Béziers 1209 de Jean d’Aillon

Béziers 1209Qui s’est un jour intéressé à l’histoire des cathares connaît la date et le lieu : Béziers 1209, c’est le massacre de la population biterroise alors que débute la croisade contre les Albigeois. C’est aussi la fameuse phrase, jadis attribuée à Simon de Montfort et aujourd’hui à Arnaud Amaury sans qu’on s’accorde vraiment sur sa véracité : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». Pour Jean d’Aillon, c’est l’occasion de poursuivre les aventures d’un de ses héros, Guilhem d’Ussel.

En avril 1208, Guilhem est désormais prévot de l’Hôtel du roi de France, Philippe Auguste. Il est en quelque sorte chargé de la police de la Cour. C’est pourquoi on vient le chercher quand une puterelle est retrouvée éventrée, égorgée et couchée sur l’autel de l’église Saint-Gervais. Aidé de ses deux écuyers Peyre et Gregorio, Guilhem mène son enquête qui le conduit à Gerberoy d’où la victime était originaire. En attendant d’être reçu au château, il est accueilli au moulin mais celui-ci est attaqué pendant la nuit et les habitants massacrés, hormis la maîtresse du lieu faite prisonnière ainsi que Guilhem et ses amis. C’est le début d’une très éprouvante captivité de plusieurs mois, liée à la trop grande influence du prévôt sur le roi : Ussel n’a en effet de cesse de confirmer Philippe Auguste dans son opposition à une croisade contre les hérétiques albigeois.

Guilhem échappera à la mort puisqu’il sera au siège de Béziers plusieurs mois plus tard. En effet, il est aussi seigneur de Lamaguère, fief qu’il tient du comte de Toulouse dont il est donc le vassal. Guilhem se doit de rejoindre ses terres et de venir en aide à ses gens. Car malgré l’hostilité du roi de France, il ne doute pas que bientôt les croisés débouleront en Languedoc et pilleront tout sur leur chemin. Qu’ils soient ribauds ou chevaliers, ils ont en tête de s’enrichir en mettant la main sur les biens d’autrui, hérétiques s’il en est, et autres au passage.  Piller et massacrer y compris femmes et enfants au nom du lucre sous prétexte de Dieu seront les principales activités des croisés. Ainsi pour la première fois, et non la dernière, le pape ordonne à des chrétiens d’en massacrer d’autres. Pauvre Jésus…

C’est avec beaucoup de talent et « de l’intérieur » que Jean d’Aillon fait revivre pour nous ces premiers mois de croisade. Le personnage de Guilhem d’Ussel n’est quasi plus fictif tant il est incarné depuis de nombreux romans et même très incarné et humain aux yeux de ceux qui le découvriraient avec ce volume. Ses tourments d’homme mais aussi de seigneur et de maître puisque c’est ce qu’il est, sa fidélité au roi, sa compréhension envers les cathares font de lui un personnage sensible malgré sa violence et ses vengeances très expéditives. Si j’ai trouvé l’épisode de la captivité et celui de la convalescence trop longs, j’ai vraiment frémi dans les rues de Béziers assiégée. Jean d’Aillon a le génie de l’évocation et l’accumulation de détails donne force et vie à cette geste cruelle et sans merci.

Pour finir, je ne résiste pas à signaler mon impatience en attendant la traduction d’un essai de l’historien britannique Robert I. Moore : Guerre à l’hérésie. Lui et d’autres affirment que les cathares n’ont pas existé et que cette hérésie n’est qu’une invention de l’Église pour justifier le massacre de dissidents. A ma connaissance, bien que plusieurs ouvrages aient déjà été publiés en ce sens en anglais depuis quinze ans, ce sera le premier traduit en français.

Jean d’Aillon sur Tête de lecture

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Béziers 1209

Jean d’Aillon
Flammarion, 2016
ISBN : 978-2-0813-7518-5 – 523 pages – 22 €

14 commentaires sur “Béziers 1209 de Jean d’Aillon

    1. Le sujet est complexe et il faut faire attention aux mots qu’on emploie, mais globalement, les débats promettent d’être passionnants au moment de la sortie du livre !

  1. J’ai vu qu’une émission de la fabrique de l’histoire (?) était consacré à la thèse de Moore… je vais essayer de trouver le temps d’écouter… apparemment elle manque un peu de subtilité mais ce sera certainement intéressant… et sinon figure toi bien que je ne connais pas Guilhem, ça a l’air mal pour quelqu’un qui aime des roman historique d’amour et les belles années 1200 tout autant (en fait j’aime tout le moyen-âge mais colle d’après LeGoff ça va jusqu’aux ci-devants temps moderne, ça fait quand même une sacrée variété de périodes 😀

    1. Oui, c’est bien à la Fabrique de l’Histoire que Moore était invité il y a peu. En raison d’un numéro spécial du magazine L’Histoire qui consacre un dossier aux cathares. Et moi blasée qui m’étais dit : celui-là, je ne vais pas l’acheter, on a vraiment tout dit sur les cathares… Ben non ! Suite à l’émission, j’ai filé l’acheter, il y a d’autres historiens qui s’y expriment : c’est très intéressant.

  2. on lit avec effarement tous ces massacres au nom de Dieu, quelque soit ce Dieu on est sûr d’une chose il n’y est sûrement pour pas grand chose. en revanche, la violence et l’appât du gain qualités humaine bien connues a sûrement plus de chance d’être aux manettes dans ces tueries. Je garde ce livre dans ma liste pour des jours plus ensoleillés.

    1. Bien que le roman soit moderne, c’est intéressant d’essayer de comprendre les points de vue des uns et des autres à travers ce genre de roman, sans caricature. C’est difficile d’imaginer aujourd’hui une société totalement ordonnée par l’Eglise et les romans historiques nous y aident.

  3. Que la notion ait été façonnée par l’église pour éliminer des concurrents potentiels n’est pas nouveau, tout monothéisme qui se respecte pratique ainsi. Les protestants étaient des hérétiques avant d’avoir pignon sur rue. Mais comme c’est par amour….

    1. Moi, je n’avais jamais entendu déclarer aussi clairement que les cathares n’ont pas existé. Bien sûr, c’est une affirmation choc pour attirer l’attention sur une attitude de l’Église qui n’est pas une découverte, mais les conséquences de cette affirmation vont faire grincer des dents…

  4. J’ai découvert les Cathares il y a une dizaine d’années, lors de vacances dans le Sud (où j’ai pu visiter certains des châteaux dits ‘cathares’). C’est un sujet passionnant mais j’ignorai que certains historiens revenaient sur leur existence …

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