C’est Ron Kovic lui-même qui est né un 4 juillet, en 1946. Dans une famille catholique pratiquante, pauvre et travailleuse, qui croit au rêve américain et aime son pays. Comme l’écrit Gerald Nicosia dans la postface de cette édition, « M. et Mme Kovic ont élevé leur fils dans le but d’en faire un patriote exemplaire ».
Enfant, le petit Ron aime Dieu et le baseball, il prie le soir pour devenir un bon Américain. Avec les gosses de son quartier, il joue au foot et à la guerre : ils sont insouciants, ils ont l’avenir devant eux et rêvent de gloire. Comme des millions d’Américains, il suit la conquête spatiale et se méfie des communistes. Devenu adolescent, il s’inscrit à la lutte pour modeler son corps, pour réussir et gagner. « Je voulais être un héros », avoue-t-il.
Alors quand à la fin de ses années de lycée, des marines se présentent pour recruter des jeunes gens, il signe sans hésiter. Car « il n’y a rien de plus valeureux qu’un marine américain ». Ron Kovic s’engage en septembre 1964. Premières désillusions : l’instruction n’est qu’une longue suite d’humiliations auxquelles Ron n’a pas été préparé. L’armée est une machine à broyer qui ne tient aucun compte des individus.
Pourtant Kovic va s’en accommoder puisque après un an au Vietnam, il signe pour un an de plus. Une année n’a donc pas suffi pour lui prouver l’injustice de cette guerre, lui ouvrir les yeux sur l’inutile sacrifice. C’est peu après ce second engagement qu’il sera blessé et définitivement rapatrié, paralysé des deux jambes.
Né un 4 juillet se lit comme un retour de gloire, une désillusion d’autant plus grande que la confiance était sincère et totale. Ron Kovic ne doutait pas. On peut même penser qu’il en aurait été de même si le retour au pays n’avait été si amer. A l’hôpital militaire, les blessés vivent dans des conditions sanitaires épouvantables, laissés dans leurs excréments, assaillis par les rats. Plus tard, Ron n’est pas le héros qu’il aurait le droit d’être : il est un type que personne n’intéresse, puis un agitateur militant contre la guerre. Il se fait même frapper et emprisonner.
Son pays ne veut plus de lui, son corps n’en est plus un : il a tout perdu. Reste l’écriture et Né un 4 juillet résonne donc comme le cri d’un homme en colère. Le Vietnam et la guerre elle-même sont relégués à la fin du roman, quand Kovic parvient enfin à raconter sa blessure. Ce qui domine ici c’est le retour, l’impossible retour au pays tant aimé. Et la désillusion. La mère patrie n’aime pas ses enfants qui pour elle se sont sacrifiés. Si ce n’est vainqueurs, elle les préfère morts.
Ron Kovic dit sa souffrance et sa rancœur dans un style simple. Le lecteur sent la sincérité de son enthousiasme d’enfant autant que sa rage impuissante. Mais au-delà, aujourd’hui, après une autre guerre inutile en Irak et beaucoup de jeunes soldats tués pour rien, l’amertume et la colère ne font que croître : les mêmes discours, les mêmes mensonges et à l’arrivée les mêmes humains blessés, choqués, à jamais abîmés physiquement et psychologiquement.
L’Histoire n’enseigne rien à personne. Quand une Nation veut partir en guerre, sûre de son bon droit, elle ne tire aucune leçon du passé. La première Guerre mondiale puis la Seconde ; la guerre du Vietnam puis la guerre d’Irak : tout n’est qu’entêtement, nationalisme, haine et hégémonie.
Né un 4 juillet
Ron Kovic traduit de l’anglais (américain) par Gérard Lebec
13e Note, 2014
ISBN : 978-2-36374-058-8 – 219 pages – 19.90 €
Born on the Fourth of July, parution aux Etats-Unis : 1976
Née un 4 juillet aussi…:)
De ce côté-ci de l’Atlantique, c’est peut-être moins symbolique 🙂
Bonjour Sandrine, je n’ai pas lu le livre de Ron Kovic mais j’ai vu le film d’Oliver Stone (1989) qui en est l’adaptation avec un excellent Tom Cruise (si, si). Je me rappelle de Ron Kovic aux Oscars en 1990 (Tom Cruise avait « nominé »). Bon dimanche.
A dire vrai, je n’ai pas tenté le film car Tom Cruise… eh bien me semblait un choix étrange pour ce rôle… je ne suis pas fan en vérité.
j’espère que depuis le temps vous l’avez vu ce film, car Tom Cruise y est excellent et c’est ce film qui m’a donné envie d’en savoir plus sur la vie de cet homme. Laissez tomber les a-prioris et faites votre opinion.
Moi aussi je me souviens du film au temps où Tom Criuse était connu comme acteur et pas comme scientologue… j’étais fan d’Oliver Stone !
je ne suis fan ni d’Oliver Stone ni de Tom Cuise… Je ne suis pas bien sûre d’avoir envie de voir une adaptation de ce livre, déjà très fort en lui-même.
pas sure de lire ce livre, pourtant criant de vérité..pas trop le temps et trop de retard sur des romans signalés comme, indispensables, incontournables, coups de coeur !
Luocine
Il n’est pas bien épais celui-là et vraiment il est à lire sur le sujet. Je peux même aller jusqu’à dire que c’est un classique sur la guerre du Vietnam, si ça peut te convaincre…
Un constat bien amer.
que la photo de couverture illustre très bien…
La façon dont les Etats-Unis traite ses vétérans est quelque chose qui me choque horriblement. Les rues des grandes villes sont remplies de ces hommes mutilés contraints à mendier. Et pourtant, des jeunes hommes et femmes continuent à croire aux mensonges des autorités. Je me laisserai peut-être tenter.
Ron Kovic raconte son enfance, sa prime jeunesse. Du coup, on comprend comme les jeunes Américains sont formatés pour faire de bons patriotes tout à fait accessibles à la propagande la plus outrancière…