Des pas dans la neige d’Erik L’Homme

Des pas dans la neigeDans les années quatre-vingt-dix, âgé d’une vingtaine d’années, Erik L’Homme décide de partir avec son frère Yannick et leur ami Jordi. Ensemble, ils vont arpenter le Pakistan à la recherche de l’Homme sauvage, que l’on confond ici, nous dit-il, avec le yeti, cet abominable homme des neiges…

Le projet semble fou et pourtant, il repose sur des recherches scientifiques. On sait bien cependant que n’importe quelle cause peut trouver n’importe quels scientifiques ou pseudo pour étayer ses dires. C’est avant tout la foi et la soif d’aventure qui poussent ces jeunes gens qui vont se transformer en véritables aventuriers et aller bien au-delà de leurs limites.

Le Pakistan, l’Hindou Kouch, la vallée du Chitral : autant de noms de plus en plus mystérieux, aux confins de la civilisation. S’il se trouve encore des Hommes sauvages, pas de doute qu’ils doivent se nicher au coeur de ces hautes montagnes inhospitalières. Les trois amis récoltent les témoignages des populations locales : plus d’un chitrali a vu de ces propres yeux un barmanou qu’ils décrivent comme un homme velu, proche de Neandertal. Ils voient même des pas dans la neige qui pourraient être les siens.

Yannick, Erik et Jordi ont tout abandonné pour leur quête. Qu’on se plaise ou non à imaginer l’existence du barmanou, ce qui enchante dans ce texte c’est cette soif d’aventure qui fait vaincre tous les obstacles : rien n’est trop loin, trop haut pour leurs rêves. Ils usent leurs forces, vont au bout d’eux-mêmes et au-delà. Ils n’ont que leurs pieds pour se déplacer et l’aide bienveillante des habitants. Sacs au dos, ils grimpent, campent en pleine nature. La neige est partout, il fait très froid et les animaux sauvages rôdent.

Rien ne les arrête mais ils prennent le temps de s’émerveiller, d’observer la nature et d’écouter les populations. Ils ne forcent rien, se coulent dans la place que les gens du cru leur offrent souvent volontiers. Ils sont tolérants et observateurs et si Erik L’Homme a pu parfois être en désaccord avec certaines pratiques, il ne les a pas ouvertement critiquées.

Depuis notre arrivée à Chitral, nous n’avions vu que des gamines et des vieillardes, et l’invisibilité des femmes au quotidien nous pesait vraiment. Tout le temps que nous restâmes au Pakistan, nous vécûmes avec la moitié seulement de l’humanité, dans un univers exclusivement mâle. Cette expérience dérangeante nous fit voir mieux que tout le reste le fossé qui sépare les sociétés occidentales et musulmanes.

Ce récit de voyage s’accompagne de photographies prises par Yannick. Elles sont malheureusement minuscules et en noir et blanc.

Les souvenirs d’Erik L’Homme n’ont pas la précision de carnets de routes écrits au fur et à mesure du voyage. Les années ont passé et le regard qu’il porte sur cette expédition de jeunesse enrichit son récit d’une tristesse nostalgique parfois. Jeunesse enfuie, mais jeunesse vivante et stimulante. S’il restera toujours de ces baroudeurs un peu fous, la jeunesse est aujourd’hui surtout rivée à ses écrans. Que faites-vous jeunes gens de vos vingt ans ? En lisant Des pas dans la neige, je me tourne vers mes jeunes années, loin d’être aussi voyageuses, mais quel bonheur qu’elles aient échappé à l’ogre Internet et au smartphone. Qu’il faisait bon avoir vingt ans au début des années 90 !

Je connaissais Erik L’Homme en tant qu’auteur de l’Imaginaire, c’est un plaisir de le découvrir aventurier.

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Des pas dans la neige

Erik L’Homme
Gallimard (Pôle fiction), 2016 (première édition grand format : 2010)
ISBN : 978-2-07-058552-6 – 206 pages – 5,70 €

14 commentaires sur “Des pas dans la neige d’Erik L’Homme

  1. Très belle critique ! C’est mon titre préféré d’Erik L’Homme C’est un très beau roman d’apprentissage et d’aventures.

    1. Sans ton enthousiasme pour ce livre (communiqué à l’occasion d’un post sur Facebook), je serais passée à côté de ce livre. Merci donc du conseil, c’était un beau moment de lecture.

    1. C’est un beau voyage, dépaysant, dans des contrées dont le mode de vie est tellement éloigné du nôtre… Je sais que je ne voyagerai jamais ainsi pour de vrai, mais le voyage littéraire me plait.

    1. Moi non plus, je l’ai totalement découvert. On pense qu’un écrivain de SF voyage plutôt en imagination dans les étoiles, mais il n’y a rien de plus concret et original que ce périple au contact de la nature sauvage et loin de notre civilisation protectrice.

  2. Je ne connaissais pas ; c’est un récit qui me plaira à coup sûr. Même aujourd’hui, il doit bien exister quelques jeunes qui ont envie de se frotter à ce genre d’aventure.

    1. Oui, il doit sans aucun doute en rester quelques-uns, mais j’ai de plus en plus l’impression qu’un grand nombre d’entre nous s’enferme derrière la bulle internet, et ça fait peur…

  3. En 1990 j’avais … un an autant dire que je suis de la génération Internet et tutti quanti. En tout cas ton article m’a fait voyager et que je rêve d’être loin de cette modernité (non non je n’écris pas sur un écran d’ordinateur ;-)). Je me le note pour mes envies d’ailleurs.

    1. Sans téléphone portable, je lutte contre cette modernité qui voudrait qu’on passe notre temps, toute notre vie, le nez collé à un écran…

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