1998 : Tony Sandoval décide de rejoindre sa petite amie Suzy mais une frontière les sépare et quelle frontière ! Elle vit à Portland et lui dans un petit village du Mexique. Il est employé dans une imprimerie, gagne sa vie mais pas assez pour obtenir un visa pour les États-Unis. Il rêve pourtant depuis toujours de devenir dessinateur professionnel aux States et de serrer la main des plus grands auteurs de comics. Pour le jeune Tony Sandoval, s’installer aux États-Unis, c’est s’offrir un avenir. Après un énième refus, il décide de passer la frontière illégalement : à Suzy, il donne rendez-vous à Phoenix.
Grâce à un passeur et pour cent dollars, il franchit un simple grillage et… tombe dans les bras de la patrouille. Il est arrêté, interrogé, reconduit au Mexique sans violence. Pour la police locale, c’est la routine, mais voilà Tony fiché. Une deuxième tentative quelques jours plus tard se termine de la même façon.
Dans la ville-frontière de Nogales, il rencontre bien d’autres clandestins venus parfois de très loin. Là, un coyote lui propose la traversée pour six cents dollars qu’il n’a pas mais que sa fiancée promet de payer. La nuit dans le désert, lui et les autres clandestins de son groupe sont attaqués par des pirates qui les rançonnent et violent la femme qui voyage avec eux. Ils arrivent aux États-Unis et doivent échapper à la patrouille, aux chiens, aux hélicoptères.
Avec Rendez-vous à Phoenix, on est bien loin des terribles récits de migrants mourant en traversant la frontière. Sandoval a eu de la chance, peut-être liée à sa naïveté face aux dangers encourus. Il n’est ni victime ni héros, juste un type comme des milliers d’autres qui veulent un avenir. Et lui en plus est amoureux, ce qui le rend d’emblée très sympathique. Côté passeurs et police, rien de dramatique non plus : chacun fait son boulot en quelque sorte. Cette simplicité du récit témoigne de son authenticité.
Le trait assez naïf renforce cette impression de vécu. Sandoval se dessine en petit maigrichon à cheveux longs et gros nez (il y a quelque chose de Larcenet en lui…) tandis que certains personnages ont de véritables tronches de comics.
Alors qu’on connaissait Tony Sandoval pour ses univers oniriques voire fantastiques et morbides, il propose ici une bande dessinée très réaliste. Malgré la gravité du sujet, les scènes les plus dures ne sont pas montrées (le viol, le trafic de drogue…) et les personnages restent globalement optimistes. Le vrai danger apparait aux États-Unis, dans la banlieue de Phoenix où ceux qui font la loi dans la rue sont hostiles aux nouveaux arrivants. On imagine que l’intégration ne se fait pas facilement de ce côté-là non plus.
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Rendez-vous à Phoenix
Tony Sandoval traduit de l’espagnol par Julie Rossini
Paquet, 2016
ISBN : 978-2-88890-768-8 – 72 pages – 18 €
Il y a pas mal de bd maintenant qui retracent la vie ou une partie de la vie de l’auteur 🙂 leur vie est un roman 🙂
Oui, mais je dirais plutôt qu’il savent tirer de leurs vies, minuscules comme les nôtres, des instants riches en émotions au point d’en devenir sources d’inspiration : c’est un grand talent !
Je connais moi aussi Tony Sandoval pour ses univers oniriques, du coup tu m’intrigues !
Peut-être as-tu lu Le cadavre et le sofa : que cette BD est bizarre !
Intéressant… J’ai aussi pensé tout de suite à Larcenet en voyant les quelques dessins.
Je relis parfois quelques cases du Retour à la terre : j’aime vraiment beaucoup cette série.
Le dessin est assez gore. Trop pour moi.
Oh non, ce n’est pas gore, il est juste un peu effrayant comme personnage…
Voilà une BD qui pourra me plaire, autant par les dessins que par l’histoire. Je note
J’avais déjà lu des histoires de passages de la frontière mexicaine, mais jamais en BD, et pas souvenir non plus d’un texte autobiographique. C’est en effet intéressant.