Le Boucher des Hurlus de Jean Amila

Le boucher des HurlusLa guerre est finie, enfin, terminée la Grande Guerre ! On pourrait croire que chacun panse ses plaies et fête la victoire. Mais il y a aussi les « héros » jaloux et veuves éplorées qui ne se satisfont pas d’un million de morts et de torrents de larmes. Ils ont un sens tout particulier de l’honneur et de la justice ceux-là et ils sont légions, comme le Diable.

Le petit Michou vit avec sa mère. Depuis 1917, elle sait que son mari ne reviendra pas : il est mort aux Hurlus (6 500 hommes tués entre septembre 1914 et avril 1915). Oui mais voilà, il n’est pas mort au champ d’honneur, il a été fusillé. Et ça, tous les voisins le savent dans ce quartier du XXe arrondissement de Paris et ils entendent bien le faire payer à la veuve et à  l’orphelin.

Et il semblait tout à fait normal qu’on s’attaque à l’épouse et à l’enfant dont le père avait été fusillé en novembre 1917 avec ses camarades qui avaient refusé de monter à l’assaut de Perthes-les-Hurlus, dix fois repris et reperdu, où près de cent quarante mille « poilus » étaient morts pour rien, car l’endroit n’avait aucune valeur stratégique et on ordonnait ces boucheries inutiles uniquement pour « entretenir le moral de la Troupe ».

La Venin, cette sale voisine, parvient à faire arrêter la mère et à la faire interner « chez les folles ». Le Môme est placé dans une institution catholique stricte et miséreuse. Il supporte tout parce qu’il a un but : tuer le général Des Gringues, le boucher des Hurlus. Il est tout petit, il n’a que huit ans et demi mais se fait une bande d’amis qui décident tous un beau jour de s’enfuir pour accomplir le rêve du Môme. Et les voilà partis, direction la gare de l’Est car il veulent voir les champs de bataille, et sans un sou. Mais avec leurs tronches d’orphelins de guerre, ils savent émouvoir et ne s’en privent pas.

Quand parait Le Boucher des Hurlus, Jean Amila a déjà une belle carrière derrière lui à la « Série Noire », sous ce nom ou celui de Jean Meckert. Ce roman se distingue par une certaine dimension autobiographique : il a lui-même été pensionnaire d’une institution religieuse dont il a gardé un très mauvais souvenir. Ce n’était cependant pas parce que son père avait été fusillé mais parce qu’il avait abandonné sa famille.

Le roman est clairement antimilitariste. Il fustige ces généraux imbéciles qui font si peu de cas des vies humaines dont ils sont irresponsables. Il condamne également la bêtise de tous ceux qui bêlent avec le troupeau, moquent et blessent pour le plaisir de voir souffrir. Tous ces gens ont un sens de l’honneur bien étriqué, qui condamne des innocents pour le crime d’un père poussé à bout par des années de guerre.

La tonalité résolument sombre de ce roman s’éclaire parfois de scènes drôles car les quatre compagnons ne sont au final que des enfants, révoltés mais naïfs. Ils n’ont ni plan ni argent, guidés par leur seule colère. Restituant un parler populaire, Jean Amila leur donne voix avec sincérité et dénonce ainsi l’attitude des généraux, véritables planqués de toutes les guerres modernes.

Aujourd’hui, le village de Perthes-les-Hurlus, totalement détruit, n’existe plus. Il est rattaché à celui de Souain, où fut fusillé pour l’exemple le mari de Blanche Maupas.

La thématique Première Guerre mondiale sur Tête de lecture
 
Le Boucher des Hurlus

Jean Amila
Gallimard (Série Noire n°1881), 1982
ISBN : 2-07-049612-0 – 240 pages – épuisé dans cette édition

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