Roman de la transition vers l’âge adulte, Fin d’après-midi se découpe en trois parties. Dans la première, la narratrice s’impatiente : elle vient de quitter le lycée et s’imagine le monde de l’université comme une sorte de terre promise et de temps fabuleux de grandes découvertes. Finis l’univers cloîtré et mesquin de l’école, la protection des parents, les amitiés rendues obligatoires par la promiscuité. Une période de liberté va s’ouvrir.
Et effectivement, la jeune fille rencontre des jeunes gens qui sortent de son univers habituel, lecteurs, graines d’intellectuels ou de révolutionnaires, brassant concepts et idéaux. Elle ne se sent pas pour autant à sa place parmi ces jeunes gens de convictions. « Nous étions en lettres, nous étions l’avenir de la culture » écrit-elle plus tard presque ironiquement. Car tous ces étudiants écrivent, la narratrice elle-même écrit ses premiers poèmes à travers lesquels elle souhaite incarner un « esprit français » : irrévérencieux, anticlérical et scandaleux. La jeune fille choisit ses amis et découvre l’amitié puis l’amitié amoureuse. Espoirs, déceptions, incompréhensions semblent propres à alimenter la création. Car ce qu’elle découvre de la vie étudiante n’est pas aussi libérateur et exaltant que ce qu’elle attendait.
C’est au final dans une troisième partie, quand la violence du Sentier lumineux s’installe dans le pays et au cœur même de la capitale et donc de sa vie, que la jeune fille prend toute la mesure de son autonomie et apprend à faire des choix d’adulte. En l’occurrence celui de quitter le Pérou pour s’installer en France. C’est aussi le moment où s’affirme son écriture, où la poésie devient un mode d’expression et qu’elle reçoit les premières récompenses qui concrétisent la reconnaissance du public. Dès lors écrire devient une façon de s’affirmer dans un pays en état de guerre.
Roman générationnel d’une adolescence liménienne, Fin d’après-midi est avant tout un roman sensible sur cet âge de la vie qu’on sait difficile. La jeunesse ici décrite, celle des classes aisées de la capitale, semble directement découler d’une grandeur passée et surannée : grandes maisons, belles études, ambitions parentales, mais une méconnaissance totale du sexe et une absence d’opinion politique. Comme des enfants gardés trop longtemps dans la ouate.
La narratrice n’a pas de prénom, on peut sans doute l’appeler Grecia pour une grande partie. Par cet anonymat, elle est aussi beaucoup de jeunes filles non pas opprimées mais étouffées par une société conservatrice où les femmes n’ont pas naturellement de place dans le monde du travail ou de la création. Quand elle commence à écrire, elle symbolise aussi l’écrivain face à la violence : la création est-elle possible en temps de guerre ? Tout ça en quelques pages d’une écriture sensible et pudique.
Grecia Caceres sur Tête de lecture
Fin d’après-midi
Grecia Caceres traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu
L’Eclose, 2004
ISBN : 2-914963-06-8 – 164 pages – 16 €
Atardecer, parution en France : 2004
un roman qui devrait me plaire. Merci !!
Beaucoup de sensibilité dans ce court roman, je te souhaite une bonne lecture.
Je n’ai jamais lu cet auteur, et là tu donnes envie !
C’est une auteur peu connue, qui vit en France, et mérite d’être découverte. Mais la littérature péruvienne, à part les romans de Vargas Llosa, n’est pas ici la plus lue d’Amérique latine (ni la plus traduite d’ailleurs).
Il a l’air pas mal mais j’ai l’impression que tu ne le trouves pas vraiment indispensable.
je l’apprécie mieux encore maintenant que j’ai entendu l’auteur en parler et vraiment compris sa démarche, mais ma première lecture était déjà positive, je trouve que c’est une auteur très sensible.
A lire ton billet, il s’agit d’un coup de coeur pour toi, je me trompe ?
C’est le deuxième roman que je lis de cette auteur avec plaisir. Un autre parait au Pérou à l’automne, j’espère qu’il sera rapidement traduit.
J’ai eu du mal à trouver des romans d’elle qui soient encore publiés.
Ils sont pourtant disponibles : le premier chez Balland et les deux autres à L’Eclose (il y en avait des piles à America…).
A l’avoir entendue dimanche après-midi, son roman m’intéresse…
Les auteurs gagnent souvent à être entendus 😉