat ou de sa dernière maîtresse, tout quoi !), sur les circonstances du meurtre de Joan Burroughs, sur la vie à Tijuana dans les années 50. L’intrigue est très resserrée, et si l’ambiance, vite brossée, est bien là, j’en sors quand même un peu frustrée.
Gabriel Trujillo Muñoz a quand même le temps de soulever quelques thèmes intéressants : la drogue bien sûr, la corruption de la police, mais aussi le mépris dans lequel les États-Unis tiennent le Mexique : « Enfoirés de gringos […]. Toujours à nous considérer comme des sauvages. Des brutes. Des bêtes. Et eux ? Ce sont des petits saints ? De purs et durs tueurs en série, oui, voilà ce qu’ils sont, des cinglés de mes deux. »
Le meilleur moyen de calmer la frustration est bien sûr, de lire les trois autres opus mettant en scène l’avocat Morgado, mais ils sont quasi aussi minces…
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Tijuana City Blues
Gabriel Trujillo Muñoz traduit de l’espagnol par Gabriel Iaculli
Gallimard (Folio), 2010
ISBN : 978-2070400751 – 108 pages – 4.10 €
Tijuana City Bues, parution au Mexique : 2006
Je suis entièrement d’accord avec toi. Les romans de Trujillo-Munoz nous laissent sur notre faim. Celui-ci en particulier qui dispose de multiples éléments qui rendent l’intrigue passionnante et qui auraient pu (dû?) être développés. Ça reste un très bon divertissement mais ça aurait pu être un excellent roman.
Perso, j’aimerais en savoir plus sur l’épisode Burroughs assassin..
bonjour ! je suis tout à fait d’accord avec toi aussi, j’aurais bien aimé aussi que le roman soit plus long ! Dans mon souvenir, le meilleur des trois (ou quatre ?), mais, en fait, je ne suis pas sûre d’avoir lu le quatrième. Morgado, en tous cas, est un personnage vraiment attachant et intéressant.
Hi Virginie ! Je sais maintenant que tu peux facilement vérifier le contenu de ta bibliothèque 😉
Ah oui, 108 pages, c’est court pour un roman de ce genre ! Ca peut être intéressant.
à 4 euros oui, à 12.50 (édition originale chez Les Allusifs), déjà moins…
De cet auteur j’ai bien aimé: « Mexicali City Blues » mais je déplorais déjà cette trop grande brièveté du roman qui l’apparente à une nouvelle un peu développée, genre hybride s’il en est! L’histoire de la mort de la femme de Burroughs est-elle vraie? Je vais me renseigner car c’est la première fois que j’en entends parler!
100% vraie l’affaire Burroughs, malheureusement, si tut trouves un bouquin dessus, je suis preneuse !
J’ai oublié de te le signaler mais je viens d’écrire mon billet sur Trevanian que tu m’as fait connaître, ce dont je te remercie encore.
Excuse-moi d’emprunter tes commentaires pour en écrire un qui n’a rien à voir avec le livre dont tu parles. J’essaie de nettoyer ma PAL et j’aimerais avoir des avis pour éliminer certains livres. Est-ce que ça te tente, ainsi que tes lecteurs ?
voici le lien de l’article: http://popupmonster.wordpress.com/2011/11/07/nettoyage-de-la-pal-episode-1/
Merci !
Ou trop courts ou trop longs, serions-nous des insatisfaites chroniques 😉
C’est bien possible 🙂 mais enfin si on a trouvé ça bien, normal qu’on en veuille plus, monsieur Cadbury 🙂
J’ai lu Mezquite road, du même auteur… trop court aussi, je me souviens avoir plutôt aimé, mais pas grand chose de plus !
Ça sert aussi à ça les billets sur les blogs, à pallier une mémoire défaillante 😉
Bonjour
J’ai lu Lover Boy et je rejoins Anjelica dans son commentaire. Nous sommes d’éternels insatisfaits. Mais j’aime bien les romans courts, car souvent l’auteur ne dilue pas et son propos n’en est que plus fort
Amicalement
C’est quand même typiquement un roman d’ambiance, bien chaude, qui mérite d’être développé, il y a plein de détails qu’on aimerait connaître, ne serait-ce que sur l’histoire littéraire…
C’est vrai que ça a l’air alléchant avec des thèmes qui ne peuvent laisser indifférent mais je ne pensais pas que c’était des romans aussi courts ! Ils pourraient carrément être publiés sous forme d’une intégrale les regroupant tout ! Bon, en attendant, c’est noté 🙂
« Les Allusifs » publient plutôt des romans assez courts, et pas mal de Mexicains, donc c’est assez cohérent d’un point de vue éditorial ; une intégrale serait en effet la bienvenue.
Bon, bien, alors…dois-je me laisser tenter au risque de rester sur ma faim, ou pas ? En même temps 108 pages c’est si vite lu…
Si tu le trouves en bibliothèque, n’hésite pas !
C’est certain que je vais lire au moins un de ces opus ! d’ailleurs je vais vite regarder des infos sur cet auteur…
Ravie d’avoir su te tenter !
On n’a le temps de rien dans ce livre, comme s’il s’agissait d’une ébauche à développer… Plus que de la frustration, c’est l’incompréhension quant à ce trop peu qui domine, je trouve…
Il y a quand même une intrigue, une enquête… mais je vois que tu es encore plus frustré que moi 😉
En mettant les 3 côte à côte, tu arriveras à faire un gros livre, j’en suis sûre.
C’est une solution en effet…
J’ai un excellent souvenir de cette lecture !!! qui donne un très bon aperçu des problèmes qui se pose à la frontière américano-mexicaine. Du bon polar…
Je crois que la réalité est encore plus violente que ce que décrit ce livre…
J’ai acheté Mexicali city blues. J’ai tellement aimé que je vais essayer d’en acheter d’autres !!!
Ah, le charme mexicain 🙂