« C’est en cette fin de l’hiver 1429 – le 25 février – au château de Chinon que leurs destins se sont croisés. » Gilles de Rais et Jeanne d’Arc, Gilles et Jeanne, couple improbable et pourtant couple historique, l’un aidant l’autre à placer le roi de France, Charles VII, sur son trône. Le maréchal de France prête sa force guerrière à la pucelle, qui emporte non seulement la victoire mais aussi, nous explique Michel Tournier, membre de l’académie Goncourt, le cœur et l’âme de son allié.
La fascination de Gilles de Rais pour Jeanne d’Arc est avérée mais Michel Tournier la pousse à son paroxysme pour en faire le moteur de la déchéance. Pour l’écrivain, Gilles assiste au martyr de Jeanne et gardera dès lors un certain goût pour la chair brûlée. Et un autre pour les garçons efféminés.
Il s’agit plus dans Gilles et Jeanne du cheminement d’une âme que de la description complaisante des multiples crimes de ce diable d’homme, aucun ne l’est d’ailleurs. Michel Tournier s’emploie à suivre le désespoir de Gilles de Rais, abandonné par celle qu’il admirait, qu’il voulait servir et pieusement adorer. Il en voudra aux membres de l’Eglise de l’avoir fait souffrir, de la lui avoir arrachée. A travers ses multiples crimes, c’est après Jeanne qu’il courra, pour retrouver son image et sa pureté. L’écrivain ne s’attarde pas plus sur la passion de Gilles pour l’alchimie, mais plus sur Francesco Prelati, cet Italien qui l’initia, sorte d’âme damnée.
L’Histoire de France propose aux écrivains de multiples champs fantasmatiques, l’histoire, conjointe pour quelques mois, du diable Gilles et de Jeanne la sainte en est une. D’autant plus qu’elle n’est alimentée que de peu de sources en dehors de quelques dates avérées et de comptes rendus de procès. On peut donc imaginer les sentiments de chacun, interpréter et tenter de comprendre comme le fait Michel Tournier dans Gilles et Jeanne. Car un monstre humain tel que Gilles de Rais fascine par sa cruauté et le nombre de ses crimes : on veut comprendre, on voudrait l’expliquer. Et donc on imagine, pour le plaisir des lecteurs et le cauchemar des historiens…
Comme Lucifer est la face sombre de Dieu, Gilles de Rais ne serait-il pas la face sombre de Jeanne d’Arc ? Nés d’un même siècle pour servir un même roi, tous deux ont fini brûlés pour leurs crimes. Jeanne a été réhabilitée puis sanctifiée par la même Eglise qui l’avait condamnée : à quand saint Gilles-de-Rais ?
Gilles et Jeanne
Michel Tournier
Gallimard, 1983
ISBN : 2-07-024269-2 – 139 pages – épuisé dans cette édition
C’est vrai ça, pourquoi ne pas réhabiliter Gilles de Ray ? De là à en faire un saint…
C’est vrai qu’il a un dossier un peu plus lourd que celui de Jeanne d’Arc…
forcément ça me tente ce genre de sujet: le bien, le mal et les sujets historiques sur lesquels les sources sont lacunaires. C’est le même Tournier qui s’était occupé de Zelda F.? Il a du sortir en folio s’il est épuisé en broché je suppose…
Non, ce n’est pas le même : celui-ci, c’est celui du Vendredi…
J’en étais sûre, il est à la bibli de R. (en magasin, tout de même ^_^)
Hors sujet : tu as lu le sujet sur les automates à la bibli de B. , sur la NR d’aujourd’hui? (garde ton calme…)
Il était en magasin aussi à V, je lui ai fait prendre l’air. Il n’y a pas que toi qui m’as envoyé cet article… j’ai l’impression que tout le monde connait mes inimitiés 😉
Je suis moyennement tenté mais je trouve ton billet très instructif. Je n’aurais jamais pensé que ces deux personnages pouvaient être « si proches ».
On sait qu’ils se sont battus ensemble, mais pas grand-chose de plus. Ce qui fait qu’on peut imaginer n’importe quoi…
j avoue n’avoir jamais beaucoup aimé Michel Tournier , je l’ai toujours trouvé démonstratif et pour tout dire « lourdingue » alors celui-là je ne le lirai sûrement pas
Luocine
Ce titre-là n’est pas lourdingue du tout, dejà, il est court, ça soulage 😉
Ca ne me rajeunit pas, je me souviens l’avoir lu à sa sortie celui-là 😉 C’était ma période Michel Tournier et j’avais bien aimé (mais c’est bien lointain)
Où est cet article dont parle Keisha ? Ca m’intéresse bien car on est en train aussi d’installer des automates dans le réseau où je travaille.
Un excellent souvenir, cette lecture !
ah ben voilà, je savais bien qu’il y avait des lecteurs appréciant Michel Tournier…
Ca y est, j’ai trouvé l’article 🙂
Dans le réseau où je travaille (que tu connais), il y a tellement de mouvement de documents que ce n’est plus vivable pour le personnel. Donc comme de toutes façons on ne peut pas recruter de personnel supplémentaire, c’est une solution pour alléger le travail répétitif. Mais tout le monde souhaite garder le contact avec le public. A suivre donc…
Ce que je trouve intolérable, c’est qu’on n’ait même pas le choix : c’est l’automate ou on n’emprunte pas. Pour moi, c’est décidé : je ne renouvellerai pas mon inscription.
Michel Tournier, c’est vraiment le type que je n’arrive pas à lire. Je me rappelle encore de ce sujet de bac blanc il y a …quelques années ! » Michel Tournier, dans Vendredi ou la vie sauvage, vous êtes vous inspriré d’un autre héros ? Réponse, je serais tenté de dire que j’ai tout inventé. Depuis, j’ai fait une croix sur ce pale type .
J’ai entamé et laissé tomber je ne sais plus combien de fois Le roi des aulnes : un grand échec de ma vie de lectrice. Maintenant que j’ai lu celui-ci, je pourrai peut-être passer à la vitesse supérieure…
j’ai retrouvé la citation exacte A la question : qu’y a-t-il de vrai dans vos histoires? le romancier contemporain Michel Tournier avoue être tenté de répondre : « Rien, j’ai tout inventé. » Hormi son personnage et la trame legerement pompé sur une autre histoire …..
on sent bien le ressenti dans ton com’ 🙂 elle n’est pas encore passée cette citation…
Ce livre est dans ma PAL avec Les météores. Tournier est un auteur que j’ai très envie de découvrir.
Celui-ci me parait un texte propice à une découverte de cet auteur, pas toujours facile à lire.