Endgame de James Frey

Endgame de James Frey Gallimard

A la lecture d’Endgame, on peut se demander jusqu’où ira la littérature jeunesse dans la banalisation de la violence. La violence comme jeu, comme sport.

Sans remonter aux calendes grecques, partons de Battle Royale, qui grâce à son humour désamorçait efficacement toute apologie de la violence malgré ses adolescents tueurs et engagés malgré eux dans un jeu auquel ils sont contraints. Sa resucée américaine, Hunger Games, travaille à peu près le même schéma : des adolescents qui tuent d’autres adolescents pour un jeu qu’ils n’ont pas choisi et dont ils sortent vainqueurs ou morts.

Il n’y a guère eu que les Britanniques pour s’offusquer de la violence du thème, seulement à la sortie du film (d’où censure de quelques secondes) adapté du roman de Suzanne Collins : oui, des enfants qui tuent d’autres enfants, c’est grave, on peut s’interroger.

Avec Endgame, on passe à l’étape supérieure : des adolescents sont entrainés à tuer pour sauver leur lignée. Ils sont tout à fait conscients et acceptent de massacrer des millions d’innocents, voire des milliards pour que quelques-uns survivent au nom d’une croyance. Ce sont des terroristes, des fanatiques religieux, et ils sont les héros d’un roman pour la jeunesse publié à grand renfort de marketing : on nous dit que « Endgame est une nouvelle expérience littéraire, un roman enrichi, intégré au monde contemporain : relayé sur Internet via une actualité permanente sur Youtube et les réseaux sociaux ». Et pour faire encore mieux, pour balayer sans scrupules les moyens mis en œuvre dans le livre pour gagner, sachez qu’ « au-delà d’une lecture intense, ce livre cache dans ses pages une super-énigme composée de codes et indices imaginés par des grands cryptographes. Menez votre propre quête en tentant de la résoudre. Déchiffrez, décodez et interprétez. Le premier d’entre vous qui y parviendra gagnera une véritable fortune en pièces d’or. »

Voilà qui pourra éviter au lecteur de réfléchir vraiment à ce qu’il lit.

Ils sont douze adolescents, filles et garçons, âgés de treize à vingt ans aux quatre coins du monde. Depuis des milliers d’années, leurs ancêtres s’entrainent pour être prêts à Jouer à Endgame, c’est-à-dire à tuer tout le monde. Ils sont surentrainés, forts et fiers. Comme leurs ancêtres avant eux mais en vain. Sauf que s’abattent en différents endroits du monde des pluies de météorites (qui déjà tuent et blessent un grand nombre de personnes) annonçant qu’Endgame a bel et bien commencé. Enfin.

Je vous passe les détails de ces 538 pages qui s’achèvent à Stonehenge. Bien sûr, il y a de la baston, des amourettes, des courses-poursuites et des épisodes tellement abracadabrants que même James Bond n’aurait pas osé. Il y a surtout de jeunes adolescents fanatisés qui tuent pour arriver à leurs fins. Des terroristes qui assassinent des innocents parce que « les Annunakis nous ont créés et ils étaient présents ici, dans ce lieu, des milliers et des milliers d’années avant le début de l’Histoire. Des dieux vivants, des êtres suffisamment puissants pour façonner l’humanité, créer la vie et y mettre fin maintenant ». Et qui justifient donc qu’on tue en leurs noms femmes, enfants, vieillards et tous ceux qui se mettent devant le chemin du seul vainqueur d’Endgame.

J’ai détesté ce livre.

James Frey sur Tête de lecture

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Endgame-1 : L’Appel (The Calling, 2014), James Frey traduit de l’anglais (américain) par Jean Esch, Gallimard Jeunesse, octobre 2014, 538 pages, 19.90€

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