Ce roman est le premier d’une série policière barcelonaise écrite par une femme, Alicia Giménez Bartlett, et dont l’héroïne est une femme, l’inspectrice Petra Delicado. Début des années 90 : Petra a été affectée au service documentation. Malgré son passé d’avocate et ses études à l’Académie de police, l’inspectrice n’est reconnue ni par ses collègues ni par sa hiérarchie. Et c’est bien parce que son commissaire n’a personne d’autre sous la main qu’il lui confie enfin une affaire. C’est peut-être aussi parce qu’elle est une femme et qu’il s’agit du viol d’une jeune fille. Elle doit faire équipe avec l’inspecteur adjoint Garzón dont elle est donc la supérieure. Plus âgé qu’elle, il lui témoigne le respect dû à son grade, ainsi qu’une franche hostilité.
Ce couple improbable imaginé par Alicia Giménez Bartlett part donc à la recherche d’un violeur qui fait rapidement une deuxième puis une troisième victime, laissant à chacune une marque sur la peau à l’aide d’une montre hérissée de pointes d’argent. Petra et son adjoint n’arrivent pas à grand-chose, et quand les médias s’en mêlent, ils sont à deux doigts de perdre définitivement l’affaire. Mais Petra n’entend pas se laisser retirer la première enquête intéressante de sa carrière. Enfin, un vieux bijoutier les oriente vers un jeune livreur à la dent noire qui s’enfuit dès que la police tente de l’appréhender. Juan Jardiel, promis en mariage à sa presque sœur vit avec elle chez sa mère castratrice et autoritaire au possible : le portrait idéal du violeur…
Voilà un roman procédural à l’espagnole qui s’attache beaucoup à ses personnages. Pour Alicia Giménez Bartlett, la vie personnelle et professionnelle de Petra Delicado, ancienne avocate deux fois divorcée est au moins ainsi intéressante que l’enquête elle-même. Elle doit en effet gérer beaucoup d’hommes, au premier rang desquels un premier ex-mari autoritaire qui ne lui a pas pardonné d’avoir quitté son cabinet d’avocats pour la police et la rabaisse sans cesse. Le second ex-mari s’avère également encombrant, mais de façon beaucoup plus juvénile, lui l’éternel adolescent qui avait trouvé en Petra une seconde mère. Il lui faut également apprendre à connaître Garzón, toujours obéissant, à la limite obséquieux, mais qui ne peut pas agir ou parler sans penser que sa supérieure est une femme. Pas macho, mais déconcerté.
Petra se rend compte qu’être une femme flic n’est pas aussi valorisant et idyllique qu’elle le pensait :
Nous n’obtiendrions pas la moindre collaboration de la part des victimes. Ce serait toujours une affaire de famille, et la fille violée était son point le plus faible, celui par lequel la tache sur le nom pouvait s’étendre. Il fallait donc la neutraliser, l’empêcher de parler ou lui faire réciter un scénario grâce auquel un certain type de gain était encore possible. Tout allait être plus dur que je ne l’avais imaginé, les implications collaient aux doigts comme des toiles d’araignées toutes fraîches. Qui s’intéressait vraiment à la capture du violeur ? Mon collègue sirotait un Ribeiro, étranger à mon marasme.
Elle se heurte à l’animosité des victimes et des familles qui ne veulent pas évoquer la honte d’un viol ; à la pression puis à la calomnie des médias avec lesquels elle ne veut pas collaborer ; au mépris de la population qui juge la police incapable au fur et à mesure que le nombre de cadavres augmente. Et de fait, l’enquête piétine longtemps, faute de preuves. Le lecteur suit Petra, les hauts et les bas de son moral, ses relations (qui vont s’améliorant) avec son collègue qu’elle apprivoise et avec ses ex-maris. Bref, c’est à hauteur de femme qu’on suit cette enquête par ailleurs intéressante. Pas d’ADN, pas d’Internet ni de téléphone portable, c’est encore à la réflexion et à la déduction qu’elle se mène, privilégiant les personnages.
Alicia Giménez Bartlett sur Tête de lecture
.
Rites de mort
Alicia Giménez Bartlett traduite de l’espagnol par Marianne Millon
Rivages (Rivages/Noir n°352), 2000
ISBN : 978-2-7436-0614-5 – 415 pages – 10.40 €
Ritos de muerte, parution en Espagne : 1996
Une femme enquêtrice, voilà qui mérite que l’on s’y penche et Barcelone est un plus, je note.
C’est une série qui marche bien, au moins sept volumes je crois, et une série télé. Et Barcelone !
Ah, voilà un polar qui m’a l’air tout à fait écrit pour me plaire. En plus, la traductrice Marianne Millon sait en général bien s’immerger dans l’atmosphère, l’écriture et le style de l’auteur.
Pour ma part, j’y retournerai, ces deux personnages me semblent avoir de l’avenir…
L’Espagne est un bon décor pour le polar. C’est une terre de passions…
…et Barcelone une ville à polar, c’est certain ! Bienvenue ici Jeanmi.
je ne lis pas beaucoup de roman policier , sauf exception!
Là je me dis que c’est un bon polar pour amateur du genre non?
Luocine
Il faut aimer le genre procédural, et le couple d’enquêteurs homme-femme lui donne de l’originalité.
Alors moi j’aime bien quand les décors changent. Barcelone, là, ça a l’air très sympa. Je ne connaissais pas cette série. Je note.
J’en ai entendu parler depuis longtemps. Jamais lu. Il faut que je me rattrape.