Ils sont une poignée d’amis qui tous ont grandi à Little Wing, état du Wisconsin. Ils sont allés à l’école ensemble, ils ont été adolescents en même temps, et au moment où Retour à Little Wing les saisit, ce sont des trentenaires que la vie n’a pas fini d’éprouver. Ils prennent la parole tour à tour pour une vision kaléidoscopique de l’Amérique profonde.
Lee est un de ceux qui sont partis et revenus, c’est aussi la star de Little Wing, la vedette (inspirée de Justin Vernon, le chanteur de Bon Iver). Il a longtemps galéré, sillonné l’Amérique avec de petits groupes avant de rencontrer le succès, le très grand succès. Lee est désormais un chanteur que le monde entier connait, un type parti de rien qui va épouser une star de cinéma, de celles qui s’affichent sur papier glacé. Il s’absente souvent et longtemps, mais il a Little Wing au cœur, et surtout ses potes de toujours, Ronny et Hank. Et Beth, la femme de Hank.
Ronny était un champion de rodéo avant que l’alcool soit à l’origine d’un grave accident qui lui a valu une part de son entendement. Il n’est plus lui-même Ronny, diminué sans être simple d’esprit. Ses amis veillent sur lui, il ne boit plus, Lee paye ses frais médicaux sans qu’il le sache. On le traite comme un grand enfant, ça lui pèse.
Hank est celui qui ne quittera jamais Little Wing : éleveur et agriculteur, il est irrémédiablement attaché à cette terre, même si les temps sont difficiles. Marié à Beth, trois enfants, il est stable, fort, travailleur, généreux, disponible, amoureux : le type incontournable sur lequel on peut compter.
Et voilà Kip qui revient à Little Wing pour se marier. Sa femme Felicia est de Chicago, mais on l’accueille parce qu’elle est la femme de Kip. Il est pourtant tout le contraire de Hank, c’est peut-être l’argent qui l’a changé. Il revient, rachète la fabrique qui périclite, il veut en mettre plein la vue aux autres, montrer comme il a réussi. Il n’invite pas Ronny à son enterrement de vie de garçon, ça met Lee en rogne.
Mariage de Kip, mariage de Lee : ils s’en vont trouver des femmes ailleurs mais ils sont encore accrochés à leur terre natale. Pour de bonnes ou mauvaises raisons ils reviennent, mais les choses ne se déroulent pas comme ils l’avaient prévu. Ils vont se retrouver perdus, largués. Les certitudes s’émoussent, et surtout le passé revient. Lee malheureux va lâcher à Hank le secret bien enfoui et leur belle amitié vole en éclats.
Il y a dans Retour à Little Wing tout ce que les amoureux du roman américain peuvent espérer, ceux qui dévorent ces pages sur l’Amérique profonde aux personnages tellement incarnés, immenses. Ils ont une extraordinaire densité d’humanité. Des types qui se prennent dans les bras, qui se disent qu’ils s’aiment, qui veillent les uns sur les autres. L’amitié qui lie tous ces personnages, on voudrait la vivre et on y croit même si c’est trop beau parce que Nickolas Butler nous les fait rencontrer.
Et de m’interroger sur ce qui fait la force de tels romans. Pourquoi s’émeut-on des amours et amitiés de péquenots américains. Car soyons clairs : si le roman se déroulait dans la Creuse ou la Meurthe et Moselle, tous ces personnages ne seraient rien d’autres que des péquenots, des bouseux. Mais là, sublimés par l’attention que leur porte l’auteur ils sont plus grands et plus vivants que n’importe qui. Ils sont aussi nourris de décennies de romans et de films qui dépeignent, peut-être plus grandioses que nature, les hommes et les femmes qui font l’Amérique.
Pour moi, c’est ça, l’Amérique : des pauvres gens qui jouent de la musique, partagent un repas et dansent, alors que leur vie entière a sombré dans le désespoir et dans une détresse telle qu’on ne penserait jamais qu’elle tolère la musique, la nourriture ou l’énergie de danser. On peut bien dire que je me trompe, que nous sommes un peuple puritain, évangélique et égoïste, mais je n’y crois pas. Je refuse d’y croire.
L’empathie dont Nickolas Butler fait preuve à l’égard de ses personnages fait de Retour à Little Wing un (premier) roman d’amitié, d’amour, de générosité et d’authenticité aux meilleurs sens des termes. Des valeurs qu’on croyait périmées ou traitées seulement pour dénoncer fondamentalistes et conservateurs de tout poil. Mais Nickolas Butler ne revendique ni ne dénonce, il nous donne à voir une humanité à laquelle on voudrait croire, et on y croit, le temps d’un livre.
Nickolas Butler sur Tête de lecture
Retour à Little Wing
Nickolas Butler traduit de l’anglais (américain) par Mireille Vignol
Autrement (Littératures), 2014
ISBN : 978-2-7467-3491-3 – 444 pages – 22 €
Shotgun Lovesongs, parution aux États-Unis : 2014
On parle beaucoup de ce roman. Cette bande d’adolescents pourrait bien m’intêresser. Je note
Quand le roman commence, ce ne sont déjà plus des adolescents mais des trentenaires. Ils ont passé leur enfance et leur adolescence ensemble à Little Wing, mais les épisodes qu’ils se remémorent sont essentiellement ceux du premier âge adulte et leurs difficultés sont celles qu’ils rencontrent au quotidien.
donc…encore un pour moi
Ce roman plaira à tous les amateurs de grands romans américains version Amérique profonde…
C’est ce que j’ai cru comprendre. C’est un des grands espoirs de nos équipes (petits coups de coeur même pour certains) côté rentrée littéraire mais je ne me suis pas précipitée, ça me semblait du déjà vu, et ce n’est pas une thématique qui me parle habituellement. Mais tant mieux si ça marche.^^.
Je ne pense pas qu’il soit d’une grande originalité, mais il fonctionne très bien à mes yeux.
Je l’ai fini hier et je te rejoins, un vrai coup de coeur pour moi aussi !
Je crois que ce roman va faire beaucoup d’heureux !
Ton billet contient absolument tous les mots magiques, Wisconsin, fin fond de l’Amérique, etc…) A cette heure, rien à l’horizon à ma bibli.
(à part ça je viens de découvrir Modiano, je fais un effort rayon romans français, même si pas très récents)
Il y a vraiment une foule de très bons romans américains qui sortent pour cette rentrée : je ne sais même plus dans quel sens publier mes billets (un tous les trois jours) tellement j’ai envie de parler de tous à la fois !
Comment ne pas le lire après un tel billet?????!! Je fonce !
Bonne lecture !
Je vois juste le coup de coeur : je viens de commencer ce roman !
Je pense que tu seras enthousiaste.
C’est un joli billet, où les personnages sont bien racontés, mais je ne pense pas trouver mon plaisir avec ce roman. A suivre !
C’est assez ciblé comme lecture, je comprends qu’on puisse ne pas apprécier.
Je lis ton billet en diagonale, je suis en plein dedans. Je pensais que cela ne me plairait pas et puis finalement, j’aime beaucoup 🙂
C’est que ces personnages, avec leurs failles et leurs faiblesses, sont vraiment taillés pour qu’on les aime…
Pas un coup de coeur pour moi, mais une lecture bien appréciée.
Pour moi, c’est pour l’instant un des meilleurs titres de cette rentrée…
Bonjour Sandrine, il faudrait que je le lise car c’est un des trois romans finalistes pour le prix du roman Fnac 2014. Bonne après-midi.
Je lui souhaite bonne chance !
J’ai adoré ce livre également !!
Je suis sûre qu’il emportera l’adhésion de tous ses lecteurs !
Que j’aime ce genre de livres ! Et puis tu en parles si bien. Je l’ajoute tout de suite dans ma liste !
Je crois qu’il te plaira : n’hésite pas !
Il est déjà noté sur ma liste, ton billet ne fait que confirmer que c’est le genre de roman que j’aime.
Tu as bien fait de le noter : c’est un roman pour toi.
Je ne vais pas pouvoir l’éviter!
Il ne faut pas !
Il a tout pour me plaire, ce roman !
C’est aussi mon avis !
Il fait partie des livres de la rentrée que j’ai noté. Ton coup de coeur me conforte dans mon choix !
Je suis quasi certaine qu’il sera un coup de coeur pour ne nombreux lecteurs.
Comment ça, des péquenots nos habitants de la Creuse !
pas tous 😉
je me dis qu’il va se trouver à la médiathèque , je suis d’accord avec la fin de ton billet , le fait que cela se passe aux USA donne de l’intérêt à ce genre de romans
Luocine
il y a des espaces plus grandioses que d’autres…
Bonne question effectivement, pourquoi s’émeut-on des péquenauds américains et pas de ceux de la Creuse? Parce que l’herbe est plus verte ailleurs? A moins tout bêtement, parce que les écrivains américains voient le monde autrement que nous Européens et qu’ils l’écrivent différemment… En tout cas la question reste entière !
Je crois en effet que c’est une question, d’angle, d’envergure : quand les français écrivent un roman, ils se regardent, leur vision renvoie à quelques-uns ; quand les Américains écrivent sur les Américains, ils écrivent sur l’homme en général et de fait on peut tous se sentir concerné…
J’aime bien ce type de construction narrative, avec alternance des voix… Le livre que je lis en ce moment est comme cela, j’adore 😉
J’en ai un autre sur le même principe demain : Le fils de Philipp Meyer, excellent aussi…
Un roman qui devrait me plaire, ainsi que celui de Philipp Meyer dont tu parles dans un autre article. Je te remercie d’inclure le titre anglais parce qu’il m’arrive souvent de lire les romans en V.O. et les titres sont parfois très différents !
En cette rentrée, je lis plein de romans américains formidables : je suis ravie de donner envie !
C’est l’intérêt des blogs d’offrir une diversité de points de vue .Pour ce qui me concerne j’ai trouvé « Little Wing » très planplan,limite niais.Il faut dire que je venais de lire « Cataract City » qui offre une histoire d’amitié autrement plus convaincante que les chèques que fait Lee pour aider ses potes.
Je n’ai pas lu Cataract City, pas encore, mais je ne doute pas de pouvoir aussi m’enthousiasmer pour ce roman. Pendant ma lecture de celui de Nickolas Butler, je me disais « non, c’est pas possible, ce type est trop ceci ou trop cela »… Il sont tous très archétypaux mais je crois que c’est l’écriture qui m’a émue malgré tout : ils sont vraiment l’air d’exister tous ces gens et ça fait du bien qu’ils s’en sortent… Mais je comprends très bien qu’ils puissent sembler ternes.
Donc je disais (je me perds dans la complexité des commentaires :- ), il me fait envie celui-là, je ne sais pas pourquoi les grandes saga pequenaudes américaines nous parlent autant mais le fait est 🙂
Peut-être que dans notre imaginaire, un Américain, d’où qu’il soit n’est jamais un péquenaud…
Des fois, je me dis, je vais passer par là et ne rien noter …mais non c’est raté !
Celui-ci est un incontournable de cette rentrée !
Je rattrape un peu tes avis de la rentrée. Je vais normalement recevoir ce titre via Priceminister et je l’ai choisi pour tout ce que tu soulignes. La littérature américaine m’attire de plus en plus et j’ai hâte de découvrir ce titre 🙂
Je ne suis pas certaine que ce titre soit représentatif de la littérature américaine d’aujourd’hui. Prôner des valeurs comme l’amitié, l’amour, la famille, la terre, la communauté n’est pas très tendance en ce moment… C’est aussi ce qui fait le charme de ce roman.
Oui j’avoue que quand on m’a dit qu’il y avait un côté « optimiste », j’ai été d’autant plus séduite (et curieuse) 🙂
C’est un excellent roman, rien à dire, les auteurs américains savent vraiment raconter des histoires, même à partir de pas grand chose…
Ils savent écrire des romans sur les sentiments, l’évolution des sentiments, ça n’est pas évident…
Je suis en train de découvrir ce bouquin : scotché au fauteuil par les premières pages … Quelle force d’écriture (et un premier roman) !
Au passage, bravo pour ton couplet sur les péquenots : c’est très juste.
Vraiment un grand roman, qui parvient à éviter tous les pièges des bons sentiments qu’il exprime. L’éditeur vient de sortir un recueil de nouvelles de l’auteur.