Nous sommes l’eau de Wally Lamb

Nous sommes l'eauNous sommes l’eau est un roman polyphonique qui raconte l’histoire de la famille Oh. Les uns après les autres, les membres de la famille se racontent, éclairant toujours différemment les événements. Annie Oh, épouse d’Orion et mère des jumeaux Andrew et Ariane et de Marissa, a quitté son mari et le Connecticut pour aller vivre à New York avec la galeriste qui l’a fait découvrir.

La première partie du roman laisse présager une histoire qu’on a déjà lue : madame est une artiste découverte sur le tard après avoir élevé ses enfants, madame quitte son mari pour s’offrir une aventure avec une femme (c’est plus branché) à New York : belle vie, strass et charité pour faire bonne mesure.  Sauf que ce n’est pas ça du tout. Car Wally Lamb prend soin de créer des personnages complexes, très profonds. On découvre Annie très progressivement : sa mère est morte noyée ainsi que sa toute petite sœur alors qu’elle n’avait que cinq ans. Son père a sombré dans l’alcoolisme et Annie s’est retrouvée dépendante de son cousin Kent qui vivait alors avec la famille et qu’elle adorait. Mais le cousin va abuser d’elle. Jamais elle n’a raconté ces deux ans de calvaire à quiconque, et surtout pas à son mari, psychologue universitaire.

Par le témoignage d’Orion, puis celui des enfants devenus grands, on apprend des choses qu’Annie ne dit pas, en particulier sa violence envers ses enfants. Très habilement, on apprend aussi par un personnage tout à fait secondaire ce qui s’est jadis passé dans la maison d’Annie et Orion. Deux frères noirs vivaient dans une maison au fond du jardin : l’un était marié avec une Blanche, l’autre était peintre. L’homme qui a su reconnaître son talent est aussi celui qui récompensera pour la première fois celui d’Annie. Mais en 1959, les frères Jones avec leurs tableaux et cette femme blanche firent scandale : le peintre finit noyé dans le puits de la maison des Oh, peut-être assassiné.

Donc : racisme, ségrégation, homosexualité, pédophilie, art contemporain. Et si on considère que le fils Oh est un infirmier militaire qui soigne les soldats traumatisés de retour d’Afghanistan et se fiance à une extrémiste texane ; que sa jumelle décide d’avoir un enfant seule par insémination artificielle ; que la cadette est une actrice en perdition qui n’hésite pas à se vendre pour une audition, on se dit que peut-être, Wally Lamb a beaucoup chargé Nous sommes l’eau en sujets de société. Certains personnages auraient en effet gagné à être moins représentatifs et plus incarnés. Tous  sont terriblement américains, trop peut-être. Cependant ils fonctionnent : en tant que personnages ils sont le moteur de l’intrigue et on veut savoir ce qu’ils vont devenir, quels seront leurs choix. On se doute juste qu’ils vont s’en sortir.

Si on est conciliant, on peut adopter cet esprit de famille, ce topic qui rappelle que dans certains romans, quand on aime ses enfants, ils vous aiment et quand on est une famille unie, on s’en sort. Si on est plus sceptique, ou plus exigeant, il est possible que certains raccourcis agacent. Tout à fait le genre de romans « à discuter ».

Nous sommes l’eau

Wally Lamb traduit de l’anglais (américain) par Laurence Videloup
Belfond, 2014
ISBN : 978-2-7144-5675-5 – 685 pages – 23.50 €

We Are Water, parution aux Etats-Unis : 2013

24 commentaires sur “Nous sommes l’eau de Wally Lamb

  1. pas sûre que je le lise, celui-ci…Beaucoup de lieux communs, non, si je t’ai bine comprise ?

    1. Les personnages sont assez fins en eux-mêmes. Ce que j’ai trouvé dommageable c’est qu’il y aborde beaucoup trop de sujets « tendance » pour une seule et même famille : on dirait un peu qu’il veut absolument tous les aborder…

  2. Grâce aux bibliothèques « sauvages » des hôtels où les hôtes de passage se délestent que quelques grammes de plus pour alléger leurs bagages, j’ai découvert cet été « Le chant de Dolores », du mêmeWally Lamb.
    Comme toi, j’ai trouvé qu’il chargeait un peu la mule, ou plus exactement la pauvre Dolores : divorce de ses parents quand elle n’est qu’une petite fille, internement de sa mère en hôpital psychiatrique suite à la perte d’un bébé, violée à 13 ans par le locataire de sa grand-mère qui l’a recueillie, plongée dans la boulimie et l’obésité, rejet de ses congénères à l’université, et alors qu’elle pense avoir trouvé l’amour de sa vie, elle découvre qu’il n’est finalement qu’un vrai sagouin… N’en jetez plus !
    Et pourtant, je n’ai pas lâché le livre avant d’avoir fini les 700 et quelques pages (et pas uniquement parce que le soleil me ramollissait les neurones). Les situations sonnent juste et si c’est souvent dur, c’est aussi parfois drôle.
    En fait, c’est comme un bon burger de qualité (si, si, ça exiite) : on reste à la limite de l’écœurement et on prend un plaisir coupable à le dévorer.

  3. Voilà le fameux pavé! L’auteur y sera, alors, j’ai vu sur le site (et peut être quand tu liras ce commentaire l’aurai-je vu en vrai)
    Sinon, j’ai lu Little big man, je te dis merci.
    (billet du 12 sept, impossible de coller le lien)

    1. Mon reader affiche +1000 (il est fainéant, ne veut pas compter au-delà) : je me remets dès mercredi à la lecture des blogs…
      Oui, Wally Lamb est bien au festival, mais son programme était trop chargé : 9 débats… on lui a donc élagué son programme, ce que je comprends bien, et il n’était donc pas sur le débat que j’animais sur « les choses de la vie ». Ceci dit, même si je ne suis pas pleinement enthousiaste, je ne regrette pas du tout ma lecture.

  4. Je ne me sens pas d’attaquer un roman avec autant de thèmes pas très roses… mais je ne dis pas « jamais »… J’avais aimé Le chant de Dolorès tout de même…

    1. Je pense que c’est un auteur à découvrir. je ne connais pas de lecteur qui ait lu plusieurs de ses romans, je ne sais donc pas s’il se renouvelle, en tout cas il écrit beaucoup.

    1. Je crois en effet que c’est un auteur à découvrir. L’occasion ne s’était pas encore présentée pour moi mais maintenant que c’est fait je ne regrette pas, même si je n’ai pas tout apprécié dans ce roman. Bonne lecture !

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