Ti-Bonhomme, c’est Eddie Howard, un petit garçon d’environ cinq ou six ans qui raconte une journée de sa vie. Une journée bien particulière puisqu’au matin, sa maman décide de quitter la maison avec lui pour retourner vivre chez sa mère, Grand-Ma. Elle n’en peut plus de ce mari toujours absent depuis qu’il a acheté une voiture. Alors elle réveille son fils, prend un ballot de vêtements et s’en va. Mais Eddie, son mari, va tout faire pour la récupérer car il l’aime et ne peut vivre sans elle, dit-il.
Voilà donc ce Ti-Bonhomme pris dans une histoire de grands, une histoire qui le dépasse, dont il ne comprend pas toutes les raisons ni tous les enjeux car elle se joue à hauteur d’adultes, bien au-dessus de ses épaules.
Ernest J. Gaines choisit de donner la parole à un jeune enfant, ce qui est un point de vue difficile, qu’il n’est pas aisé de rendre crédible : restituer la naïveté de l’enfance dans une langue qui ne soit pas trop élaborée sans être simpliste ou bêtifiante tient du défi littéraire. Difficile de savoir ici ce qui relève des choix de la traductrice, certains tours syntaxiques sont surprenants sans pour autant jurer dans le contexte. On se fait sans mal au parler de Ti-Bonhomme et on devine à travers ses propos ce que lui ne fait que rapporter, sans le comprendre (autre difficulté du genre tout à fait maîtrisée).
Ainsi suit-on cet enfant, dont on comprend qu’il est noir et qu’il vit dans un quartier réservé aux gens de couleur, non loin ou sur une plantation de canne à sucre. A l’inverse de d’autres romans de Gaines, le racisme et la ségrégation ne sont pas au cœur de Ti-Bonhomme, même si le racisme entre Noirs est abordé, avec la Grand-Ma qui déteste son gendre mulâtre. C’est l’enfance qui compte ici, la solitude et la faiblesse de l’enfant quand ses parents se déchirent. C’est aussi une histoire de couple, avec un père pas assez père et une mère exigeante. Une famille pauvre, digne parfois surprenante mais authentique.
Quelques pages suffisent donc à Gaines pour camper une ambiance, des personnages, un simple drame familial. On l’aurait lue un peu plus longue cette histoire, mais on peut aussi la déguster avant d’entamer d’autres romans sur le Sud des Etats-Unis.
Ernest J. Gaines sur Tête de lecture.
Ti-Bonhomme
Ernest J. Gaines traduit de l’anglais par Michelle Herpe-Voslinsky
Liana Levi (Piccolo n°9), 2002 (paru précédemment dans le recueil : Une longue journée de novembre)
ISBN : 2-86746-301-7 – 97 pages – 6 €
A Long Day in November, parution aux Etats-Unis : 1976
Un exercice difficile mais bien maitrisé donc, un auteur à découvrir pour moi 🙂
Un grand du Sud des Etats-Unis, moins connus que d’autres en France, je ne sais pourquoi.
Je préférerais découvrir cet auteur avec un autre titre. Même si c’est bien maîtrisé, je crains de me lasser de la narration enfantine.
C’est plus une longue nouvelle qu’un roman, pas de risque de se lasser, je crois.
Un auteur que j’ai découvert récemment mais dont je compte bien poursuivre la découverte.
Un nouveau roman vient de sortir, ça peut être l’occasion…
J’adore, je suis un fan absolu de Gaines. A l’origine cette nouvelle a été publié chez 10/18 avec une seconde toute aussi excellente intitulée « Le ciel est gris. » Un très grand écrivain américain !
Alors il faut le dire 🙂 parce que je crois qu’en France, Gaines n’est pas très connu, pas autant que d’autres auteurs américains et en tout cas pas autant qu’il le devrait.
Toujours un peu méfiante avec les langages d’enfants qui ont tendance à m’énerver assez vite. mais c’est parfois très réussi, et dans ce das d’autant plus poignant (comme dans Room par exemple…)
C’est un exercice difficile oui, mais Gaines est grand ! (et je n’ai toujours pas lu Room, dans ma PAL depuis sa sortie en grand format…).
Ah Room, c’est trop bien !!! (passé l’énervement du langage bébé les 10 premières pages !)
Je tâcherai de m’en souvenir le moment venu 😉
En général je n’aime pas particulièrement les textes trop court (pas le temps de me sentir intégré dans le texte) mais celui ci me tenterait bien… Et puis ça sera vite lu, donc pas d’incidence sur la PAL ;0)
Moi non plus je n’ai pas trop de goût pour les nouvelles, mais ce texte est un peu plus long, et on est plongé dans une vraie ambiance.
Une lecture comme en apéritif ?
Oui, juste pour se mettre en bouche…
J’ai lu ce mois-ci « Catherine Carmier » et découvert par là même cet auteur que j’apprécie ; Je pourrais très bien enchaîner avec ce livre que tu présentes et qui a l’air bien intéressant aussi.
Quand on a lu Gaines une fois, on a juste envie de continuer…
C’est le genre d’histoire qu’il me plairait de lire. Quand des auteurs arrivent à faire parler des enfants, l’effet sur le lecteur est dupliqué : je pense à Room d’Emma Donoghue en particulier (qui pour moi reste une totale réussite en la matière). Bises
Quand c’est raté, c’est terrible… je vais lire Room bientôt…