Une vengeance machiavélique par-delà la mort, tel pourrait être le sous-titre de ce roman très noir d’un auteur espagnol qui comme beaucoup, gagnerait à être plus connu.
Je vais mourir cette nuit est une lettre adressée par un homme mort depuis de nombreuses années à celui qui causa sa perte. Le narrateur écrit juste avant de se suicider le texte que le commissaire Delmar qui l’a fait emprisonner lira et qui lui révèlera qu’il n’a été qu’une marionnette manipulée. C’est que quand il fait arrêter cet homme, Delmar le prend juste pour un faussaire d’envergure. « Juste » un faussaire d’envergure. Or, l’homme a dirigé la Corporation, une organisation très ancienne qui organise au long court la pauvreté d’artistes géniaux pour se présenter ensuite comme sauveur. A l’écrivain affamé, elle propose l’argent nécessaire pour le sortir de la dèche contre une œuvre exclusive, unique et qui doit rester rigoureusement secrète. Des dizaines d’années plus tard, voire un siècle pourquoi pas, l’œuvre en question ressort, d’une valeur inestimable…
C’est cet homme-là qui a décidé de la perte lente et honteuse de Delmar, celui qui l’a emprisonné. Confiant la réalisation de son plan au mystérieux homme blond, il sait que tout se déroulera comme prévu, grâce à sa fortune et peut dès lors raconter au Delmar déchu l’histoire de sa vengeance. Qui commence par un accident de voiture qui lui fit perdre sa main droite et sa confiance en lui, et défigure à jamais son collègue.
Il serait bien sûr dommage de dévoiler tous les rouages de cette incroyable vengeance post-mortem. Le lecteur qui lit la lettre du mort à Delmar ne sait pas si tout s’est effectivement passé comme prévu. Il y a donc un ultime chapitre, à la troisième personne, qui dévoile un auteur au moins aussi prévoyant que son narrateur. Au final, tout ça tient de la virtuosité narrative, et on ne se plaint que du petit nombre de pages : comme j’aurais voulu, par exemple, en savoir plus sur la Corporation !
Il n’est donc qu’à se laisser emporter par le délire d’un sadique qui élève la vengeance au rang d’art, avec une méticulosité effrayante et surtout une cruauté sans commune mesure avec la faute originelle. C’est d’une épouvantable noirceur, mais qu’est-ce que c’est bon !
Mais pourquoi Fernando Marías n’est pas plus connu que ça en France ? Il l’est sur Tête de lecture où il ne tardera pas à revenir, c’est certain.
Fernando Marías sur Tête de lecture
Je vais mourir cette nuit
Fernando Marías traduit de l’espagnol par Raoul Gomez
Cénomane, 2007
ISBN : 978-2-916329-05-5 – 124 pages – 15 €
Esta noche moriré, parution en Espagne : 1996
Je me pose la même question que toi …. Mais pourquoi cet écrivain n’est-il pas plus connu en France ? Je suis ravie en tout cas de voir un coup de coeur sautiller ici …. Ce titre est excellent, et comme toi, j’avais été complétement emportée par la construction narrative, redoutable ! Il semblerait que « L’enfant des colonels » soit aussi très bien. Très noir …
L’éditeur ne lui donne pas une grande lisibilité… Ceci dit, L’enfant des colonels est réédité chez Actes Sud Babel mais il ne me semble pas que ça lui ait donné beaucoup plus de retombées médiatiques chez nous… En tout cas, il semble très connu en Espagne car on trouve quantité d’articles à son propos sur le net (espagnol).
Je ne connais pas du tout, mais je le note !
Tu fais bien, c’est le bon réflexe quand on prépare une liste de cadeaux originaux 😉
Je ne le connais pas non plus mais ce que tu en dis donne envie de s’y intéresser de plus près !
Ça me fait bien plaisir de ne pas m’enthousiasmer en vain !
J’avais noté ce titre, sur les conseils d’Athalie, mais ne l’ai pas encore trouvé en librairie. Ce billet va sans doute m’inciter à le commander… J’ai l’impression que ce titre t’a fait encore plus d’effet qu’Invasion..
Oui, je l’ai préféré surtout parce que j’admire l’habileté narrative autour de la vengeance : je suis souvent bluffée par ce genre-là de machination quand elles sont aussi bien orchestrées.
Et je ne crois pas, à moins d’être du Mans, que les livres de cet éditeurs soient dans les stocks de nombreux libraires…
Il a l’air pas mal, en effet.
Plus que ça même : à lire absolument !
Diablement tentant, je le note !!
Diablement oui c’est le mot, car cette vengeance est démoniaque !
Tentant, tentant
Lisez tous Marias !!
Pfiou ! Irrésistible ! Le titre, le résumé de l’intrigue, ton billet ! Encore un Espagnol qui se rajoute à ma LAL (l’autre, c’est celui du Puits – de plus en plus intrigant celui-là aussi).
Les auteurs espagnols gagnent à être plus connus, on ne le dit jamais assez 😉
J’adore les histoires de vengeance et j’adore quand tu es si enthousiaste. Je note précieusement aussi !
Alors celle-ci ne pourra que t’enthousiasmer : elle est minutieuse et imparable.
hum… j’adore ce qui est machiavélique 🙂 !!
Alors, c’est le livre qu’il te faut !
Je note avec grand intérêt.
Ravie de convaincre sur un Espagnol par-delà l’océan 😉
J’avais adoré « Invasion » (grâce à Athalie d’ailleurs), je vais poursuivre avec plaisir ma découverte de cet auteur. Ce titre sortira en poche en février chez Actes Sud en plus…
Ah, excellente nouvelle !
bon , j’ai essayé de suivre ton billet , je trouve l’histoire un peu compliquée , j’ai un peu de mal avec la littérature espagnole , mais j’ai bien compris que si j’en lis un ce sera celui-là, car tu es très convaincante.
Oui, l’histoire est en effet un peu compliquée, c’est une machination, mais le grand avantage avec ce roman, c’est qu’il est lisible en une fois et qu’il est donc aisé de ne pas perdre les fils. Désolée si je les ai emmêlés…
auteur inconnu, mais la bibli en propose deux (pas ce titre, hélas) ; Tu fais bien d’en parler!
Vas-y, vas-y, emprunte et dis nous ce que tu en penses !