Le soleil sous la soie d’Eric Marchal

Le soleil sous la soieLe soleil sous la soie est un roman historique qui transportera son lecteur dans le duché de Lorraine à la toute fin du XVIIe siècle. La Lorraine n’était alors pas française, elle avait son duc, sa cour, ses lois et une bien mauvaise situation géographique entre royaume de France et Saint-Empire. Point n’est besoin cependant d’en savoir beaucoup car Eric Marchal est très habile : sans jamais infliger de cours d’histoire, il donne au lecteur les éléments nécessaires à la compréhension des enjeux politiques de cet épais roman qui ne pourra que combler l’amateur de romans historiques.

Nicolas Déruet, héros de Le soleil sous la soie, est chirurgien itinérant, par goût de la liberté, de l’indépendance. Il rencontre presque simultanément Rosa, jeune fille de caractère sur le point d’être mariée au vieux marquis de Cornelli et qui ne pense qu’à échapper à son destin, et Marianne, accoucheuse. Alors qu’il pratique un accouchement avec son aide, la mère meurt et l’enfant, Simon, est confié au couvent du Refuge. Il est le fils illégitime du marquis de Cornelli.

Nicolas, sous le charme de Marianne, décide de s’installer à Nancy chez son ancien maître François Delvaux. Nicolas est très réputé comme chirurgien et le gouverneur de France lui demande de soigner ses calculs. Il fait une première intervention concluante, mais le malade reste faible. Jean-Baptiste Courlot, médecin du gouverneur enrage en sachant que Nicolas, un gueux chirurgien (et donc pas médecin) a touché à son malade. Le gouverneur finit par mourir (probablement affaibli par les saignées de Courlot) : Courlot fait emprisonner Nicolas pour meurtre et propos antifrançais : tout est faux mais bon pour la vengeance de Courlot. L’autopsie prouve la mort naturelle du gouverneur, mais Nicolas reste en prison. François Delvaux son maître parvient à l’en faire échapper, contre la promesse d’intégrer l’armée du duc de Lorraine dont il sera le second chirurgien.

Dès lors Nicolas et le lecteur partent pour quatre ans de campagne de Hongrie contre les Turcs : il assiste Germain Ribes de Jouan, chirurgien des régiments lorrains, qui’ l’apprécie rapidement. Là, il a de quoi perfectionner ses méthodes chirurgicales tant sont nombreux les soldats blessés. C’est sur le champ de bataille qu’il rencontre le duc Léopold, pas encore souverain en son duché.

Il ne serait pas opportun de résumer les six cents pages de Le soleil sous la soie qui mettent si bien en scène la vie de maître Déruet, chirurgien. Il va bien sûr rentrer à Nancy, retrouver Marianne et Rosa, mais les choses auront bien changé à son retour. Il rentre avec Azlan, un très jeune bohémien avec lequel il a lié amitié et auquel il enseigne son métier : le garçon est très doué. Les troupes françaises vont quitter Nancy et Léopold s’installer au château ducal. Nicolas lui reste très lié, au-delà de la pratique chirurgicale.

Un des intérêts de Le soleil sous la soie, réside dans les multiples descriptions des soins apportés par Nicolas qui opère avec les instruments et les moyens de l’époque, c’est-à-dire pas grand-chose. Il ôte des calculs, ouvres des estomacs sans plus d’anesthésie que du laudanum. La rivalité en médecins et chirurgiens qui court tout au long du roman est passionnante, de même que tout ce qui touche à la vie quotidienne, à l’organisation de la ville. Si j’avais un reproche à faire, ce serait que les personnages sont tous trop sympathiques, trop bons, tellement enclins au pardon et à la générosité que c’en est trop.

Alors voilà : c’est très bien écrit, très bien documenté et restitué sans aucune lourdeur ni complication, l’intrigue tient la route tout du long et on apprend quantité de choses tout en suivant un rythme qui ne faiblit jamais. On suit Nicolas Dérouet dans son quotidien de chirurgien ainsi que dans sa vie sentimentale, tout en se familiarisant avec une ville méconnue et un temps si lointain. En matière de roman historique, c’est certainement ce qu’on fait de mieux aujourd’hui en France.

Eric Marchal sur le site de son éditrice.

Le soleil sous la soie

Eric Marchal
Anne Carrière, 2011
ISBN : 978-2-8433-7609-2 – 629 pages – 22.50 €

39 commentaires sur “Le soleil sous la soie d’Eric Marchal

  1. Ah je suis contente que tu aies aimé !!! C’est vrai que les personnages sont tous bons 😉 mais c’est une si belle reconstitution, c’est un vrai plaisir de lecture 😀 les descriptions ont des thèmes variés, c’est très agréable 🙂

    1. Je ne connaissais rien de la situation du duché de Lorraine, et on pourrait croire que ce serait gênant pour lire ce roman qui entre dans les détails de la politique de l’époque mais pas du tout. Et c’est ce que j’apprécie dans les romans historiques réussis : ils parviennent sans lourdeur à mettre en place une situation et à tout expliquer, mieux qu’un cours d’histoire et en procurant du plaisir au lecteur. Un excellent conseil de lecture : merci.

    1. Ah oui ? ça fera une bonne brique en poche, j’espère que l’épaisseur ne rebutera personne car les pages se tournent toutes seules.

  2. Un roman qui me tente depuis longtemps. Ton avis ne fait que renforcer mon envie de le découvrir. Je vais donc attendre la sortie poche pour me le procurer.

    1. J’ai emporté ce livre avec moi à la clinique quand on m’a opérée pour me mettre une broche dans le poignet. J’étais au coeur des rivalités entre médecins et chirurgiens et bien contente de contempler ça depuis ma douillette chambre, au XXIe siècle…

    1. J’étais emballée par ma lecture du début à la fin. C’est vraiment pour moi parmi un des meilleurs romans historiques que j’ai lus, dommage que les personnages ne sont pas un chouïa plus nuancés.

    1. Moi non plus, pas particulièrement, mais là, je me suis dit que ce serait le bon livre pour un petit séjour en clinique…

  3. Je sors d’un roman thriller historique, et sais que j’aime bien les romans historiques réussis qui font connaitre une époque et/ou une profession sans lourdeur inutile. Noté!

    1. Il y a en effet quelques opérations un peu rudimentaires, comme le voulait l’époque, mais rien de gore quand même…

  4. J’adore les romans historiques et celui-ci semble répondre à toutes les exigences du genre, il faut juste trouver un peu de places pour caser les 630 pages !!!

    1. je suis d’accord avec vous, je l’ai lu avec plaisir, mais j’y ai trouver quelques longueurs, en revanche j’y ai appris beaucoup de chose sur cette époque.

      1. Moi aussi, je ne connaissais rien à la situation de la Lorraine à l’époque et j’avais vraiment l’impression de dominer le contexte en fermant le livre. Tout à fait le genre de roman qui rend son lecteur plus instruit sans pour autant lui donner un cours.

  5. J’adorerais lire ce roman il semble très prenant et le contexte historique me plaît beaucoup ! Ta chronique me confirme qu’il faut absolument que je me le procure =)

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