Les 33 d’Héctor Tobar

Les 33Le 5 août 2010, une mine s’effondre tandis que trente-trois mineurs y travaillent. Ça se passe dans le désert d’Atacama au Chili et ces trente-trois hommes vont être au centre de l’information dans le monde entier, alimentant pendant des semaines le fol espoir de les revoir vivants. Pas si fou que ça cependant puisqu’après soixante-neuf jours passés dans les entrailles de la montagne grondante, ils ressortent tous sains et saufs. C’est cette incroyable histoire que raconte ici Héctor Tobar.

L’écrivain américain n’écrit pas un roman mais bien le récit de cette aventure exceptionnelle. Il a recueilli les témoignages des rescapés qui ne se sont confiés qu’à lui suite à un accord contractuel, et a eu accès à diverses commissions d’enquêtes et autres documents non publics.

Les trente-trois mineurs sont restés dix-sept jours totalement coupés du monde avec pour toute nourriture quelques biscuits et boîtes de thon. Ils se trouvent à six cents mètres sous terre et à sept kilomètres de la surface par la rampe d’accès. Ils se rendent rapidement compte de leur situation désespérée mais décident de rester soudés : passés les premiers sursauts d’individualisme, ils sont les 33 et le resteront. Entre tension et solidarité, Héctor Tobar s’attache à certains d’entre eux, au caractère bien trempé ou dont le rôle se révèlera plus important. Ainsi Victor Segovia qui tient un journal de l’enfermement, Franklin Lobos, ex star du foot chilien, Mario Sepúlveda un battant pour le moins, fort en gueule et chef auto-proclamé.  Yonni Barrios qui tient lieu d’infirmier est un personnage important autant par son rôle parmi ses frères mineurs que par son histoire personnelle : il a une femme et une maîtresse, ce qui n’est pas sans poser de problèmes quand il s’agira de savoir laquelle des deux femmes l’accueillera à sa sortie.

Car ils sortiront donc ces hommes transformés par deux mois et demi sous terre, mais aussi par ce qui s’est amorcé avant même qu’ils émergent : leur médiatisation. L’effondrement a attiré la foule dans ce coin de désert des plus inhospitaliers : les familles, les journalistes, les hommes politiques, les techniciens et même des stars en tout genre. Le désert d’Atacama : the place to be ! Ainsi vit-on l’angoisse des proches qui pourtant ne perdent pas espoir, puis l’agitation sans précédent qui suit l’aboutissement du forage qui les sauvera.

Avant même de sortir, les 33 savent qu’ils sont devenus le centre de l’attention mondiale, qu’ils sont riches et qu’on leur fera les propositions les plus incroyables. Ainsi se mettent-il d’accord pour ne pas raconter à tous leur enfer de dix-sept jours, pour rester soudés. Ils seront cependant interviewés, suivis par les journalistes, reconnus partout, leur vie privée sera étalée, jugée. Leur réserve face aux médias ne plaira pas aux journalistes qui les critiqueront aussi, compteront combien d’argent a été dépensé pour les sauver…

Leur vie sera irrémédiablement bouleversée, et la gestion de leur succès fera peut-être encore plus de dégâts que leur enfermement, au moins sur le long terme.

Les 33 se présente donc comme un reportage, travail préalable et préparatoire à la réalisation d’un film approuvé par les mineurs (avec Antonio Banderas, Juliette Binoche, Gabriel Byrne). Héctor Tobar, par ailleurs romancier, s’empare de tous les ingrédients du romanesque pour faire de l’enfermement, du sauvetage et de l’après-catastrophe un récit émouvant, prenant et très renseigné. Fraternité et dignité en sont le centre, mais pas exclusivement car la cohabitation ne va pas sans rancunes ni tensions. Et c’est bien ce réalisme, sans bienveillance ni jugement mais avec empathie, qui rend ce récit si humain.

Un problème cependant dans les toutes premières pages du texte, alors qu’Hector Tobar installe les lieux pour que le lecteur se les représente. On lit en français : « S’il est un repère qui compte à la mine de San José, c’est celui du niveau de la mer. Le tunnel de 5 mètres sur 5 qui constitue la Rampe débute au Niveau 720 (soit à 720 mètres sous le niveau de la mer) avant de s’enfoncer dans la montagne…« . J’ai eu beaucoup de mal à envisager une mine de montagne ouvrant à 720 mètres sous le niveau de la mer, surtout au Chili. J’ai donc cherché et consulté le texte original qui dit : « In the San Jose Mine, sea level is the chief point of reference. The five-by-five meter tunnel of the Ramp begins at level 720, which is 720 meters above sea level. The Ramp descends into the mountain…« . Cette erreur de traduction qui ouvre la première partie du texte est si énorme qu’elle se doit d’être signalée.

Les 33 sous-titré la fureur de survivre reste un récit très réussi, tant dans le récit (exclusif) de l’enferment, que dans ceux de l’attente angoissée des familles et du sauvetage. Héctor Tobar ne juge pas les mineurs ni pendant leur incroyable aventure, ni après : il raconte et raconte bien.

Les 33. La fureur de survivre

Héctor Tobar traduit de l’anglais par Anne-Sylvie Homassel
Belfond, 2015
ISBN : 978-2-7144-5946-6 – 413 pages – 21.50 €

Deep Down Dark, parution aux Etats-Unis : 2014

7 commentaires sur “Les 33 d’Héctor Tobar

    1. Celle-ci je ne l’ai remarquée que parce que l’auteur décrit la mine et qu’avec cette traduction, c’était impossible de se figurer les lieux. Je me suis donc dit qu’il y avait forcément une erreur quelque part…

  1. Gasp. Je suis la coupable. Above sea level, bien sûr. C’est monstrueux et j’aurais dû, bien sûr, le remarquer lors des deux ou trois relectures poussées de ma propre traduction. Merci en tout cas de l’avoir relevé.

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