Un journaliste politique liménien est envoyé dans la Cordillère pour couvrir la venue du président Toledo. Celui-ci, soucieux de tirer un trait sur les années Fujimori et de se tourner vers les populations indigènes, lance une campagne de distribution d’argent pour les soutenir financièrement.
Le village choisi pour débuter la campagne devant les médias est Oreille-de-Chien, dans « la région la plus accablée du pays, semée de fosses communes, difficile d’accès […], la plus durement frappée par le terrorisme, la plus misérable, froide, âpre ». A part les terroristes du Sentier, personne n’a jamais mis les pieds à Oreille-de-Chien, les milices paysannes ayant fait elles-mêmes le travail.
Le narrateur rechigne à cette mission : trop froid, trop loin, en dehors de ses préoccupations professionnelles et personnelles. Il travaille sur un amnésique, cherchant à comprendre les mécanismes de l’oubli et de la mémoire, mais ce qui le préoccupe le plus c’est sa femme qui a rompu juste avant son départ. Il pense à elle, à leur fils Paulo mort à quatre ans, et la présence de ces deux absents est plus importante que celle des vivants. Il devient pourtant l’amant d’une jeune Indienne enceinte qui lui saute au cou.
S’il est ici question du terrorisme et du Sentier lumineux, ce n’est que de façon oblique, à travers le personnage de l’Indienne. Le point de vue du journaliste domine sans raconter une histoire, mêlant les fils d’un ressassement qui a pour cœur la mémoire : l’amnésique qui a tué sa famille et ne s’en souvient pas ; le pays qui fait retour sur une sinistre période qui ne peut être tout simplement oubliée ; un père qui vit dans le souvenir de son enfant disparu.
Le ton est désenchanté, parfois cynique. La douleur du narrateur l’enferme et le rend aveugle aux autres. L’écriture est indissociable du contexte de violence qu’on souhaite oublier et enterrer mais qui demeure présente dans les relations sociales, intimes et dans la mémoire collective du pays.
Un lieu nommé Oreille-de-Chien
Iván Thays traduit de l’espagnol par Laura Alcoba
Gallimard, 2011
ISBN : 978-2-07-012660-6 – 240 pages – 17 €
Un lugar llamado Oreja de Perro, parution au Pérou : 2008
il semble magnifique et bouleversant !
Je ne dirais pas bouleversant car l’écriture est assez froide, mais ce roman montre l’intrication des destins individuels pris dans la violence même après les événements.
Mais quelle couverture, mon dieu, une vraie splendeur ! Clairement, j’attendrai de l’emprunter en biblio (au vu des thèmes qu’il aborde).
Un brin aride mais magnifique, ça donne des envies de voyages…
La première de couv. Donne une impression de fin du monde.
Je trouve le ciel magnifique, j’aimerais bien connaître ces grands espaces désolés…
Thèmes aussi arides et difficiles (perte d’un enfant, meurtres et tortures des Indiens péruviens) que le paysage ambiant. Ecriture violente et saccadée, en accord avec l’histoire racontée. Mais malgré tout ça un livre étonnant et envoutant.
La violence est un thème central de la littérature péruvienne, il est très intéressant de voir comment les écrivains aujourd’hui s’en emparent et l’illustrent