Près d’un an après un AVC, le rédacteur en chef de La Femme moderne, par ailleurs narrateur de L’Astrologue, est de retour. Le magazine a été racheté, rebaptisé La FM, et son poste confié à une certaine Anita Morin. Il s’agit d’en faire « un glossy mag, un hebdo sur papier glacé que vont s’arracher les fast fashion et les people addicts« .
Dans ce contexte, le narrateur se voit confier la rubrique astrologie : une double page hebdomadaire, dernière marche avant la sortie. Seulement voilà, de façon tout à fait inattendue, l’ancien rédac chef va s’accrocher à son nouveau poste. C’est que cet amateur de Belles Lettres et d’Oulipo a trouvé là un moyen poétique de parler aux femmes, à toutes les femmes, de leur donner l’impression de les écouter et de les comprendre. Pour ça, il utilise l’effet Barnum, mélange de banalités optimistes assénées sur un ton professionnel combinées sur le modèle des Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau : de quoi prédire à long terme.
Le subterfuge fonctionne, et malgré les ruses d’Anita pour le faire gicler, le nouvel astrologue rencontre un succès certain auprès des lectrices qui deviennent accros. Il comprend rapidement que sa nouvelle fonction va lui permettre de draguer, en publiant des horoscopes bidons à l’intention des femmes qu’il convoite. Et il a bien besoin de cette ruse puisque qu’il n’est qu’un revenant alcoolique qui écoute de la musique has been sur son tourne-disque. Il a pour lui son style et son humour, et désormais les astres qu’il fait parler à sa guise.
L’Astrologue se révèle une lecture tout à fait sympathique. Le type qui tire vengeance et même avantage de sa rétrogradation est traité avec humour par un narrateur intarissable. Il pause un regard distancié et très critique sur la réalité, ce qui compense sa fatuité envers les femmes.
Le regard que Denis Rousseau pose sur la presse féminine est des plus réjouissants. Surtout quand on ne la lit pas. Sinon, j’imagine que c’est inquiétant et cynique. Les lectrices sont des gourdes consommatrices manipulées par l’image et les mots. C’est d’ailleurs ainsi que l’astrologue bâtit sa réputation et séduit : il les abreuve de discours tout faits, de platitudes au kilomètre qui les rassurent. Il n’a pour lui que de le faire avec style. Denis Rousseau s’est d’ailleurs tant pris au jeu qu’il reproduit tout un horoscope au fil des pages, les trois décans pour chaque signe !
On ne peut donc que conseiller L’Astrologue à toutes celles qui consultent leur horoscope : peut-être cette lecture se révèlera-t-elle une entreprise salutaire de libéralisation de la femme de la bêtise du marketing !
L’Astrologue
Denis Rousseau
Marivole (Nota Bene), 2015
ISBN : 978-2-36575-304-3 – 167 pages – 20 €
Oh mais c’est complètement différent de ce que j’imaginais! Un éditeur d’cheu nous, non? (enfin, de chez moi)
Je ne lis pas l’horoscope, mais bon, ce livre a l’air pas mal du tout.
Moi je n’imaginais rien, je découvre cet éditeur (régional donc) avec ce roman qui est une plaisante surprise : c’est drôle, agréablement écrit et pas bien pensant (notre astrologue fume des joints gros comme des bâtons de chaise !).
Bon, je le verrai peut être en salon de région, alors!
j’adore ce que tu dis de ce livre et j’ai une envie folle de me l’offrir
« Taureau, 3e décan, 24/12/15 : une lectrice qui n’aime ni les romans sur la guerre ni les polars appréciera beaucoup votre billet du jour » 😀
j’ai mis un certain temps à comprendre la réponse, comme tous les ascendants Lion avec la Vierge dans le 2° Décan j’ai la comprenette un peu lente…..
Je ne lis pas les horoscopes, je feuillette de temps à autre la presse féminine et c’est tellement devenu indigent que je pense qu’il pourrait me faire rire ce livre. Noté !
L’auteur est lui-même journaliste et ça ne m’étonnerait pas qu’il en connaisse plus que toi et moi sur le sujet !
J’aime bien lire mon horoscope, de temps en temps, historie de rire un peu.
Je crois que c’est la meilleure façon d’envisager le sujet : avec humour !
J’aime bien les horoscopes, ils ne me prédisent que réussite incroyable, rencontres amoureuses, santé de ouf 🙂 ça pourrait me faire rire 🙂
Ben oui : s’il prédisait le vrai, ce serait déprimant et personne ne les lirait 😉