Tijuana City Blues de Gabriel Trujillo Muñoz

Tijuana City BluesMorgado est avocat à Mexico, défenseur des droits de l’homme, surtout ceux des paysans qui en ont bien besoin. Son bureau est en chantier et «Blondie», un des ouvriers qui y travaillent lui demande une faveur : retrouver son père disparu au début des années 50 à Tijuana, qui était déjà à l’époque une plaque tournant du trafic de drogue avec les États-Unis. Marijuana bien sûr, mais aussi héroïne.

C’est à Mexico que le drame débute à l’époque, alors que William Burroughs y est en voyage. C’est là que l’écrivain de la beat generation  tue accidentellement sa femme Joan dont le verre qu’elle tenait en main lui servait de cible : n’est pas Guillaume Tell qui veut… L’écrivain est emprisonné (pas pour longtemps). Il y a là quelques uns de ses amis dont Timothy Randolph Keller, le père de Blondie, fraîchement marié. Burroughs se retrouve seul à sa sortie de prison et  demande à Keller d’aller pour lui à Tijuana rencontrer un ami qui devait lui remettre de l’argent. La rencontre tourne très mal, mais Keller parvient à s’échapper. Depuis, son épouse mexicaine est sans nouvelle de lui, c’est-à-dire depuis plus de cinquante ans.

Voilà donc Morgado parti pour la ville frontière où il va rencontrer un vieil historien qui en connait l’histoire sur le bout des doigts.

D’après ce que Jordán disait, en 1951 Tijuana était une petite ville de soixante mille habitants. La population avait quadruplé en moins d’une décennie. Morgado aurait mis sa main au feu que le voyage de Timothy Keller n’était pas le premier à amener le jeune Californien à Tijuana, ville de la fête et de la violence, reine incontestée du tapage. Si Timothy était vraiment californien, Tijuana devait être sa salle de jeux, sa cour de récréation. Tout le contraire de ce qu’elle était pour l’avocat. […]
C’était l’impression la plus profonde qu’il gardait de la ville vers laquelle il se dirigeait : que tout n’y était que fraude, qu’on ne pouvait s’y fier à personne si on ne voulait pas être volé. Qu’il fallait faire avec.

Que peut-on reprocher à Tijuana City Blues si ce n’est sa brièveté ? Rien : l’ambiance est hard boiled, les dialogues claquent, l’humour guette, et Burroughs et la beat generation en toile de fond, tout est parfait. Mais 108 pages mazette, c’est court ! On a forcément envie d’en savoir plus sur Morgado (son plat préféré, ses amours, son rapport à la police et au pouvoir, le nom de son chat ou de sa dernière maîtresse, tout quoi !), sur les circonstances du meurtre de Joan Burroughs, sur la vie à Tijuana dans les années 50. L’intrigue est très resserrée, et si l’ambiance, vite brossée, est bien là, j’en sors quand même un peu frustrée.

Gabriel Trujillo Muñoz a quand même le temps de soulever quelques thèmes intéressants : la drogue bien sûr, la corruption de la police, mais aussi le mépris dans lequel les États-Unis tiennent le Mexique : « Enfoirés de gringos […]. Toujours à nous considérer comme des sauvages. Des brutes. Des bêtes. Et eux ? Ce sont des petits saints ? De purs et durs tueurs en série, oui, voilà ce qu’ils sont, des cinglés de mes deux. » 

Le meilleur moyen de calmer la frustration est bien sûr, de lire les trois autres opus mettant en scène l’avocat Morgado, mais ils sont quasi aussi minces…

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Tijuana City Blues

Gabriel Trujillo Muñoz traduit de l’espagnol par Gabriel Iaculli
Gallimard (Folio), 2010
ISBN : 978-2070400751 – 108 pages – 4.10 €

Tijuana City Bues, parution au Mexique : 2006

30 commentaires sur “Tijuana City Blues de Gabriel Trujillo Muñoz

  1. Je suis entièrement d’accord avec toi. Les romans de Trujillo-Munoz nous laissent sur notre faim. Celui-ci en particulier qui dispose de multiples éléments qui rendent l’intrigue passionnante et qui auraient pu (dû?) être développés. Ça reste un très bon divertissement mais ça aurait pu être un excellent roman.

  2. bonjour ! je suis tout à fait d’accord avec toi aussi, j’aurais bien aimé aussi que le roman soit plus long ! Dans mon souvenir, le meilleur des trois (ou quatre ?), mais, en fait, je ne suis pas sûre d’avoir lu le quatrième. Morgado, en tous cas, est un personnage vraiment attachant et intéressant.

  3. De cet auteur j’ai bien aimé: « Mexicali City Blues » mais je déplorais déjà cette trop grande brièveté du roman qui l’apparente à une nouvelle un peu développée, genre hybride s’il en est! L’histoire de la mort de la femme de Burroughs est-elle vraie? Je vais me renseigner car c’est la première fois que j’en entends parler!

  4. Bonjour
    J’ai lu Lover Boy et je rejoins Anjelica dans son commentaire. Nous sommes d’éternels insatisfaits. Mais j’aime bien les romans courts, car souvent l’auteur ne dilue pas et son propos n’en est que plus fort
    Amicalement

    1. C’est quand même typiquement un roman d’ambiance, bien chaude, qui mérite d’être développé, il y a plein de détails qu’on aimerait connaître, ne serait-ce que sur l’histoire littéraire…

  5. C’est vrai que ça a l’air alléchant avec des thèmes qui ne peuvent laisser indifférent mais je ne pensais pas que c’était des romans aussi courts ! Ils pourraient carrément être publiés sous forme d’une intégrale les regroupant tout ! Bon, en attendant, c’est noté 🙂

    1. « Les Allusifs » publient plutôt des romans assez courts, et pas mal de Mexicains, donc c’est assez cohérent d’un point de vue éditorial ; une intégrale serait en effet la bienvenue.

  6. On n’a le temps de rien dans ce livre, comme s’il s’agissait d’une ébauche à développer… Plus que de la frustration, c’est l’incompréhension quant à ce trop peu qui domine, je trouve…

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