D’où vient l’islam ? Qui était le prophète Mahomet ? La violence due à certains intégristes aujourd’hui est-elle inhérente à la troisième religion révélée ? Gilbert Sinoué, spécialiste de la biographie, répond à ces questions dans L’envoyé de Dieu, un texte facile d’accès et explicite. L’aspect purement biographique explore la vie du prophète, racontée par un de ses compagnons dans un récit cadre qui est lui fictif : le scribe Hussein se rend auprès d’un vieil homme qui a connu le prophète pour recueillir ses mémoires.
Ce texte est riche en évidences et en découvertes. Il n’est jamais inutile de rappeler les premières : Juifs, chrétiens et musulmans vénèrent le même Dieu. Le dieu d’Israël est celui des musulmans, l’archange Gabriel qui transmit la parole de Dieu à Mahomet est celui-là même qui annonça à la Vierge qu’elle était enceinte. Tous se réfèrent à Abraham.
Juifs, chrétiens, quelle importance ? Sais-tu ce qu’a affirmé le Prophète ? « Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus, à ce qui a été donné à Moïse, à Jésus, aux prophètes de la part de leur Seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux. » Tu as bien entendu mon fils ? Pour aucun d’entre eux !
Durant la jeunesse de Mahomet, il existait donc déjà deux religions monothéistes. Mais les Arabes (habitants de l’Arabie) étaient majoritairement polythéistes (même si certains s’étaient convertis au judaïsme : des Arabes juifs donc…). Ce qui fut révélé à Mahomet, c’est l’unicité de Dieu : Dieu est un, il ne peut pas être divisé (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) et Mahomet est son envoyé (ce que les Juifs n’accepteront pas, Mahomet n’étant pas juif). Le prophète a cherché à transmettre la parole reçue, d’abord à sa famille, à ses amis. Son message s’est transmis au point de susciter l’hostilité. Mahomet a dû fuir La Mecque, sa ville natale : à l’inverse de Jésus, il n’a pas vocation au martyre.
Son départ pour Medine (l’hégire en 622) signe l’an 1 du calendrier islamique. Dès lors, le prophète ne se contente plus de transmettre, il veut aussi persuader, si besoin par la force. Ainsi naît le djihad, la guerre sainte. Il faut écraser l’ennemi, c’est-à-dire dans un premier temps les Arabes restés polythéistes, mais aussi les Juifs. Mahomet n’est plus un prophète mais un guerrier qui promet le paradis aux assassins.
Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allâh soient morts. Au contraire, ils sont vivants auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu’Allâh leur a accordée. » Ce sont des martyrs. Des shuhadâ. C’es-à-dire des témoins. Le martyr qui sacrifie sa vie pour la cause de l’islam témoigne de la cause à laquelle il croit, celle de l’unicité divine et de la vérité absolue. Il sera donc récompensé par Dieu.
Les révélations cependant se succèdent, fixant la parole qui servira à rédiger le Coran. Grâce à ses conversations très privées avec Gabriel, Mahomet dit comment et quand prier, manger, organiser sa vie de bon musulman. Il fixe aussi bien sûr le sort des femmes qui ne valaient alors pas grand-chose. Quand une d’entre elles lui plait, il la prend pour femme, expliquant que ça lui a été dicté par Dieu. On comprend tout l’intérêt de ces entretiens privés, érigés au rang de parole divine que personne ne peut contredire sous peine d’être jugé comme blasphémateur… Toutes les religions font de même, proclamant sacré ce qui n’est qu’humain.
La démarche de Gilbert Sinoué procède aussi d’une volonté de contextualisation : d’où vient la violence islamiste, est-elle consubstantielle à l’islam, pourquoi fut-elle préconisée ? Le personnage fictif du scribe incroyant, pose les questions qui viennent aujourd’hui à l’esprit. Il est d’ailleurs vertement critiqué pour ça (« islam » signifie « soumis à Dieu ») : « Le croyant ne s’interroge pas. La foi est la réponse à tout. » L’ignorance est une vertu chère aux doctrinaires. Hussein incarne aussi nos craintes :
Qu’en sera-t-il de ceux qui lorsqu’ils découvriront ces mots : « Combattez sur le chemin de Dieu ! », ou encore : « Il est prescrit de combattre, et pourtant vous y répugnez. » Ma crainte est qu’ils oublient que ces phrases furent prononcées en un temps, en un lieu bien définis, en des circonstances très particulières et qu’elles ne sont pas figées pour l’éternité.
A l’évidence, certains islamistes aujourd’hui préconisent la violence comme un retour aux sources.
L’envoyé de Dieu est un texte utile pour qui ne connait pas la vie du prophète et ne souhaite pas se plonger dans une épaisse biographie. Gilbert Sinoué s’en tient aux faits, comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? S’il est interdit de représenter Mahomet, on peut écrire sa vie, mais de là à la romancer, à en faire l’objet de thrillers ésotériques comme c’est couramment le cas pour Jésus, il y a encore beaucoup à attendre : mille ans selon Gilbert Sinoué…
Gilbert Sinoué sur Tête de lecture
L’envoyé de Dieu : une vie du prophète Muhammad
Gilbert Sinoué
L’Archipel, 2015
ISBN : 978-2-8098-1737-9 – 317 pages – 21 €
Je l’ai repéré. Le sujet m’intéresse !
Si tu es déjà pointue sur le sujet, tu n’apprendras certainement rien. Moi je ne connaissais finalement pas grand chose à cette vie.
Je crains de déjà en connaître un peu sur ce prophète, et de m’ennuyer (et j’ai réussi à lire 1/3 du Coran)
Je ne crois pas qu’on puisse s’ennuyer à cette lecture car c’est bien raconté, mais tu n’y apprendras peut-être pas grand chose. Et je te félicite pour le Coran !
intéressant… je pense aussi en connaître un peu sur le sujet, passionnant, d’ailleurs.
…surtout dans le contexte actuel : il est important de revenir aux sources plutôt que d’écouter toutes sortes d’interprétations.
Un texte utile que tu nous donnes envie de découvrir
J’en suis ravie, il se lit facilement.
Mille ans, ça fait long…..
et oui, on ne le lira pas ce thriller ésotérique sur Mahomet…