Noir c’est noir, disait l’autre, mais peut-on trouver plus sombre ? Le cas échéant, ça serait la couleur de Tu n’as jamais été vraiment là, court roman de Jonathan Ames, tout droit sorti du cloaque.
Joe en est le personnage principal, le héros serait beaucoup dire. Joe n’a aucune raison de vivre et mille de se tuer, mais pour ça, il attend la mort de sa vieille mère chez laquelle il vit. Sa vieille mère qui comme lui a supporté les coups paternels pendant trop d’années. Ce que fait Joe dans la vie en attendant d’en finir n’est pas clair tout de suite, mieux vaut donc ne pas gâcher le bref mais intense plaisir de la découverte
Car malgré la noirceur de ce texte et sa violence, le plaisir est bien là. Le plaisir d’un personnage profond et dense, le plaisir d’un désespoir si grand, si insondable qu’il s’y perd. Le malsain de l’affaire est renforcé par la mission confiée à Joe par un homme politique : sa fille mineure a disparu après avoir été draguée sur Internet et il vient de recevoir un message lui signifiant qu’elle est contrainte de se prostituer dans un hôtel new-yorkais. C’est un boulot pour Joe ça, ancien marine et ancien du FBI, un expéditif qui ne fait pas dans la dentelle. Son arme préférée : le marteau. C’est un styliste Joe, comme Jonathan Ames.
Et malgré tout, on s’y attache à ce Joe, on voudrait même en savoir plus sur lui. Alors Tu n’as jamais été vraiment là n’a que le défaut d’être trop court, il y aurait une autre page et encore une autre après la dernière qu’on ne s’en étonnerait pas. On a comme goûté à un épisode d’une série noire, de celles qui nous effraient mais dont on ne se lasse pas.
Tu n’as jamais été vraiment là
Jonathan Ames traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias
Joëlle losfeld, 2013
ISBN : 978-2-07-249532-8 – 97 pages –
You Were Never really Here, parution aux Etats-Unis : 2013
Moi qui n’aime pas le sombre ni le glauque , je suis attirée par ce roman.
La violence est très présente mais si tu apprécies les personnages forts, celui-ci est quasi inoubliable.
Très tentant ta façon d’en parler
Ravie car j’ai trouvé difficile de faire partager mon plaisir de lire un roman aussi noir, ça peut quand même sembler bizarre d’aimer lire des choses aussi dures…
Ah, oui, j’avais moi aussi vraiment aimé. C’est court mais serré, et comme tu dis, on s’attache à ce drôle de personnage à la fois tueur de sang-froid, et grand dépressif..
Je me demande quand même quelque fois comment on prend plaisir à lire des horreurs pareilles…