Truman de Cesc Gay

Tomas (Javier Cámara) quitte le Canada où il s’est installé depuis longtemps pour revenir à Madrid visiter son ami Julian (Ricardo Darín), d’origine argentine. Julian est un acteur de théâtre connu et talentueux, atteint d’un cancer plusieurs fois vaincu mais désormais incurable. Il annonce à Tomas qu’il a décidé de cesser tout traitement. Tomas n’est à Madrid que pour quatre jours, mais il veut convaincre son ami qu’il faut lutter pour vivre, qu’il ne peut choisir de hâter sa fin.

Camara et Darin

Je ne savais absolument rien de ce film avant d’entrer dans la salle (où nous étions trois), sauf que Ricardo Darín en était l’acteur principal. Ce qui suffit à me convaincre de m’enfermer dans une salle obscure alors que l’été est enfin arrivé. J’y serais allée quel que soit le sujet, mais je suppose que le résumé du film peut effrayer. De fait j’ai pleuré trois fois, et sincèrement. Mais quel film formidable ! Malgré la gravité du sujet, Ricardo Darín le porte avec simplicité. Il est maigre, mal rasé, fatigué mais son visage magnifique exprime toute sa douce humanité et la profondeur de son être.

Pourtant, c’est du côté de Tomas qu’on est : pourquoi choisir la mort trop tôt ? A quoi Julian rétorque : ¿ Para que seguir ?

A l’évidence, Truman est un drame, voire une tragédie. Pourtant, la grande réussite de ce film c’est sa légèreté. Les deux hommes plaisantent entre eux, profitent de leur amitié. L’un et l’autre sont pudiques et n’attaquent pas de front cette mort omniprésente. Aucun pathos dans ce film, mais beaucoup de naturel derrière des personnages mal à l’aise, incapables d’exprimer leurs sentiments, leurs peines. La complicité entre les deux hommes est évidente.

Et Truman dans tout ça ? C’est le chien de Julian, un bullmastiff très indolent qui vit avec lui. La bestiole canalise peurs et peines. Il donne lieu à des scènes où se mêlent rire et larmes. Julian se rend chez le vétérinaire : il ne veut pas lui dire qu’il va bientôt mourir mais cherche à éviter que Truman soit trop perturbé par sa disparition. Il décide de le faire adopter et cherche donc un candidat.

La scène est simple : Julian, Tomas et Truman vont visiter deux femmes mariées qui souhaitent un chien pour leur fils adoptif. Elles sont sympathiques, ouvertes (elles ne savent pas que Julian va mourir). Comme l’enfant n’est pas présent au moment de la visite, elles proposent à Julian de leur laisser Truman pour la nuit. Et là, c’est le vide qui s’ouvre devant Julian qui va devoir rentrer sans son chien. C’est simple, sans aucun effet et hyper efficace. Larmes garanties.

Et tout le film joue sur ce registre. La mort est partout mais c’est à travers cette simple scène qu’elle frappe vraiment. Je ne vous dis rien de la scène où Julian rend une visite impromptue à son fils à Amsterdam : quand il le sert dans ses bras après un trop court déjeuner, Julian sait qu’il ne le reverra jamais, mais il n’a pas eu le courage de faire part au jeune homme de sa décision.

Aucun sentimentalisme dans ce film où pourtant tout est émotion. Les acteurs sont tous justes, émouvants car d’une grande sincérité.

Je me demande comment Télérama peut publier une chronique aussi insipide sur ce film. A l’évidence, Pierre Murat qui ose signer ça n’a pas vu le film puisque le résumé est complètement faux (rôle intervertis, lieux erronés…). C’est une honte pour un film qui a remporté de nombreux Goya cette année (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleur second rôle et meilleur scénario). Un telle désinvolture ne fait pas honneur au critique et dessert ce beau film déjà handicapé par sa sortie estivale.

Truman est un film lumineux et sincère qui évite tous les écueils d’un sujet très lourd. Tout y est juste, humain et naturel donc émouvant. Ricardo Darín est superbe, immense.

Sortie nationale : 6 juillet 2016 – Durée : 1 h 48
De Cesc Gay avec Ricardo Darín, Javier Cámara

13 commentaires sur “Truman de Cesc Gay

    1. Quel grand acteur. Quand je vois les journalistes en peine de comparaisons le comparer à Gérard Depardieu,les bras m’en tombent tellement c’est ridicule. Darin est tout l’inverse, tout dans le naturel, la retenue et la pudeur…

  1. Je l’ai vu, pour l’acteur principalement, je ne savais rien de l’histoire non plus et j’ai trouvé que c’était un film qui traitait avec beaucoup de justesse cette thématique un peu difficile mais comme je n’étais pas d’humeur pour ce genre de thématique un peu grave, je suis sortie de là un peu éteinte. Mais c’est un bon film. J’ai adoré le chien que j’ai regretté de ne pas voir un peu plus dans le film.

    1. A l’inverse de ce qu’on peut croire en regardant l’affiche, ce n’est pas un film de chien. D’ailleurs, je n’avais pas vu l’affiche et si je l’avais vue, je ne serais peut-être pas allée voir le film car je n’aime pas bien ces bêtes-là et surtout pas les films gâteux à chiens…
      Perso, je suis sortie de la salle en essuyant mes larmes (heureusement que j’y suis allée toute seule !) en me disant que ça ne se faisait pas de se retrouver dans les rues de la ville avec les yeux rouges… quand il lui donne le carnet de vaccination en lui disant et redisant que Truman n’a pas la rage, j’ai craqué…
      Le chien est en fait un chien « éducateur » pour autistes. Ou plutôt était car il est mort peu après le tournage. C’est vrai qu’il a l’air d’une bonne pâte…

    1. Le thème n’est pas drôle, mais on sourit pendant les 3/4 du film, c’est quand même un exploit…
      Quand on voit Darin pour la première fois dans le film on se dit « ouh la la, ça ne va pas fort ». C’est ce que je me suis dit, ne connaissant pas le sujet. Mais j’imagine qu’il a maigri pour le rôle. Et qu’il a aussi mal dormi 🙂

    1. Ici on dit qu’il est le plus grand acteur argentin, mais je ne sais pas ce qu’il en est en Argentine. Il joue dans toutes sortes de films, y compris des comédies (mais pas du genre gras comme Astérix, la comparaison avec Depardieu n’a, à mes yeux, pas du tout lieu d’être).
      Il faut que tu le découvres. J’ai vu le film à Blois la semaine dernière 😉

  2. Bonjour Sandrine, quelle fougue! J’ai aimé le film mais moins que toi même si Truman et Julian valent la peine d’aller dans une salle obscure. En revanche, le personnage de Tomas n’est qu’un faire-valoir, c’est dommage. Bonne après-midi.

    1. C’est vrai. Il est un peu à notre place, ami impuissant qui voudrait faire quelque chose mais qui aussi respecte les choix de l’autre. J’espère que beaucoup de gens iront voir ce film…

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