Cordelia, narratrice de La légende de Loosewood Island, est bien décidée à affirmer sa position d’héritière de la lignée des Kings. Aînée de trois filles, elle est toute désignée, mais son père Woody ne se fait pas à l’idée d’une femme à la tête de l’empire homardier familial. Depuis Brumfitt Kings au XVIIIeme siècle, les Kings règnent sur l’île et le homard et c’est Scott, le seul fils de Woody qui aurait dû prendre la suite. Mais Scott est mort, pris par la mer, comme bien d’autres fils aînés avant lui.
C’est qu’à Loosewood Island, une légende dit que la mer sera généreuse avec les Kings mais qu’en échange elle leur prendra le fils premier né de chaque génération. Et alors que ses deux sœurs ne ressentent pas l’appel de la mer, Cordelia elle sait que là est sa vie, sur les bateaux aux côtés de son père qui vit dans la douleur des êtres disparus. La jeune femme doit s’affirmer dans ce monde d’hommes et elle en a les moyens, même si l’île affronte des problèmes de pêche clandestine et de trafic de drogue : être l’héritière des Kings impose de faire face à toutes les situations. La solidarité insulaire fait le reste.
Avec La légende de Loosewood Island, Alexi Zentner parvient à mêler le registre du merveilleux et celui du réalisme. A travers une minutieuse description du métier de homardier, de sa pénibilité mais aussi de ses joies, il immerge le lecteur dans ce monde très particulier des gens de mer au métier ancestral. La partie légendaire s’inscrit naturellement dans ce quotidien car elle se mêle à l’origine de l’île et parce qu’elle ne passe que par la voix de Cordelia pour qui le monde recèle une part de merveilleux. Elle veut croire que la mer a offert une femme à Brumfitt car il est ainsi plus supportable d’accepter que la mer lui a pris son frère.
Comme dans Les bois de Sawgamet, Alexi Zentner s’attache à décrire la rudesse et la beauté de la nature, une lignée familiale dont l’histoire se confond avec la légende, la douleur laissée par la mort d’un enfant, d’un parent. Mais surtout, il fait naître les émotions avec une économie de moyens inversement proportionnelle à l’effet provoqué. Pas de grandes phrases, de clichés ou de sentiments brassés et ressassés : une situation, les bons mots et me voilà pleurant comme jamais, page 314, un tout petit chapitre, sur un quart de page, pour un effet majeur. Et celui qui lit, au début du roman ce qui arrive au chien Second ne l’oubliera jamais.
On se prend à rêver d’un livre d’encore plus d’envergure, encore plus de pages et de personnages. Dans ce mélange de réalisme et de merveilleux, Alexi Zentner creuse son sillon à l’empreinte originale.
Alexi Zentner sur Tête de lecture
La légende de Loosewood Island
Alexi Zentner traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas
Jean-Claude Lattès, 2014
ISBN : 978-2-7096-4665-9 – 374 pages – 22 €
The Lobster Kings, parution aux Etats-Unis : 2014
Ouh là, il t’a fait pleurer?
Oui : fait vraiment rarissime. Je l’ai dit à l’auteur, et ça lui a fait bien plaisir !
En attendant de trouver celui-ci, je sens qu’il faut que j’emprunte le premier Zentner à la bibli et que je le LISE !! Merci pour ce partage tellement tentant.
Et moi j’espère vraiment que la notoriété de cet auteur va grandir car il le mérite assurément.
Je vais faire comme Anne, en espérant que ma bibliothèque l’aura, ça me permettra de découvrir sa plume.
Oui oui oui : découvrez tous Alexi Zentner, vous y reviendrez !
Je valide pour le premier, que je peux prêter si Keisha, Anne ou Aifelle ne le trouvent pas en bibliothèque ! Et j’ai craqué pour le second !
Ben voilà, c’est ce que je dis : quand on l’a lu une fois, on e envie d’y retourner. Moi je trouve qu’il pourrait même écrire des livres encore plus gros et plus touffus…
Le thème ne m’aurait pas attiré mais tu en parles si bien que tu me donnes envie de me plonger dans ce roman !
Je suis bien sûr tout à fait ravie de donner envie de découvrir cet auteur, pas encore assez connu.
Après avoir lu et aimé celui là (et avoir pleuré aussi), je vais lire le premier !
Heureusement pour ma part, j’étais en train de lire toute seule chez moi… dans les transports en commun ou dans la salle d’attente du dentiste, c’est tout de suite plus délicat de se mettre à pleurer en lisant 🙂
Une lecture qui ne me tentait pas, mais finalement.
Laisse-toi tenter : tu ne le regretteras pas !
Je ne connais pas cet auteur, mais tu me donnes envie de le découvrir.Merci
Il n’est pas encore assez connu en France mais je ne doute pas que sa réputation grandisse au fur et à mesure de la traduction de ses livres chez nous.
Je ne connais pas, un auteur à découvrir
Il n’est pas encore très connu mais je ne doute pas qu’il ne devienne !
Ton billet me donne envie d’essayer!
Surtout n’hésite pas, je suis curieuse de ce que tu en auras pensé !
Je viens de le terminer et il m’a beaucoup plu. Certaines scènes étaient d’une intensité rare (la tempête, notamment, mince alors j’étais cramponnée à mon bouquin…). Je vais lire son autre roman traduit en français.
Ah oui, très intense cet épisode de la tempête, grosse tension. C’est sans doute pour ça que j’ai craqué au voyage de retour de l’hôpital : la sobriété des termes m’a carrément bouleversée…