Sous le regard du loup de Gilles Laporte

Sous le regard du loupNouvelle escale dans la Lorraine tant aimée de Gilles Laporte. 1977 aux Verrières dans la vallée du Pratieux. Comme tous les matins, Claude se rend à la bergerie. Ses moutons, c’est son petit plaisir en plus des vaches laitières. Mais il découvre un vrai massacre : huit brebis égorgées, massacrées. Ce ne sont que les premières car pendant plusieurs semaines, les habitants de ce petit coin tranquille vont vivre sous le regard du loup.

Car c’est d’un loup qu’il s’agit, personne n’en doute. Une telle sauvagerie signe le retour de l’ennemi en terre lorraine. A Épinal, le rédacteur en chef de La Voix républicaine flaire le bon moyen de faire décoller les ventes. Il envoie sur place deux fins limiers : Guillaume Bouvard et Adrien Pécuchet…

Les massacres se multipliant partout dans la région, les journalistes se bousculent et les suppositions vont bon train. Chacun y va de son avis. Bientôt, on décide d’une battue ; certains de ces messieurs ont le plaisir de sortir l’artillerie… Puis les regards se tournent vers l’Allemand, celui qui quelques années auparavant a acheté une propriété qu’il a faite enclore : pourquoi personne ne peut pénétrer sur ses terres ? Que cache-t-il ? Qui c’est ce Boche ?

Tout ce que le village compte de gens importants se retrouve chez la vicomtesse Parcours de Coursensac, dite la Générale. Veuve de militaire, la femme a du caractère et ne mâche pas ses mots. Elle n’hésite pas à houspiller le maire qui ne pense qu’à sa possible élection au Sénat, ni le curé, aristocrate comme elle, qui vitupère en chaire contre l’avortement.

Si la couverture laisse augurer un roman bucolique et le thème une réécriture de la Bête du Gévaudan version lorraine, Gilles Laporte s’attache surtout à un terroir, à une situation sociale et à quelques personnages féminins. C’est qu’il aime les femmes, toujours bien plus nuancées et originales que ses personnages masculins. Alors que la femme est toute d’ambiguïtés, l’homme est tout un.

La Générale donc, et à l’opposé Elodie, femme de Claude : paysanne, aimante, travailleuse, une femme comme avant 68, voire avant la guerre. Très loin d’elle, Odette, la secrétaire toujours prête à se laisser tripoter par le rédac chef. Et puis Marie, la fille de Claude et Elodie, étudiante en philosophie à Nancy. C’est elle la véritable héroïne de ce roman, jeune femme en devenir, intelligente, qui prend son avenir en main et pousse autrui à la réflexion.

Elle brille pourtant des derniers feux de l’éducation républicaine dans la petite vallée rattrapée par le carriérisme, le modernisme et le profit. En elle fleurit l’intelligence naturelle des enfants aimés qui ont grandi au contact de la nature. Elle refuse toute idée reçue, ne se laisse pas impressionner sans être irrespectueuse. Elle aime sa région et ses parents, sans être prête à leur sacrifier sa vie. Une femme forte, comme sait les peindre et les imaginer Gilles Laporte.

Gilles Laporte sur Tête de lecture

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Sous le regard du loup

Gilles Laporte
Presses de la Cité (Terres de France), 2016
ISBN : 978-2-258-13370-9 – 380 pages – 19 €

21 commentaires sur “Sous le regard du loup de Gilles Laporte

  1. Je n’ai jamais lu cet auteur, c’est sans doute un tort. Je note ce titre là, qui me paraît brasser plusieurs thèmes à la fois de notre temps et intemporels.

    1. J’ai découvert la Lorraine il y a trois ans. J’ai vu Épinal plusieurs fois et suis tombée sous le charme de Bar-le-Duc. C’est une région méconnue, pleine d’inattendus, qui mérite découverte. Quand je lis Gilles Laporte chaque année avant de me rendre aux Imaginales, je découvre un peu plus de cette belle région et me surprends à apprécier une littérature que je ne pensais pas vraiment faite pour moi…

  2. Un écrivain qui pense que, parfois, les femmes sont davantage en nuances que les hommes , ça me plait bien. Une héroïne qui pousse ses concitoyens à réfléchir avant d’agir, ça me plaît encore plus.

    1. Bonjour Luocine. Souhaitez-vous recevoir ce livre « Sous le regard du loup » ? Bravo pour vos recensions. Très cordialement. Gilles

  3. Le thème du loup me paraissait très alléchant, surtout qu’on est confrontés à une situation similaire dans ma région d’origine. Mais en lisant ton billet, j’ai l’impression que cela passe au final au second plan, et qu’on se concentre sur les relations entre les habitants. Je me trompe?

  4. Une région que j’ai rencontrée avec ma fille partie y vivre pour son boulot. Oui, c’est une région méconnue que j’ai traité ironiquement avant de la connaître, comme beaucoup.
    Me demande si je ne vais pas aller du côté de Gilles Laporte!

    1. Oui, j’ai lu sa trilogie semi autobiographique (dont j’ai chroniqué ici le premier volume) : lectures bien agréables qui me changent.

  5. Je ne connais pas du tout cette région et ce que tu dis du livre est très tentant, vraiment … les personnages et leurs relations c’est mon truc 🙂

    1. J’étais le week end dernier à Epinal où il n’a pas plu (ah si, trois gouttes d’eau dans la nuit de samedi à dimanche) alors que tout le monde commençait déjà à moisir sur pied…

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