Le testament de Descartes de Christian Carisey

Le testament de Descartes

En cette année 1650, Descartes se meurt à Stockholm. Il se préfèrerait à mille lieues de là, mais la reine Christine de Suède le veut à disposition. Elle souhaite parler transsubstantiation et créer une académie à l’image de la française. Le testament de Descartes nous introduit dans l’intimité d’un philosophe homme de science à l’agonie, avec lequel on ne devait pas rire tous les jours.

Le jeune Descartes ne veut pas suivre la voie tracée par son père et se fait soldat, se battant tantôt dans le camp des catholiques, tantôt dans celui des protestants. Bien que croyant (l’athéisme n’a pour lui pas de sens, d’ailleurs il a prouvé l’existence de Dieu), il ne veut pas s’engager pour l’Eglise et se méfie des défenseurs trop ardents de quelque foi que ce soit : il réprouve l’intransigeance et prône l’ouverture d’esprit. Si bien qu’on l’assimile aux libertins, alors qu’il n’est que libre.

Christian Carisey donne voix à Descartes pour raconter sa vie, expliquer les principes de sa philosophie, en rupture avec son époque : le philosophe tourangeau (il naît à La Haye, en Touraine, comme l’auteur ne le précise pas) tisse des liens entre physique et métaphysique, s’attache à expliquer l’existence de Dieu et la nature de l’âme humaine.

On cherche l’homme sous le philosophe. Bien qu’il se défende d’être un courtisan ou même un homme du monde, il s’avère assez vaniteux et sensible à la flatterie. Un seul épisode de sa vie semble lui avoir procuré quelques émotions : la naissance de sa fille illégitime, ses quelques années de vie qui furent pour lui un grand bonheur, et la douleur de sa perte. Il semble sinon incapable de penser à d’autres qu’à lui. Il s’indigne par exemple que son parrain ne lui ait quasi rien légué, au profit de sa seconde épouse et de ses enfants. Quand même, il lui avait dédié sa thèse et fait envoyer un exemplaire de chacun de ses ouvrages… « Son héritage m’aurait aidé. Je ne suis pas sûr que les enfants de sa femme en aient eu autant besoin que moi. »

Il est un peu mesquin ce Descartes, et apparait même comme le contraire de l’homme engagé. Il ne veut pas rencontrer Galilée de peur de se compromettre, et alors que l’époque vit et meurt au gré des querelles religieuses, il ne veut pas prendre parti pour les protestants ou les catholiques et se déclare personnellement fidèle à la religion qui l’a vu naître. C’est Pascal qui comprend le mieux cette attitude :

Une fois posé, votre Dieu ne sert à rien. Il ne parle pas au cœur des hommes. Il n’est qu’un principe dont seule la raison a besoin. […] Ce n’est pas d’un Dieu architecte dont nous avons besoin, mais du Christ souffrant qui rachète nos péchés.

A sa décharge, il faut bien sûr préciser que s’engager sur des sujets aussi sensibles que la présence réelle du Christ dans le pain consacré pouvait coûter la vie… Mais enfin, on aime nos grands hommes plus héroïques, et en plus de se passionner pour les mathématiques et la géométrie, l’homme a aussi le défaut de ne pas être charismatique. Aujourd’hui, il ne serait pas médiatique…

Christian Carisey réussit donc le pari de nous intéresser au destin d’un homme austère que n’effleure ni l’esprit d’aventure ni le charme, même intérieur. Connaître sa philosophie ne nuirait pas, mais elle est suffisamment explicitée pour que le lecteur en saisisse les enjeux.

 

Le testament de Descartes

Christian Carisey
Le cherche midi, 2014
ISBN : 972-2-7491-4033-9 – 245 pages – 16.80 €

 

12 commentaires sur “Le testament de Descartes de Christian Carisey

    1. Moi aussi ce livre m’a tout de suite tentée quand j’en ai lu le résumé. Et je ne suis pas déçue : j’ai appris beaucoup de choses sur cet homme et son époque, de façon accessible.

  1. Comment être sur que tout ce qui est écrit reflète bien la vie réelle de Descartes ? L’auteur a sûrement romancé ses écrits, non ? En tout cas c’est un livre intéressant qui fait découvrir un aspect inconnu de Descartes, son caractère pas très sympa !

    1. Je ne suis sûre de rien. Avec les biographies romancées, les auteurs prennent la permission que la biographique historique ne leur permet pas : celle de l’imagination. Mais ça me convient très bien, j’ai apprécié de découvrir ainsi Descartes car je ne pense pas lire un jour sa biographie.

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