Avec La dame de Cachemire, je découvre l’inspecteur Méndez, que l’on ne peut qualifier de héros que parce qu’il est le personnage principal et récurrent de la série policière de Gonzáles Ledesma. Il est vieux, moche, au mieux insignifiant, méprisé par ses supérieurs qui ne rêvent que de le voir œuvrer dans un autre service. Pour obtenir quelque chose de son commissaire, il doit lui promettre de demander sa mutation. Qu’il ne s’occupe de rien et tout ira bien. Ou à la rigueur d’un vol de chaise roulante, pour justifier son salaire. Mais voilà qu’un cadavre est retrouvé dans une rue sombre avec à côté de lui, une chaise roulante, vide, qui n’était pas la sienne : où donc s’est enfuit son propriétaire et comment ?
Le personnage de Ricardo Méndez n’est pas aimable, très loin de là. Il n’évalue les femmes qu’en termes sexuels, il est cynique et il sent mauvais. L’auteur ne fait rien pour arrondir les angles, pas de portrait psychologique, pas d’enfance tourmentée, pas de femme infidèle ni d’enfant indigne. Méndez est à prendre tel qu’il est, un élément du tableau, une marque du passé de Barcelone incrustée là sans qu’on puisse s’en débarrasser. Il est de la vieille école Méndez, il entretient ses indics, protège les prostitués et se met facilement à la place des petites gens.
Elle continuait à lui presser la main et à la baigner de ses larmes. Quelle solitude il faut donc que tu portes, Esther, quelle affection de chienne abandonnée tu cherches, pour que même la main de Méndez puisse te paraître apporter un contact humain.
Francisco González Ledesma ne ménage pas son héros, il ne le dépeint que par l’ironie, comme un handicapé de la vie et des sentiments. Il est triste Méndez, sans amour, sans attache, il erre et le lecteur avec lui dans les quartiers les plus sombres de Barcelone, en particulier celui du Barrio Chino où est né González Ledesma. Pas de jolies descriptions typiques, mais des solitudes, des chagrins, des gens exploités et désespérés. Des profiteurs aussi, qui prennent ici le visage d’un promoteur libidineux qui sera bien sûr le dernier à payer le prix de ses infamies. Parce que la vie est comme ça, il n’y en a que pour les riches, mieux vaut le prendre avec le demi-sourire que l’auteur parvient à nous faire esquisser grâce à une ironie constante.
Francisco González Ledesma sur Tête de lecture
La dame de Cachemire
Francisco González Ledesma traduit de l’espagnol par Jean-Baptiste Grasset
Gallimard (Folio n°56), janvier 1999
ISBN : 978-2-07-040718-7 – 338 pages, 7.80 €
La dama de Cachemira, parution en Espagne: 1986
Et la grande force de Ledesma est de nous faire apprécier ce personnage … bien difficile à aimer.
Puis de nous montrer une Barcelone bien différente de celle que l’on connaît … après un visite touristique.
J’adore cette série !
Merci !
Pour un revers de médaille, c’est en effet vraiment réussi.
Je n’aime pas ce genre de policier, donc je passe !
Rha la la, il manque de sex appeal Mendez, c’est vrai, mais il mérite lecture…
La bibli ne propose que le titre « Mendez », surement le premier. Bon, je sais à quoi m’ttendre.
Pour l’instant je suis en Argentine (et un peu d’Espagne) j’espère que ça va continuer comme le début, cela a l’air TB. Chut pour l’instant. Le catalogue Métailié en prend un coup avec moi! ^_^
Mendez est un recueil de nouvelles, sorti assez récemment je crois. J’ai hâte de connaître tes dernières découvertes hispanophones 😉
jamais lu et pas tenté pour l’instant.
Bonne semaine à toi 🙂
J’essaierai d’être plus persuasive la prochaine fois 😉
Pas tentée non plus cette fois, mais bon, ce n’est pas comme si je manquais de lectures…
J’ai aussi quelques autres Espagnols qui m’attendent…
J’avais lu il y a quelques temps « Histoire de Dieu à un coin de rue » et j’avais bien accroché avec Mendez et son Barcelone glauque. Dans ce titre là, on allait aussi en Egypte. J’ai le souvenir d’un polar bien écrit en plus d’une bonne histoire.
Je crois que j’ai un autre titre dans ma pal, mais je ne sais plus lequel, en tout cas, je note celui-ci.
Mendez voyage donc… je n’aurais pas cru qu’il pouvait partir si loin de Barcelone…
De cet auteur, j’ai lu « La ville intemporelle ou le vampire de Barcelone », qui m’avait bien plu, alors je devrais essayer un des polars de cette série. C’est davantage le genre de livres que j’aime…
En fait, j’étais attirée par le titre que tu cites, mais j’ai d’abord eu envie de remonter aux premières apparitions de Mendez (les toutes premières ayant été publiées dans la presse, me semble-t-il). Il se pourrait donc que ces fameux vampires apparaissent ici aussi (ou là).
J’aime beaucoup le genre de personnage dont tu parles mais je n’arrive plus à lire de polars, ou exceptionnellement, alors…
Celui-ci en tout cas n’est pas violent, et puis on part en Espagne, ça change…