Bande dessinée, Revenants raconte le tournage d’un film documentaire d’Olivier Morel sur les soldats de retour d’Irak, deux fois revenants : parce qu’ils sont rentrés et parce qu’ils ne sont plus que des fantômes. Ce documentaire, c’est L’Âme en sang.
Tout au long de ce film, des vétérans hommes et femmes, pour certains très jeunes, confient à la caméra leur impossibilité d’être au monde désormais. La paranoïa, la panique, la peur, la culpabilité et surtout la solitude sont autant de symptômes du syndrome de stress post-traumatique (PTSD) dont ils souffrent. Il n’y a personne pour parler, personne à qui se confier, personne avec qui partager leur souffrance. Tout ce qu’on leur donne, ce sont des médicaments. Certains vétérans sont devenus SDF, aucun n’a retrouvé son statut d’avant-guerre et surtout aujourd’hui encore, ils sont une vingtaine à se suicider chaque jour. On ne parle pas d’eux, nulle part ; ils sont indésirables.
Au-delà de la parole de tous ces gens, c’est la pudeur avec laquelle Olivier Morel restitue tous ces témoignages qui touche le téléspectateur. On écoute un homme et une femme parler de leur fils, puis leur fille témoigne elle aussi, et on ne le voit pas, et on comprend petit à petit que leur Jeff est un de ceux qui se sont donnés la mort, chez eux. Ils n’ont rien pu faire pour lui malgré tout leur amour. Tous ces visages fermés et souffrants sont très forts. Même dans leur silence.
Dans Revenants, Olivier Morel raconte ce tournage, ses enjeux. Témoigner ainsi devant la caméra fut une épreuve intense, presque limite pour ces gens blessés et si fragiles. Olivier Morel s’est beaucoup interrogé sur l’opportunité de faire ce film qui ravivait les traumatismes de ces personnes suicidaires. Au-delà, il s’interroge sur sa situation personnelle, alors qu’il sollicite la nationalité américaine. Qu’est-ce que l’Amérique ? voilà bien la question au cœur de ces témoignages. Où est passée la fierté du pays pour ses combattants ? Qu’est-ce que la constitutionnelle poursuite du bonheur (« pursuit of happiness ») pour ces soldats qui ont supporté l’insupportable pour un mensonge, qui ne trouvent même pas le soulagement d’avoir agi pour une bonne cause.
Au-delà de cette guerre, Revenants interroge sur tous les traumatisés de guerre, tous ceux qui rentrent, retournent à la vie civile et vivent avec leur cauchemar, avec la guerre près d’eux tous les jours pour toujours. Ce que la bande dessinée permet, par le dessin, c’est de visualiser les scènes terribles qui hantent ces hommes et ces femmes. A travers le dessin de Maël, le lecteur comprend encore mieux ce qu’ils doivent supporter.
Un livre révoltant parce qu’il dévoile l’injustice cachée. Et au-delà du film, il donne des pistes de réflexions, interroge certains mécanismes sociaux qui font qu’il est préférable de ne pas savoir. Pourtant, certains se font entendre grâce à des artistes, des écrivains ou en prenant eux-même la parole. Ainsi n’oubliez pas de lire Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn et Yellow Birds.
Revenants
Olivier Morel (scénario) et Maël (dessin)
Futuropolis, 2013
ISBN : 978-2-7548-0874-3 – 120 pages – 19 €
Je l’ai noté juste après une émission passionnante à la radio. Il me reste à vérifier s’il est à la bibliothèque quand la base de données voudra bien fonctionner correctement !
Ratée l’émission passionnante à la radio (je les traque pourtant), mais j’espère que beaucoup de gens se tourneront vers cette BD.
Sacré tatouage !
A l’évidence c’ets le complément parfait de Fin de mi-temps et Yellow Birds ! Une lecture obligatoire, quoi.
C’est encore un point de vue différent. Dans son interview, Kevin Powers explique pourquoi il a aussi voulu parler du retour dans son roman, de la solitude qui suit. Et effectivement, on comprend vraiment très bien à travers le documentaire comment ces soldats vivent ce retour, ce que la BD souligne aussi.
je passe aujourd’hui tout en gardant le titre en mémoire… un jour peut-être…
Si tu la vois en bibliothèque, j’espère que mon avis te reviendra à la mémoire et que tu l’emprunteras.
Pas à dire, chez Futuropolis, ils ne font pas toujours dans la gaité, mais la qualité est toujours bien présente.
Oh oui, je suis bien d’accord, leurs albums sont superbes.
Bonjour Sandrine, comme Violette, pas forcément tout de suite mais merci pour ces infos terribles que l’on n’évoque nulle part. Je sais que lors de la guerre d’Afghanistan en 1979, beaucoup de jeunes Russes ne n’en sont pas remis. Bonne journée.
On a eu au printemps plusieurs romans sur la guerre d’Irak traduits de l’américain, mais on reste tributaires des traductions et donc de la volonté des éditeurs. Je pense qu’il parait plus de romans sur le sujet aux USA mais qu’ils n’arrivent pas jusqu’à nous, pas encore…
Déjà noté. Ce tatouage me bouleverse.
Moi aussi, c’est vraiment terrible. Ça n’est pas vraiment explicite, mais je crois que le jeune homme qui se l’est fait tatouer a commis des choses horribles, des actes d’humiliation je crois sur certains Irakiens. C’est avec ça qu’il n’arrive pas à vivre. Et moi, je n’arrive même pas à savoir quoi en penser : doit-il vivre avec tous les jours le souvenir du mal qu’il a fait, s’en repentir jusqu’à en mourir ?
Ce livre est magnifique, fort et je dirai presque indispensable !
Si tu n’as pas vu le documentaire, je te le conseille très vivement.
Une lecture qui doit être dure mais que tu m’as donné envie de faire 😉
J’en suis ravie. Cette BD me semble être une bonne façon d’entrer dans le sujet.
Un sujet qui prend aux tripes !
Oh oui. Moi qui en ce moment lis beaucoup sur la guerre (celle de 14), j’y retrouve les mêmes hommes traumatisés, et le même désintérêt de la part des autorités…
Ta note déjà suffit à me faire froid dans le dos… Je vais essayer de regarder le docu en lien, il semble passionnant (et nécéssaire…).
C’est un excellent documentaire, vraiment. Tu vois sur les visages de tous ces gens qui ne sourient plus, certains sont très jeunes, ce qu’ils ont pu endurer. La caméra n’est pas intrusive, c’est très réussi.