Comme beaucoup d’autres PK, Shepherd Blaine travaille pour l’Hameçon, cette multinationale qui contrôle les voyages dans l’espace. Pas n’importe quels voyages. Car depuis que la science a renoncé à l’exploration spatiale, l’Hameçon a développé la pratique du voyage uniquement par l’esprit : les PK (ou parakinésistes) seuls, en sont capables. Ils vont d’une planète à l’autre, à plusieurs milliers d’années lumières s’il le faut, rapportant à leur entreprise des découvertes essentielles dont elle conserve le monopole :
« Il y avait tout d’abord les médicaments, une pharmacopée entière recueillie dans les étoiles pour alléger et guérir les maux de l’humanité. Résultat : toutes les épidémies, toutes les maladies incurables étaient tenues en respect. Encore une génération – deux générations au plus – et la notion même de maladie serait balayée de la surface du globe. La race humaine possèderait désormais une âme saine dans un corps sain. De nouveaux tissus, de nouveaux métaux, de nouveaux aliments avaient fait leur apparition. De même que de nouvelles idées en matière d’architecture et de nouveaux matériaux de construction… »
Lors d’une mission comme les autres, Blaine entre en communication avec une entité extraterrestre rose qui se loge dans son esprit. De retour dans son corps, il se souvient de l’avertissement lancé par un collègue disparu : si tu reviens avec un corps étranger en toi, fuis. Commence alors la course : Blaine quitte son travail, son logement, sa ville (quelque part au nord du Mexique), aidé par une journaliste, l’Hameçon à ses trousses. On découvre alors le sort des PK, diabolisés par la population. En effet, la multinationale n’utilise que les PK capables de voyager dans l’espace, stigmatisant les autres qu’elle fait passer pour des créatures maléfiques. Profitant de la ruine de la science, une ère de superstition, attisée par l’Hameçon, a déferlé sur le continent, laissant place aux croyances les plus primaires. Ainsi les PK capables de voler, les léviateurs, sont-ils considérés comme des sorcières. Chaque nuit, la population s’enferme et protège sa maison de runes et d’incantations. Au cours de sa fuite, Blaine découvre le sort réservé aux PK persécutés qui vivent dans des ghettos.
Clifford D. Simak dénonce ici les dérives d’un système devenu monopole : les moyens employés pour réussir, la non répartition des richesses et surtout la mise à l’écart d’une partie de la population en raison de ses différences. Dans une généreuse perspective humaniste, Simak fait des PK l’avenir de l’humanité :
« Les hommes normaux – ceux qui avaient amené la civilisation au point qu’elle avait atteint aujourd’hui – ne suffisaient plus désormais. Les humains normaux avaient porté la culture aussi loin que le permettaient leurs facultés. Elle avait rempli son rôle. A présent, c’était la race elle-même qui évoluait. De nouvelles facultés étaient nées, s’étaient développées – exactement comme les créatures de la Terre avaient évolué, s’étaient spécialisées pour évoluer encore, à partir de la première étincelle de vie qui s’était manifestée dans le bain chimique bouillonnant qui recouvrir la planète à l’aube des temps ».
Evolution donc, qui ne va pas sans contestation ni exclusion, ouvrant la voie à de nouvelles formes d’humanité. On n’est pas loin d’un Theodore Sturgeon et ses êtres humains aux capacités extraordinaires, pas loin non plus d’un Philip K. Dick et de ses identités bouleversées.
Le pêcheur (The Fisherman, 1961), Clifford D. Simak traduit de l’anglais (américain) par ???, J’ai Lu, 1975, 317 pages, épuisé dans cette édition