On connaît Armistead Maupin pour ses célèbres Chroniques de San Francisco : sex, drug and rock’n’roll. C’est drôle, enlevé, mais aussi critique et très bien raconté. On sait par ailleurs deux ou trois choses à travers les médias sur cet auteur homosexuel revendiqué, mais pas tout. Et dans Mon autre famille on en apprend beaucoup, grâce à de multiples anecdotes dans le ton des Chroniques, beaucoup mais pas tout.
Armistead Maupin est issu d’une famille très conservatrice du sud des États-Unis, raciste, ségrégationniste, séparatiste pourquoi pas. Le père vitupère contre les gauchistes, les pacifistes et autres enfants de la libérations des mœurs. C’est une caricature à lui tout seul, son portrait n’est tempéré que par l’amour que lui porte son fils. Car Armistead aime son père et fait tout pour lui plaire, jusqu’à s’engager dans l’armée et partir pour le Vietnam. Il sent pourtant bien qu’il n’est pas le fils qu’il faut à son père, qu’il porte en lui des penchants qui ne vont pas, mais pas du tout plaire à papa.
C’est ce que nous fait comprendre l’Armistead Maupin d’aujourd’hui, avec l’humour qu’on lui connaît. A maintes reprises il souligne le fait qu’il s’est toujours senti différent et se livre avec beaucoup d’ironie à la clairvoyance rétrospective. Faut-il le croire ou simplement sourire ? Quoi qu’il en soit on le comprend quand il affirme aujourd’hui ne pas apprécier celui qu’il fut :
Quand le conseil des étudiants appela au boycott des restaurants et motels locaux pratiquant encore la ségrégation, je proposai une motion opposée défendant ces établissements au nom de la liberté d’entreprise qui leur permettait de gérer leurs affaires à leur guise. C’est exactement le genre d’arguments qu’on entend aujourd’hui quand des pâtissiers refusent de confectionner des gâteaux pour les mariages gays.
Cette autobiographie n’est pas exhaustive. Armistead Maupin choisit de ne pas raconter certains épisodes terribles de sa vie, notamment ceux liés à l’épidémie de sida. Il est par contre question de l’assassinat de Harvey Milk et de sa rencontre avec Rock Hudson. Il n’est clairement pas question de tout raconter, mais de dresser un portrait, proche de celui que les lecteurs attendent, d’un Armistead Maupin définitivement cool et drôle.
Il faut lui laisser [au public] suffisamment entrevoir la vérité pour qu’il vous croie.
Sélection donc, qui laisse une large place aux Chroniques de San Francisco elles-mêmes : comment elles sont nées, comment elles ont évolué et les diverses réticences ou enthousiasmes rencontrés par ses personnages à la sexualité en marge : même à San Francisco dans les années 70, on n’était pas prêt à voir surgir un homosexuel ou une transsexuelle à chaque détour de page.
Ce lieu pourtant fut pour Armistead Maupin celui de l’épanouissement. C’est là qu’il a rencontré son autre famille, sa logical family comme dit le titre original, celle accueillante et tolérante qui lui a ouvert les bras (et les bars…). Il n’était dès lors plus question d’être quelqu’un d’autre, il était temps de s’affirmer, en essayant de ne pas blesser les siens malgré tout.
Mon autre famille se termine sur la lettre (publique) qu’Armistead adressa à sa mère et que Michael Tolliver, héros des Chroniques reprit à son compte. Elle est magnifique et a déjà fait pleurer bien du monde…
Je devine ce que tu dois penser en ce moment. Tu te demandes : qu’avons-nous fait de mal ? Comment avons-nous pu laisser ça arriver ? A qui de nous deux la faute s’il est comme ça
Je ne peux pas répondre à cette question, Maman. Au fond, je crois que je n’en ai vraiment rien à faire. Je sais seulement une chose : si toi et papa êtes responsables de ce que je suis, alors je vous remercie du fond du cœur, parce que c’est la joie et la lumière de ma vie.
Armistead Maupin sur Tête de lecture
Mon autre famille
Armistead Maupin traduit de l’anglais par Marc Amfreville
L’Olivier, 2018
ISBN : 978-2-8236-1236-3 – 347 pages- 22 €
Logical Family, parution aux États-Unis : 2017
Ah ces fameuses chroniques! Ce pourrait être bien de les compléter par cette lecture.
On a ainsi le making of, pour les fans (ne l’est-on pas quand on commence à les lire ?), c’est un grand plaisir d’en découvrir la fabrication. Et d’en découvrir un peu plus sur l’auteur, même si je pense qu’il se met pas mal en scène.
Alors, à ton avis, on peut s’attendre à un second tome ?
J’ai eu un goût de trop peu, moi. D’autant qu’il lui reste quasiment 40 autres années de sa vie à partager avec ses lecteurs….
Hum, pas sûre… Je ne lui ai pas posé la question lors du débat, mais je ne pense pas qu’il ait l’intention d’être exhaustif… c’est vrai qu’on voudrait en savoir encore plus…
J’ai aimé les Chroniques et je compte bien lire ce livre pour en apprendre un peu plus.
Un excellent souvenir ces Chroniques de San Francisco, un bon moyen pour avoir l’impression d’y replonger. Je ne savais même pas qu’il avait sorti un nouveau livre.
Je l’ai entendu ces jours-ci, chez Trapenard je crois ; j’ai tellement aimé les Chroniques que je ne demande qu’à le découvrir davantage avec celui-ci.
Ah, je regrette mais je n’ai pas pu aller te voir l’interviewer…..J’ai lu son livre ce week-end à St Malo et l’ai trouvé sympathique mais sans plus. Par contre l’auteur, lui, est très sympathique (je l’ai vu au café littéraire…. et dans les rues de St Malo)
Tu m’as manqué ! J’espère que tu as pu assister par ailleurs aux conférences que tu souhaitais et que tu as profité du généreux beau temps (pour ma part, je me suis baignée avant de partir…).
Une très belle lettre, en effet.
Je n’ai jamais rien lu de cet auteur et je crois qu’il est temps !
Je n’ai lu qu’un volume des Chroniques et aussi Une voix dans la nuit. C’est un auteur sympa. Pourquoi pas lire ce titre si je le trouve à la bibli.
J’avais adoré les Chroniques, lues il y a longtemps alors tu me mets l’eau à la bouche. Et qu’est-ce que je regrette de ne pouvoir me déplacer (sans matériel encombrant), ce serait un grand plaisir de t’écouter…
J’ai écouté à Saint-Malo un enregistrement d’émission de radio avec Armistead Maupin, et comme Cathe, l’ai croisé à plusieurs reprises. (c’est drôle, il y avait ceux qu’on voyait partout et les autres… ) Mais je digresse : amatrice des Chroniques durant au moins 5 tomes, mais je n’ai pas lu les dernières publications, alors je me tâte… 😉
(Tu t’es baignée ??!! Brrrr… )
j’en ai beaucoup entendu parler (alors que je le croyais mort, honte à moi!!!) et je suis très tentée, tu confirmes!