« Notre écrivain national », voilà le surnom que Monsieur le Maire de Donzières donne à Serge, écrivain en résidence et narrateur de ce roman. Ledit maire aurait préféré un sportif mais enfin, il faut bien soigner aussi son image de marque culturelle, d’autant plus le couple de jeunes libraires de la commune se démène vraiment pour la cause. Voilà donc l’écrivain parisien passant quatre semaines entre Nièvre et Morvan au frais de la princesse : on ne lui refuse rien, surtout pas l’alcool et la bonne bouffe, c’est qu’on sait recevoir, à Donzières.
Sauf que notre narrateur va justement mettre le nez là où il ne faut pas. Un riche octogénaire vient de disparaitre sans laisser de traces. On soupçonne un couple de locataires, Dora et Aurélik, des étrangers venus de l’Est, l’homme a d’ailleurs été arrêté. C’est parce qu’il est séduit par une photo de Dora que le narrateur décide de poser des questions, de fureter et enfin d’aller voir par lui-même à quoi ressemble ce coin de forêt où loge le jeune couple. Sauf qu’il tombe sur deux-trois costauds qui le tabassent et qu’il arrive en loques et ensanglanté à l’atelier d’écriture qu’il doit animer…
Dès lors, le malheureux est en proie à une paranoïa aiguë et la cible de multiples reproches. Les gendarmes l’interrogent. Il découvre que la commune et les terres de l’octogénaire disparu sont l’enjeu d’une querelle plus économique qu’écologique même si chaque clan s’affronte au nom des énergies propres et de la forêt. Rien n’y fait cependant : il est de plus en plus fasciné par Dora.
Parfois je me soupçonnais d’avoir une attirance pour les êtres compliqués. Mais Dora c’était autre chose, Dora c’était la plus complexe des fleurs à cueillir, la plus impossible sans doute, la plus évidente. A force de la chercher, elle avait fini par exister. Dora, elle avait bien trop la couleur du drame pour ne pas être mon soleil masqué, cet horizon qui attendait à l’ombre de ma vie.
Grâce à L’écrivain national, le lecteur découvre l’autre face du métier d’écrivain. Qui n’a jamais assisté à une rencontre en librairie ? Bien polis, souriants, ils ont l’air plus ou moins à l’aise tous ces auteurs mais que sait-on de ce qu’ils pensent vraiment ? Et les questions des lecteurs ? Comment rester aimable face à une lectrice qui inflige les pires critiques à un livre qu’elle vient de lire, voire de décortiquer, écrit il y a dix ans ? Et que dire puisque ladite lectrice est certaine des intentions de l’auteur ?
Au-delà de ces situations qu’on imagine inconfortables et nécessitant un certain tact, L’écrivain national s’interroge sur ce que chacun attend d’un écrivain : qu’il soit sincère ou qu’il invente, qu’il ne raconte pas ce qu’il a vu ou qu’il n’omette aucun détail, qu’il parle de la commune, d’une cause, de lui-même… Quand on rencontre un écrivain, qu’on le côtoie, qu’attend-on de lui ? Et lui, que fait-il de ce qu’il voit, de ce qu’il vit ? Serge Joncour, pour mieux brouiller les pistes choisit un narrateur à la première personne, qui s’appelle Serge et a publié un roman intitulé UV…
Même après une dizaine de livres publiés, l’écrivain national ou pas est loin d’être sûr de lui. Ses ouvrages peuvent éventuellement constituer un rempart entre lui et le monde, mais quand il s’agit de rencontrer les autres, il est tout nu ou pire, habillé d’interprétations parfois erronées sur son œuvre. Serge Joncour porte un regard fraternel sur son héros et ironique sur les habitants de Donzières, sans jamais être cynique ou méchant. Il semble avoir alimenté ce roman d’expériences personnelles (repas, discours et lectrices semblent tout à fait authentiques) qui dotent ce drame d’une touche d’humour bienvenue.
L’écrivain national
Serge Joncour
Flammarion, 2014
ISBN : 978-2-0812-4915-8 – 389 pages – 21 €
J’ai beaucoup aimé ce livre. Il s’agissait de mon premier Serge Joncour et ça m’a vraiment donné envie de découvrir le reste !
Pareil pour moi.
A priori, rien pour m’attirer, mais tu es convaincante… j’en arriverais presque à le noter ! 😉
J’aime assez les histoires d’écrivains, alors celui-ci m’a séduite.
Le sujet est intéressant et tu donnes vraiment envie d’en savoir plus sur nos chers auteurs !
C’est ce qui m’a attirée dans ce livre, le revers de la médaille en quelque sorte…
Déjà deux romans de l’auteur qui m’attendent sur mes étagères… Et celui là est très tentant aussi ! Fichtre !
Ils te tentent sur le coup et après tu oublies ? Ça m’arrive aussi parfois et donne lieu à d’agréables découvertes quand je prends ensuite le temps de choisir mes lectures sur mes étagères…
je vais peut être tenté Joncour (je ne sais pas pourquoi, j’étais certaine de ne pas aimer, je viens d’aller voir et il me semble que je n’ai rien lu de lui… j’ai des court-circuits dans les neurones)
Certaine de ne pas aimer ? Le sujet est pourtant tentant quand on aime les livres, la lecture, les écrivains…
Il est sur ma désespérément longue liste…
… qui s’est encore allongée avec la rentrée… je vois ce que tu veux dire…
j avoue bien aimer cet auteur quand il participe aux « papoux dans la tête » mais ne pas trop aimer ses romans.
Je suis déçue à chaque fois
Luocine
Ce commentaire me rappelle qu’il y a vraiment très longtemps que je n’ai pas écouter Les Papoux. Quel plaisir pourtant cette fête de la langue… je vais me podcaster une émission tiens, y penser me donne envie…
Ce titre figure dans la fantabuleuse liste des nouveautés de la bibli (qui vont arriver un jour), donc je note. Cependant, j’avais abandonné le précédent de l’auteur (ennui). Là le thème pourrait me plaire (en enlevant les trucs sur Dora)
Je découvre Serge Joncour écrivain avec ce roman et je ne me suis pas ennuyée du tout !
Je trouve ce livre très original. J’étais déjà adepte de Joncour, mais j’ai succombé à celui-ci sans problème 🙂
Il y a plusieurs romans en cette rentrée qui ont l’écrivain pour sujet. A mes yeux, c’est assez risqué car ça frôle le nombrilisme, mais là pas du tout, c’est ce que j’ai apprécié.
J’ai découvert Joncour cette année avec Bol d’air et j’ai beaucoup aimé, donc sans hésiter j’en lirai d’autres. Il fait partie de mes chouchous français avec Philippe Claudel
Ah ! J’aime beaucoup Philippe Claudel, et je place peu d’écrivains français contemporains au même niveau, niveau qu’il partage avec Antoine Bello : pour moi ces deux-là sont aujourd’hui les plus intéressants. Ceci dit, je suis très loin d’avoir tout lu, bien sûr…
Je n’ai jamais entendu parler d’Antoine Bello. Il est vrai que je n’ai pas tout lu :). Je vais voir qui est ce Bello.
De Joncour, je n’ai lu que des nouvelles il y a bien 5 ans et dont il ne me reste pas grand chose.
Il me reste encore « L’idole » dans ma PAL qui se rapproche assez de celui-ci me semble-t-il.
Ceci dit, ça ne m’empêche pas de noter ce titre-ci (j’aime aussi beaucoup les histoires autour d’écrivains :))
Je ne sais pas ce qu’il me restera de ce roman dans cinq ans… mais sur le coup, ce fut une bonne lecture.
Billet très alléchant !
Il est clair que ces rencontres avec les lecteurs ne doivent pas toujours être des parties de plaisir pour les auteurs… Surtout qu’on doit toujours leur dire un peu la même chose…
La part promotionnelle du métier d’écrivain ne doit en effet pas être la plus confortable, sachant que les écrivains sont souvent des gens solitaires… J’imagine quand même, voire j’espère, que certains prennent plaisir à rencontrer leurs lecteurs…
Ca m’intrigue ce roman. L’idée de l’écrivain, du drame… et de l’humour… ça me plaît!
C’est aussi ce qui fait la réussite de ce roman : le mélange des intrigues, les divers fils conducteurs.
Rien pour m’attirer non plus….
J’avais beaucoup aimé son précédent roman, celui-ci est sur ma liste de souhaits.
Je découvre avec plaisir Serge Joncour écrivain avec ce livre.
Il est dans ma PAL et tu me donnes envie de le faire remonter en haut de la pile plus vite que prévu !
Ce sera donc ma bonne action du jour !
décidément, cette rentrée littéraire me plait vraiment beaucoup!
Moi aussi : depuis que j’ai commencé à la dévorer, je ne m’arrête plus !