J., le narrateur de cette histoire, est prof de fac et critique littéraire. Il voudrait bien être écrivain aussi, mais chaque fois qu’il s’installe derrière sa machine, rien ne vient. Il est tout juste bon à picoler, malgré les patients encouragements d’Ana, sa compagne. Et de la patience, il lui en faut car en plus d’être un « écrivain » frustré, J . n’est pas loin d’être tout simplement minable. Il n’est pas loin d’éprouver un seul sentiment, la jalousie à l’encontre de son « ami » tellement génial en matière d’écriture qu’on le surnomme Mozart : tout lui réussit, ses livres sont des succès, il a même épousé la femme que J. et lui aimaient adolescents.
Porté par son aura de critique littéraire, J. fait figure d’autorité dans le monde de l’édition mais ne mérite guère son poste de prof. C’est pourtant une jeune étudiante, Marian, qui va lui confier son manuscrit pour qu’il lui donne un avis. Or ce manuscrit, c’est une bombe, du grand art, ce que J. a lu de mieux depuis très longtemps. Il est entre ses mains ce manuscrit, Marian, personne ne la connaît : il doit bien y avoir un moyen de faire disparaître l’une pour s’approprier l’autre…
José Angel Mañas tire plusieurs ficelles pour orchestrer ce qui pourrait être un thriller si ce n’était aussi très drôle. Impossible de ne pas sourire du portrait de J., le narrateur, que l’on devine beaucoup moins reluisant que ce que lui veut nous faire croire. Et parce qu’il est un bon critique littéraire, le monde de l’édition lui cire les pompes, c’est un vrai régal satirique. On s’est même mis d’accord pour lui donner le prix Planeta dès qu’il sortira son deuxième roman…
A l’inverse, quand J. décide de séquestrer Marian, c’est beaucoup moins drôle, angoissant même car l’intelligence froide de J. et ses préparatifs confinent à la folie. Le lecteur est donc pris entre deux feux : la comédie burlesque et le thriller. C’est assez déstabilisant et crée un réel climat oppressif.
Patrick Bouchitey a adapté ce roman dans un film, Imposture, où il tient le rôle de l’écrivain usurpateur. Le déroulement de l’intrigue est très fidèle à celle du roman, même si certains aspects comiques (les plus grotesques) ont été écartés (comme l’affreuse collègue nymphomane). Patrick Bouchitey incarne très bien cet universitaire rabougri et envieux, incapable d’écrire. Il a parfois des airs Gainbarre vraiment seyants. Mais l’acteur réalisateur choisit de complètement modifier la fin. Il se montre ainsi infidèle mais sa conclusion est fine, elle permet à la jeune fille de se venger du vieux maître en faisant œuvre de ses souffrances : « Le malheur est un tremplin pour les forts, un abîme pour les faibles », la citation est de Balzac. La déconfiture est totale pour celui qui dans le film s’appelle Serge Pommier.
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Je suis un écrivain frustré
José Angel Mañas traduit de l’espagnol par Jean-François Carcelen
Métailié (Suites), 1998
ISBN / 978-2-86424-286-9 – 161 pages -9 €
Soy un escritor frustrado, parution en Espagne : 1996
Grrr il a tout pour me plaire et il n’est pas à la bibli numéro 1. On verra l’autre…
J’avais a-do-ré ce livre lu il y a plusieurs années maintenant. Je me souviens avoir noté qu’un film avait été adapté mais je n’ai toujours pas eu l’occasion de le voir par contre.
Même si la fin change radicalement, le film n’est pas décevant.
Présenté comme ça, il semble intéressant. Si je le trouve en bibliothèque. Merci Ys
J’espère le trouver à la biblio !
C’est étrange, je lis en ce moment un roman qui ressemble à celui ci: « Auteur en sursis » de John Colapinto (un jeune homme de 25 ans qui se dit écrivain mais qui n’a pas écrit une ligne. Un jour, il apprend que son colocataire a écrit un roman. Il attend que ce dernier soit sorti pour le lire: il découvre alors que c’est très bon. Voilà que le destin lui donne un coup de pouce: son colocataire meurt dans un accident de voiture. Il va alors proposer le manuscrit sous son nom. A lui la célébrité. Sauf que tout n’est pas simple et quelques petits imprévus vont se mettre sur sa route. Il va lui falloir beaucoup d’imagination pour enterrer la supercherie. A tout jamais). C’est drôle, avec du suspense.
Je vais noter le titre dont tu parles.
En effet, le scénario a l’air très ressemblant !
Problème de communication avec WP résolu : commentaire pour le plaisir 😉
Formidable !!
je crois que je vais faire l’impasse , je me méfie des ratés complaisants depuis « ligne de courtoisie »
Luocine
un bon sujet et ton billet est tentant, cela me rappelle un excellent roman allemand : Himmelfarb de Mikaël Kruger excellent aussi
J’adore les histoires d’écrivain ! je le note !
oh oh, voici un roman comme je les aime. Je note ! Merci 😉
Je note car j’aime beaucoup ce que tu en dis. De plus, tout ce qui touche au domaine de l’écriture et ses affres, sous toutes ses formes correspond à ce que j’aime, entre autres univers 😉 !
Je note, pour ma série « histoires d’écrivains » !
L’histoire a l’air prometteuse et ce que tu en dit, humour puis angoisse, peuvent me plaire. Je note mais pour plus tard.
Lu il y a une éternité, mais très très bon souvenir (et j’ai davantage retenu le côté drôle : c’est grave docteur?).
Un livre qui a l’air intéressant, je vais peut être me laisser tenter…
J’avais beaucoup aimé cette lecture qui réussit très bien l’alliance de l’humour et du suspens.
J’ai eu la chance de rencontrer l’auteur, qui, pour ne rien gâcher est très sympathique et très drôle.
J’ai regardé une interview sur le net, il a l’air en effet très sympathique et il parle plutôt bien français. Et il est jeune, il a connu tôt le succès.
Bonjour Ys, j’avais vu le film: très bien. Je note le titre du roman. Tout cela pour dire que Patrick Bouchitey a complétement disparu du paysage cinématographique et c’est bien dommage. Bonne journée.