Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon, un titre à rallonge pour un court roman sur les traces que la Première Guerre mondiale a laissées dans les familles, c’est-à-dire en chacun de nous. Hervé Giraud choisit une narration à deux voix : celle du soldat Botillon qui comme des milliers d’hommes vit son destin se fracasser le 2 août 1914 et celle de son arrière-arrière-petit-fils dont on ne connaîtra pas le nom.
Noël Botillon part donc à la guerre, et le lecteur avec lui. Tout commence en octobre 1914, il a déjà perdu son frère et ne croit plus en grand-chose après à peine trois mois de guerre. Il s’attend à mourir d’un jour à l’autre, même si la médaille que sa tendre Eglantine a cousue sur le revers de sa veste semble lui porter bonheur, le protéger. Bientôt, il a même une raison supplémentaire de vivre : sa fiancée attend un enfant.
L’enfant en question, c’est Avril, l’arrière-grand-mère du second narrateur. Tous ses descendants se regroupent autour d’elle pour son anniversaire en avril et cette année, elle a cent ans. L’arrière-petit-fils narrateur et sa sœur jumelle ne sont pas fous de joie à l’idée de ce séjour chez la vieille dame avec tous ces cousins dont pas un ne trouve grâce à leurs yeux. La seule chose qui les réjouisse c’est de pouvoir mettre sur la tronche des deux voisins qu’on déteste depuis toujours et de génération en génération d’après la légende familiale. Voilà donc le frère et la sœur qui partent faire la guerre aux Bomgart, échappant ainsi aux radotages de l’arrière-grand-mère qui les poursuit à coups de photos et de souvenirs.
Qu’est-ce qu’un adolescent d’aujourd’hui peut avoir comme lien avec un poilu de la Grande Guerre ? Leurs mondes sont radicalement différents car le temps a considérablement accéléré en cent ans. Pour l’arrière-petit-fils, tout ce qui est vieux est inintéressant, et d’ailleurs, tout ce qui n’est pas lui est à peine digne d’intérêt. Pourtant, il n’oubliera pas le jour où il a retrouvé le soldat Botillon, car ce jour-là, c’est plus qu’un vieux livre d’histoire ou des souvenirs poussiéreux qu’il va affronter mais bien les très tristes conséquences de la guerre sur les survivants.
La Grande Guerre est pour nous aujourd’hui essentiellement commémorations et lectures. Pour les plus jeunes, la guerre se regarde à la télévision et on y joue parce que l’être humain, quel que soit son âge, ne peut s’empêcher de s’inventer des conflits. Il faut que la très brutale réalité le rattrape pour que l’arrière-arrière-petit-fils du soldat Botillon se rende compte que la guerre est faite par des hommes qui souffrent et qui meurent.
Hervé Giraud trouve le ton juste pour ses deux narrateurs : un Botillon ni belliqueux ni pacifiste, juste obéissant parce qu’il ne peut faire autrement. On le suit dans sa tranchée, comme tous les autres. Avec la peur, le froid, la boue. L’arrière-petit-fils adopte un ton je-m’en-foutiste, légèrement cynique, souvent méchamment drôle. On peut parier que ce personnage-là retiendra l’attention du jeune lecteur rechignant à lire un roman sur la Grande Guerre.
On reste vautrés sur les chaises pour profiter de nos derniers moments assis, et puis miracle de la téléportation, Grand-Mamie est sur un fauteuil du jardin, col pelle à tarte sur chemisier blanc à jabot, le visage tartiné de ce qui semble être une épaisse couche de Dermophil indien, surmonté d’une chevelure crêpée d’un gris bleuté du plus bel effet. Quand on l’embrasse, ça colle. Toutes les générations inférieures sont debout autour d’elle à battre des mains comme si elle venait d’achever sa traversée des cinq continents à cloche-pied.
La thématique Première Guerre mondiale sur Tête de lecture
Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon
Hervé Giraud
Thierry Magnier, 2013
ISBN / 978-2-36474-329-8 – 133 pages – 9 €
Pas mal comme idée, tenter de toucher les plus jeunes à cette grande guerre, très éloignée maintenant
Oui, et ce qui est d’autant plus appréciable c’est qu’Hervé Giraud y met une touche d’humour, ce qui au départ n’était pas évident…
J’aime aussi beaucoup l’approche. Pas sûre d’être moi-même touchée par ce roman jeunesse et ces ados têtes-à-claques 😉 Mais je vais le conseiller à ma frangine prof d’histoire qui désespère toujours de rendre ses élèves attentifs à « ces vieux trucs ».
Je sens qu’elle te remercie déjà 🙂
Je l’ai acheté pour mes collégiens, me reste à le lire….
Je n’ai plus de collégien, pas pu le tester sur le public cible mais je pense qu’il peut fonctionner. Bon bien sûr, plutôt dans le cadre de lectures thématiques, car je ne suis pas certaines que beaucoup de jeunes lecteurs aillent vers ce genre de romans sans qu’on les leur suggère… Même si je pense que la curiosité de certains peut s’éveiller grâce à la place que les médias font aux commémorations.
Je note pour mes élèves!
Je sens bien que les enseignants sont à la recherche de titres de qualité sur le sujet…
Beaucoup aimé aussi, surtout la façon dont la souffrance des gueules cassées est expliquée
Pour ma part, j’aurais bien aimé que cet aspect soit plus développé psychologiquement. Mais le roman est court…
Oui Sandrine, le roman est court… La faute à mon éditrice qui trouvait certains chapitres trop « bavards ». J’avais développé pourtant l’aspect de l’exode pour les parents de la jeune femme, et puis j’en avais fait des tonnes sur la vie dans les tranchées, mais aussi sur la misère du héros pendant l’après guerre.
On n’a gardé que l’essentiel de la narration pour que ça soit plus efficace.
Pour info les gueules cassées n’avaient droit à aucune pension pour cause de blessures, car ce n’était pour la plupart qu’un dommage esthétique, ils n’étaient en rien diminués et pouvaient donc prétendre à un emploi. La notion de souffrance psychologique n’existait alors pas…
Amicalement
Hervé Giraud
C’est dommage que vous n’ayez pas pu exploiter le sujet autant que vous le désiriez car il y avait largement matière. Il ne faut certes pas être trop « bavard » pour retenir les jeunes lecteurs, mais s’ils ouvrent un livre, c’est qu’ils sont prêts à y passer un peu de temps. Et surtout, je trouve important qu’en matière de roman historique, la situation mais aussi le décalage avec la mentalité d’aujourd’hui soient explicités. Il n’est certainement pas trop tard pour en écrire un plus épais, c’est d’actualité pendant quatre ans…
« Un bon livre est un livre qui fait nous interresser à quelque chose qui ne nous aurait pas interressé avant »
La citation est de Charles Dantzig, un écrivain contemporain.
Je serai sur France info le 6 juin à 13 h 45 pour évoquer la manière de faire passer l’histoire par le biais de la fiction. Vous serez au bout des ondes j’espère ! Amicalement
Hervé Giraud
« Fiction et Histoire », c’est un de mes sujets de prédilection (je suis formatrice, entre autres sur le roman historique) : merci donc de m’avoir signalé cette intervention, je serai à l’écoute.
Bonjour,
Je suis une collégienne et j’aimerais que quelqu’un m’explique le titre de ce livre pour être plus précise : »on a retrouvé » qu’est que cela veut dire ?
Moi je pensais a l’idée que « on a retrouvé » signifiait a la fin quand ils ont retrouvé le soldat sou le RER
Mais pour avoir mon avis j’ai beaucoup aimé ce livre et j’ai beaucoup aimé le parallèle et enfin nous trouvons un livre qui parle de histoire (j’adore l’histoire)
J’espère que quelqu’un pourra répondre a ma question merci d’avance
Je pense comme vous : à la fin, on retrouve le fameux soldat dans son tunnel, il était tout près de sa famille pendant toutes ces années alors que tout le monde croyait qu’il était mort.
Et moi aussi j’aime les romans historiques : c’est un bon moyen d’apprendre des choses sur le passé, sans lire de livres d’histoire.
Merci d’avoir répondu a ma question j’espère avoir une bonne note a mon contrôle encore merci
Au revoir