« L’enfance de Jésus telle que vous ne l’avez jamais lue » pourrait être le sous-titre de ce roman quelque peu irrespectueux. Son héros principal est Pomponius Flatus, philosophe indigent mais qui n’hésite pas à se rendre sur le terrain pour expérimenter en personne les merveilles de la Nature. Sa santé ne s’en porte que plus mal et au moment où il arrive en Galilée, c’est de diarrhée chronique dont il souffre. Il pète aussi beaucoup comme son nom l’indique.
Un crime atroce est commis alors qu’il séjourne à Nazareth : Epulon, riche citoyen juif vient d’être assassiné. Tout désigne Joseph, charpentier de son état, comme coupable. Peu de temps avant, il a eu une violente dispute avec la victime dont il changeait la serrure de la porte, et c’est avec l’un de ses outils qu’il a été tué. Joseph est arrêté et doit être crucifié sous peu.
Le petit Jésus, fils de Joseph, demande alors à Pomponius d’enquêter et de prouver l’innocence de son père. Parce que l’enfant lui propose beaucoup d’argent, le philosophe accepte.
Réécriture du Nouveau testament, comme le fut en son temps le très irrévérencieux Voici l’homme de Michael Moorcock, Les aventures miraculeuses de Pomponius Flatus est un roman qui se lit avec un constant sourire aux lèvres. J’imagine que certains pourront s’en offusquer, mais cette adaptation iconoclaste est si maligne et drôle que le rire l’emporte. Eduardo Mendoza a recours au Nouveau Testament bien sûr, aussi retrouve-t-on des phrases, ou des tournures qui nous sont familières (« En vérité je te le dis Rabbouni », répète l’enfant Jésus). Mais il utilise aussi les évangiles apocryphes, comme il le précise en fin d’ouvrage, qui fourmillent de détails bien moins connus sur l’enfance de Jésus. Aux reprises et citations, s’ajoutent des allusions qui font mouche. Ainsi Pomponius demande à Joseph s’il comprend ses déductions concernant l’enquête. Ce à quoi Joseph répond : « Pas entièrement, mais j’ai accepté des choses plus étonnantes dans ma vie ».
L’anachronisme est aussi un procédé auquel Mendoza n’hésite pas à recourir. Ainsi est-il fait allusion au feu grégeois (qui fait défaut bien sûr) et à la physiognomonie qui pour avoir été pratiquée dans la Grèce ancienne selon Socrate, ne portait pas ce nom et ne l’était pas dans le cadre d’enquêtes criminelles. Mais il faut bien dire que Pomponius est un anachronisme à lui tout seul, son enquête tenant plus des déductions d’un Sherlock Holmes que d’un philosophe romain. Il parle cependant avec une emphase digne des plus grandes épopées et l’humour vient aussi de ce décalage.
Au-delà du simple plaisir de lecture, que nous dit Mendoza ? Qu’il ne faut pas être prompt à croire, que ce qu’on voit n’est pas forcément ce qui est. Ainsi le lecteur est-il trop rapide à reconnaître Judas dans le premier Judas rencontré, et l’apôtre Philippe dans le premier Philippe grec. Mais non, la vérité peut-être ailleurs… Il faut observer et le lecteur ne s’en prive pas à travers le regard naïf de Pomponius. A lumière de ce qui se passera ensuite, l’histoire prend bien sûr un tour tout à fait différent, et savoureux pour peu qu’on goûte ce genre d’humour. Et qu’on ne se laisse pas abuser par des paroles d’évangile.
-Dis Rabbouni, pourquoi Lazare a-t-il dit que les derniers seront les premiers ?
-Parce que c’est un imbécile.
Eduardo Mendoza sur Tête de lecture
Les aventures miraculeuses de Pomponius Flatus
Eduardo Mendoza traduit de l’espagnol par François Maspero
Seuil, 2009
ISBN : 978-2-02-098263-4 – 225 pages – 18.50 €
El asombroso viaje de Pomponio Flato, parution en Espagne : 2008
Ces espagnols nous épateront toujours…
Oui, dommage qu’on les lise peu en France, beaucoup moins que les Anglo-saxons…
Une belle démonstration.
et sans être démonstratif…
ton commentaire donne vraiment envie, …mais … depuis le « tueur hypocondriaque » je me méfie de l humour hispanique !
Luocine
Ah oui, je me souviens de ta déception. Perso, je trouve que l’humour de Mendoza est irrésistible.
Bon, il faut Vraiment que je me lance dans Mendoza 😉 !
Oui, et tu me diras merci 🙂
Je découvrirais bien cet auteur… mais je ne sais pas trop par quel titre. 😉
Eh bien si c’est sa veine humoristique qui te tente alos Sans nouvelles de Gurb est le livre qu’il te faut.
Il vient d’arriver dans ma PAL, ce n’est qu’une question de jo…mo…temps.
Le Papou
Il se lit tout seul, une après-midi suffit, laisse-toi faire…
Rien que pour ce côté iconoclaste, je crois que je vais agrandir ma PAL avec ce livre. Merci pour cette critique bien construite…
Sûr que ça ne caresse pas dans le sens du poil…
La couverture ne m’aurait pas attirée de prime abord … mais pourquoi pas ?!!
C’est vrai qu’elle n’est pas très réussie, ce jaune en particulier. Celle de la version poche est bien meilleure.
J’ai aimé la ville des prodiges mais n’en ai pas lu d’autres de cet auteur depuis. Celui-là me tente bien
C’est un autre genre, une autre veine de ce grand auteur qui les manie tous bien.
Je m’étais régalée avec ce délicieux roman 🙂 (grace à toi, je lis un peu plus d’auteurs espagnols mais c’est bien vrai qu’on ne les connais pas assez en france…
http://lireouimaisquoi.over-blog.com/article-les-aventures-miraculeuses-de-pomponius-flatus-53049972.html
Plus on en parlera, plus ils seront lus 😉
oh il faut absolument que je me le procure ! et très agréable chronique, comme tjs…
Ce n’est pas le titre de Mendoza le plus connu, mais pour une après-midi au soleil, il vaut la peine.
Je note bien soigneusement ce titre dans mon ô combien précieux petit carnet à idée, mais j’ai prêté serment devant mon banquier de me calmer sur mes dépenses en librairie. J’entame donc ma découverte de Mendoza par ‘Sans nouvelle de Gurb’ comme tu l’as conseillé à Kathel!
Excellent début ! Et bienvenue ici.
Tout cela m’a l’air excellent, même si je manque sérieusement de références par rapport au Nouveau Testament…
Pas besoin d’avoir été au cathé : Jésus, Marie, Joseph et quelques seconds rôles suffiront….
j’avais lu La Ville des Prodiges (à Barcelone même) mais le style de Mendoza m’avait rebutée.
Ici le style n’est pas du tout le même : beaucoup moins descriptif.
Très intrigant je note !
Je te souhaite de passer un bon moment avec un peu d’humour espagnol.
j’éai découvert ce roman tout à fait par hasard dans une libriaire de Perros Guirec il y a quelques années, je l’ai adoré, irrespectueux et totalement irrévérencieux, il a fait beaucoup rire la catho pratiquante que je suis, je l’offre régulièrement à des amis qui ont perdu le goût de rire et chaque fois, il fait mouche !
L’humour intelligent fait rire aussi ceux qui en sont la cible. Mendoza possède ce talent-là, je l’apprécie beaucoup et vous conseille Sans nouvelles de Gurb : très vite lu, mais quel plaisir…
J’ai également lui sans nouvelles de Gurb offert par une amie, j’ai passé un très agréable moment une fois les premiers instants de perplexité passés. C’est un auteur qui gagne à être connu, vraiment !