Deadwood – saison 1

Alors que le traité de Fort Laramie garantissait aux Indiens la propriété des terres sacrées des Black Hills, voilà qu’on y trouve de l’or. Affluent alors de partout des hordes pouilleuses de pionniers venant chercher fortune. Deadwood (Dakota du Sud) est donc d’abord un camp établi en toute illégalité en territoire indien. Un amas de tentes, puis des bâtiments en bois. Il n’y a ni foi ni loi à Deadwood, qui ne fait pas partie des Etats-Unis et où s’installe aussi tout un tas d’individus désireux de fuir leur passé. Autant dire que seuls les durs à cuire s’en sortiront.

Hickok Bullock

Quand commence Deadwood saison 1, Seth Bullock (Timothy Olyphant) quitte le Montana où il fait office de shérif pour les Black Hills. Il rejoint avec Sol Star (John Hawkes) le camp de Deadwood où ils vont vendre des articles pour pionniers et chercheurs d’or : bottes, couvertures, pots de chambre… Ils vont devoir traiter avec Al Swearengen (Ian McShane), le propriétaire du saloon, une brute distinguée qui tue et fait tuer, entube les gens et règne par la terreur sur les filles et les clients. Rien ne se passe à Deadwood sans que Al Swearengen n’en soit informé : c’est lui qui décide de tout.

A Deadwood, on croise des légendes de l’Ouest comme Calamity Jane (Robin Weigert) et Wild Bill Hickok (Keith Carradine). Mais surtout tout un tas de gens qui n’ont en commun qu’une tenace volonté de survivre et de faire fortune. Sur des modes parfois bien différents, mais de toute façon violents.

Tous les membres d’une famille de pionniers ont été massacrés sur une piste. On pense que les Indiens ont perpétré le massacre, dû en fait à un trio de Blancs sans scrupules. Une enfant a survécu. Al Swearengen souhaite sa mort afin qu’elle ne dise jamais que ce sont ses hommes à lui qui ont agi (et sans ses ordres). Mais Seth Bullock et Wild Bill Hickok récupèrent l’enfant sur laquelle veille Calamity Jane dans un premier temps, puis Alma Garrett (Molly Parker).
Cette new-yorkaise est arrivée là avec son mari, un riche naïf parti à l’aventure. Elle vit recluse dans sa chambre sous laudanum, tandis qu’il se fait orpailleur, sans grand succès. Mais voilà qu’on découvre que sa concession est très rentable. Al Swearengen, par l’intermédiaire de E.B. Farnum (William Sanderson), propriétaire de l’hôtel qui fait face au saloon, tente de la lui racheter. Il résiste, bien mal lui en prend. Sa veuve va devoir lutter pour conserver son bien. Elle demande l’aide de Seth Bullock, le seul habitant de Deadwood qui semble un peu honnête.

Dès lors, le téléspectateur s’attache au destin de quelques personnages tous très typés. En plus de ceux déjà cités, on retient Cochran (Brad Dourif), le médecin qui soigne en particulier les prostituées d’Al Swearengen et qui va avoir fort à faire avec une épidémie de variole ; le révérend Smith (Ray McKinnon), un illuminé toujours souriant qui ne semble pas se rendre compte de la turpitude morale qui l’entoure ; Trixie (Paula Malcomson), prostituée et maîtresse d’Al Swearengen ; Cy Tolliver (Power Boothe) , qui lors du troisième épisode arrive à Deadwood et décide d’ouvrir un autre saloon, en face de celui de Swearengen et beaucoup plus chic… Citons aussi, beaucoup plus secondaires mais formidablement incarnés : Jewel (Geri Jewell), une infirme qui fait le ménage dans le saloon de Swearengen (elle nettoie les nombreuses taches de sang…) et Jack McCall (Garret Dillahunt), un semi demeuré violent, meurtrier (dans le dos) de Wild Bill Hickok.

La série tient sur le jeu de quelques excellents acteurs (comme souvent chez HBO) qui semblent directement débarqués de ces temps quasi primitifs. Mais ce qui frappe d’abord, c’est le réalisme des décors et des situations. Oubliés les westerns où les gars sont propres et bien coiffés. Ici, la boue et la crasse dominent. On est plongé dans un monde de types avides, bien loin des gentils pionniers de Walnut Grove. La crudité des dialogues n’est pas en reste. A la vérité, aucune phrase ne se prononce sans un « fucking » quelque chose. Le mot le plus répandu est « cocksucker », au point que ce soit le seul que connaisse Mister Wu (Keone Young), le chef des Chinois de Deadwood (c’est à lui qu’appartient les cochons auxquels on confie tous les cadavres indésirables). Tellement répandue comme insulte qu’elle peut aussi se faire familière, voire affectueuse. A l’inverse, quand Swearengen appelle Bullock « your Hollyness », ça n’est pas un compliment. Car l’intègre Bullock, l’intransigeant Bullock dérange souvent les plans du tenancier aux allures de mafieux.

Au-delà de tous ces personnages qui révèlent peu à peu leur passé et leur complexité, le contexte historique est très intéressant. Nous sommes devant une Nation qui se construit, on en voit les coulisses. C’est le mensonge, le sang et la violence qui en sont les fondements, bien après toutes les déclarations et traités. Deadwood n’est même pas une ville, juste un camp en plein territoire indien que ne régit aucune structure sociale ou législative. Peut-on vivre sans loi ? Peut-on compter sur l’individu et non sur la communauté pour régir les rapports sociaux ? L’homme a-t-il besoin d’une autorité supérieure pour vivre avec ses semblables ? C’est exactement la thématique du film de d’Anthony Mann, Je suis un aventurier avec James Stewart où une communauté née spontanément de la découverte de filons aurifères vit sous la loi d’un caïd aussi puissant que cruel.

A l’inverse des familles qui ont traversé le pays pour posséder des terres à l’Ouest et les exploiter, les habitants de Deadwood ne viennent pas s’y installer : ils viennent arracher à la terre sacrée des Indiens et aux rivières ce qui fera leur fortune, les souiller et puis partir. Mais certains restent plus longtemps que d’autres et certains commerces indispensables s’installent (saloon, bordel, hôtel…) en toute illégalité. Sous peu, le gouvernement fédéral va se manifester, Deadwood va devoir s’organiser pour être reconnue, « élire » un maire, un shérif… Parallèlement aux structures légales toujours à la traîne, la loi de quelques caïds fait autorité et se construit par la terreur. Pour gérer leurs intérêts Al Swearengen, Cy Tolliver et même Mister Wu (l’ombre chinoise…) construisent leur réseau d’influence.

« Deadwood » en finit clairement avec le mythe du bon pionnier venu travailler dur pour bâtir une grande nation. Ici, c’est l’égoïsme avant tout, le règne du chacun pour soi, de l’enrichissement personnel et du mépris de la vie humaine. Le réalisme renforce l’historicité d’une série qui mêle personnages historiques (même si mythiques) et inventés. C’est un vrai visage de l’Amérique qu’on brandit là, capable de balayer en un épisode les décors aseptisés de centaines de westerns hollywoodiens et propagandistes. C’est sur le meurtre, la trahison, la compromission et les pots-de-vin que s’est construit l’Amérique, bien plus que sur Dieu et le travail (on ne voit pas les gens prier et peu d’orpailleurs effectivement travailler). Derrière le rêve : la crasse et la honte.

13 commentaires sur “Deadwood – saison 1

  1. Tu as écrit les mots qui font marcher la machine, Montana, Dakota, Frontière, cow boy, etc… Cela ira bien avec ma Contrée indienne. Mais j’ignore si cette série est dispo ici, en DVD.
    Quand aux gentillesses telles cock sucker, la fréquentation de Lansdale m’y a quasiment habituée…

  2. Et donc, je transfère enfin mes abonnements de The Old Reader à G2reader, et là je vois apparaître un blog auquel je ne me souviens pas du tout de m’être abonnée, « Tête de lecture ». Je m’en vais vite voir ce qu’il en est, et c’est toi O_O. Voilà, The Old Reader reste en rade quelque jour et on ne reconnaît plus rien ;-p. Très bien autrement la nouvelle présentation, claire et aérée, j’aime bien.

    Par contre, « Deadwood », pas envie, les westerns et moi, on a du mal à s’entendre (là, je regarde « Cowboy Bebop » qui est déjà vraiment trop « western » dans l’esprit et qui, du coup, m’ennuie plus qu’autre chose, malgré une mise en scène du tonnerre).

    1. Eh oui, tout à changé ici. Ca s’est fait progressivement (d’abord le titre, puis mon pseudo, puis le design), mais effectivement, si tu vois tout d’un coup, ça surprend… « Cowboy Bebop », c’est plus space op et asiatique, non ? Ce qui me plait dans « Deadwood », outre les très bons acteurs, c’est le contexte historique, le cadre de la construction des Etats-Unis, comment un repère de voleurs et de hors-la-loi va devenir une ville. Sinon, il n’y a pas de véritable intrigue, c’est la vie au quotidien.

  3. J’adore Deadwood ! Quel dommage que HBO ait arrêté la série après 3 saisons : du coup, il n’y a pas de fin et on reste sur notre… faim, précisément. Cela fait plusieurs fois que je loue le roman de Pete Dexter à la biblio mais à chaque fois, je le rends sans le lire. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque pourtant mais ce n’est pas encore le bon moment, il faut croire ! Bon visionnage de la 2eme saison ! ¨¨**

    1. D’habitude, je rechigne à regarder des séries pas terminées, mais là, c’est moins l’intrigue qui m’intéresse, (il n’y en a d’ailleurs pas vraiment, c’est plus des vies au quotidien) que le contexte de construction d’une nation et surtout la restitution réaliste qui fait vraiment contrepoids à des décennies de westerns idéalistes.

  4. Quoi ? Ian McShane joue un salaud dans Deadwood ? J’avais envie de voir la série pour lui, mais je ne me suis jamais intéressée à l’histoire. Je tombe des nues. 😉 Mais je garde la série dans ma liste.

  5. Je l’ai vu dans quelques séries télé en fait (pas toutes très reluisantes).
    Je vois qu’il y a aussi Brad Dourif. Ma soeur et moi parlions justement de lui aujourd’hui.

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