Pike de Benjamin Whitmer

Alors qu’il n’a pas encore réglé tous ses comptes avec la vie, Pike hérite d’une gamine, sa propre petite-fille Wendy âgée de treize ans. Junkie et prostituée, sa mère vient de mourir d’une overdose et la petite n’a personne d’autre que son grand-père qu’elle ne connaît pas. Ça ne colle pas tout de suite entre Pike et Wendy, ils doivent s’apprivoiser. Est-il pris de remords ? Pike décide de découvrir si Sarah est bien morte d’une overdose : il quitte Nanticote pour Cincinnati avec son pote Rory, jeune homme à fleur de peau qui rêve de devenir boxeur et s’entraine dur.

Cincinnati, c’est la ville de Derrick Krieger, un flic complètement barge qui flingue les Noirs qu’il déteste (ils représentent un tiers de la population). Et Derrick cherche Wendy. Sa justice expéditive a déclenché de graves émeutes, mais il ne semble pas avoir grand-chose à craindre pour son poste. Nous sommes en 1985 et la ville est une zone de non-droit. Sur les cadavres des oubliés du développement industriel fleurissent les dealers, les proxénètes, les tueurs tandis que meurent drogués, putes et victimes en tout genre.

Ce n’est que peu à peu qu’on en apprend plus sur les trois protagonistes principaux, Pike, Derrick et Rory. Ils ont tous la cervelle cramée d’une façon ou d’une autre. Tout le monde craint Pike, un vrai méchant autrefois mais dont la réputation suffit encore à faire reculer les durs d’aujourd’hui. Sauf peut-être Derrick qui frappe, flingue et tue à tour de bras. Ils ont tous la gâchette facile et on se demande vraiment où on se trouve. Quelque chose comme le far-west ? Il n’y a plus ni ordre ni loi à Cincinnati, on tue son semblable sans problème.

Il est bien possible que le lecteur fasse une overdose de noirceur. Aucun espoir, aucun salut, Pike n’est même pas meilleur que Derrick. Tout est sale, il fait froid, les époux se haïssent, les gosses sont des zombies et les immeubles s’écroulent. Benjamin Whitmer force parfois le trait mais s’inscrit à l’évidence dans la veine d’un Jim Thompson. L’intrigue est mince comme un fil mais le style sec et nerveux n’en est pas moins très visuel. J’ai quasi vu le film à en tirer. Avec Tommy Lee Jones.

– Putain de quartier, dit Rory en regardant un chien pelé renifler un coin de neige merdeuse au pied d’une longue rangée de maisons en brique en voie de désintégration qui penchent chacune dangereusement selon un angle de ruine différent.

Pike

Benjamin Whitmer traduit de l’anglais par Jacques Mailos
Gallmeister (Noire), 2012
ISBN : 978-2-35178-057-2 – 263 pages – 22.90 €

Pike, parution aux Etats-Unis : 2010

17 commentaires sur “Pike de Benjamin Whitmer

  1. Tommy Lee Jones, oui, c’est une bonne idée ! C’est très noir en effet, c’est le seul terme qui convienne. Mais quand on aime ça, on quand on veut ça, c’est vraiment excellent !

  2. C’est vrai que l’écriture est très visuelle… et que tout ça est d’une noirceur absolue. Mais j’ai malgré tout beaucoup aimé, c’est typiquement ce qui me plait dans la littérature américaine.

    1. Parfois, j’ai trouvé qu’il y avait une touche de trop… un noir un peu trop appuyé, pas aussi « naturel » que chez Thompson par exemple…

    1. Je trouve que c’est vraiment un grand acteur. Et en lisant vraiment, c’est son visage, sa carrure, son style qui se sont imposés.

  3. Effectivement, ça pourrait faire un putain de bon film avec Tommy Lee.
    En attendant voilà 2 auteurs qu’il me faut découvrir (et oui, je n’ai encore rien lu de Jim Thompson, à mon grand désarroi) !

  4. Bonjour, j’ai été tente par ce Pike mais finalement j’ai choisi Empereurs des ténèbres de Ignacio del Valle, noir aussi, mais peut être moins désespéré. A la lecture de ton billet, je ne le regrette pas.

  5. Oui, d’accord sur Tommy Lee Jones, que j’aime beaucoup. Et j’ai beaucoup aimé ce livre, lu à sa sortie ( tiens Whitmer est aux QDP ) , très noir, oui; peut-être comme tu le dis un poil trop, mais bon, pour un premier roman, pas mal !

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