Nuit d’été de Dan Simmons

nuit d'étéElm Haven est un bled de l’Illinois. En ouvrant Nuit d’été, on y arrive en juin 1960 après des années fastes économiquement et culturellement pour le pays. A Elm Haven, on est un peu passé à côté de tout ça : chômeurs, déclassés, alcooliques sont bien présents aux côtés de quelques fermiers travaillant dur et bien sûr du médecin, du curé, du shérif et de la cohorte du corps enseignant. Bref, un petit bourg que rien ne distingue d’un autre, sans histoires et sans Histoire, pourrait-on croire.

Sauf que des histoires, il y en a eu. Même si la plupart des habitants l’ignore, Elm Haven a eu son lot de drames et même de tragédies. C’est autour de l’école, Old Central School, bien trop énorme pour le canton, que l’inquiétude plane, comme un vautour, en ce dernier jour d’école. Ses cibles : des enfants, créatures innocentes s’il en est. Dan Simmons se fait à nouveau ici maître de l’horreur avec un sujet difficile, celui du groupe d’enfants confrontés à des forces maléfiques. Difficile car il ne faut pas donner dans la caricature, le raccourci et le cliché. Mais Dan Simmons, ça n’est pas Enid Blyton. Ni Maxime Chattam, Dieu merci.

On suit donc ses gosses avant tout parce qu’ils sont authentiques. Une très large part du roman se consacre au contexte social et familial de chacun. Jimmy est élevé seul par sa mère divorcée qui multiplie les conquêtes et le délaisse ; Duane se coltine tout le boulot de la ferme car son père est devenu alcoolique suite à son veuvage ; Cordie c’est la grosse moche qui vit dans une famille de ploucs près de la décharge alors que la fille du docteur entretient les fantasmes de tous ces garçons qui entrent dans l’adolescence. Et il y a Mike, qui adore servir la messe tous les matins et est taraudé par sa conscience, Dale et son frère Lawrence qui a si peur dans le noir. Ma présentation les caricature alors qu’ils sont brossés avec bien plus de nuances.

On les voit dévaler les rues du bourg à vélo, suivis de près par le maudit camion d’équarrissage qui pue la mort. Il semble surgir à chaque coin de rue, tout comme cet étrange inconnu vêtu comme un soldat de la Première Guerre mondiale. Et c’en est un effectivement, bel et bien mort en 1918 mais de retour pour demander des comptes à celle qu’il n’a pas su séduire jadis, la grand-mère de Mike. Il n’est pas le seul mort à se manifester, notamment autour de la vieille école enfin promise à la démolition. Le vieux bâtiment et ses secrets ne cèderont pas facilement, il renferme quand même la cloche des Borgia, ça forge une réputation.

Une réussite donc que cette Nuit d’été avec un Dan Simmons tout à fait dans la veine de Stephen King avec bled paumé et gamins, dont un apprenti écrivain. Pas avare de personnages, certains meurent parfois salement, c’est de l’horreur efficace, qui fait peur et tourner les pages pour savoir si le gentil Lawrence et le bon gros Duane vont y passer aussi. C’est un portrait réaliste de la fin de l’enfance en Amérique, loin des grands conflits sociaux (pas de Noirs à Elm Haven) mais proche des petits Blancs décrits avec réalisme et empathie, parfois même quelques longueurs.

Dan Simmons sur Tête de lecture

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Nuit d’été (Summer of Night, 1991), Dan Simmons traduit de l’anglais (américain) par Evelyne Gauthier, Le Livre de Poche (n°13862), mars 2003, 597 pages, 6,95€

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