La faute au Midi de Le Naour et A. Dan

La faute au MidiParmi tous les ouvrages parus à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, nombreux sont ceux qui tendent à faire découvrir ou expliciter des épisodes plus ou moins connus de la Grande Guerre. Jean-Yves Le Naour, éminent spécialiste et déjà scénariste de plusieurs bandes dessinées, choisit dans La faute au Midi de rapporter des événements qui se déroulèrent au tout début de la guerre, alors qu’on ne savait pas encore à quels genres de combats l’armée française allait devoir faire face.

Depuis la Provence, le Gard, la Corse et tout le sud de la France, les hommes affluent vers le nord-est. Ils doivent soutenir les soldats du XXe corps d’armée de Lorraine, considérés comme les meilleurs du pays. Pendant des jours, les hommes hardis et courageux ne rencontrent pas le moindre soldat allemand. Des habitants, et même un aviateur qui vient d’effectuer une reconnaissance préviennent le haut-commandement qu’il s’agit d’un piège et que les Allemands attendent avec l’artillerie. Il n’est fait aucun cas de ces avertissements car il est alors évident que la victoire ne tient qu’au courage  et à la détermination des troupes.

Les 20 et 21 août 1914, dix mille soldats trouvent donc la mort dans la bataille de Lorraine : ils montent au combat sans le moindre secours de l’artillerie puis battent en retraite.

Joffre, le généralissime, refuse cette défaite et doit trouver un coupable (autre que lui…) : comme il ne peut pas taxer les meilleurs soldats français de couardise, il décide que la faute retombera sur les Méridionaux, ces fainéants indisciplinés… Un article dans « Le Matin » enfonce le clou auprès de l’opinion publique et voilà les soldats du Sud ostracisés. Ce qui n’est rien comparé à ce qui s’en suivra : deux soldats « jugés » en cour martiale sont fusillés pour l’exemple le 19 septembre 1914 alors qu’ils viennent de se battre et d’être blessés face à l’ennemi.

La faute au Midi fonctionne comme une mise au point, un coup de projecteur sur la situation dans l’armée française au début de la guerre : le haut-commandement n’a aucune idée de la nature des combats, qu’il envisage à la façon napoléonienne. Ces généraux médaillés si à cheval sur la patrie n’hésitent pourtant pas à bafouer honneur et vérité car « en temps de guerre, un bon mensonge patriote vaut mieux que la potion amère de la vérité ». Désinformation et bourrage de crâne en haut-lieu et ça depuis les tout premiers jours de guerre. Il suffisait dès lors de souffler sur les braises de l’animosité entre Nord et Sud pour que la situation s’enflamme et tourne au scandale national. Chacun a pourtant toujours présent à l’esprit la récente affaire Dreyfus

Une réussite donc que cette bande dessinée qui fait connaître au plus grand nombre un épisode méconnu de l’histoire de France qui est notre histoire à tous. Elle est suivie d’un dossier documentaire tout à fait inutile ici puisqu’il ne fait que reprendre les faits très clairement exposés dans la BD elle-même…

Jean-Yves Le Naour et la thématique Première Guerre mondiale sur Tête de lecture
 
La faute au Midi

Jean-Yves Le Naour (scénario), A. Dan (dessin) et Sébastien Bouet (couleurs)
Bamboo (Grand Angle), 2014
ISBN : 978-2-8189-2666-6 – 48 pages + dossier – 13.90 €

11 commentaires sur “La faute au Midi de Le Naour et A. Dan

    1. C’est le genre de BD pédagogique au bon sens du terme : très intéressante en effet et qu’on lit avec plaisir emporté par une narration qui sait rendre compte des événements sans ennuyer. Bref, une réussite.

  1. Je retrouve là l’ambiance de l’affaire Dreyfus qui m’a tant marqué pendant les vacances de Noël grâce à toi d’ailleurs. Je vais notre cette BD , même si ce n’est pas mon genre préféré.

    1. On ne peut que penser à l’affaire Dreyfus en lisant ce texte : même magouilles en haut-lieu pour masquer les premières erreurs et un bouc émissaire qu’on désigne à la vindicte publique…

    1. C’est un peu un rattrapage pour moi aussi… Parmi mes bonnes résolutions 2015 : lire ce que j’ai acheté en 2014 avant d’acheter quoi que ce soit. La seconde partie est d’ores et déjà tombée à l’eau, mais j’ai entamé la première 🙂

  2. Merci de me (nous) faire découvrir tant d’aspects méconnus de la Grande Guerre ! C’est vrai que les armées française (et belge encore pire) étaient bien mal équipées face au matériel et à la tactique allemande. Et puis ces maquillages de vérité honteux…

    1. Je ne connaissais pas non plus cet épisode avant de découvrir cette bande dessinée qui met malheureusement en lumière une pratique très répandue : le mensonge pour maquiller l’incompétence…

  3. L’essai de Le Naour, « La légende noire des soldats du Midi », chez Vendémiaire, est tout aussi passionnant.

    1. Merci pour ce conseil. J’imagine que l’idée de la BD est partie de là… ce support est en tout cas une façon de porter vers le grand public des sujets vers lesquels il n’irait pas et c’est vraiment une excellente démarche.

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