Si vous avez visité Rome, vous n’avez certainement pas « fait le zoo ». Il y en a tant d’autres dans le monde, pourquoi visiter le zoo de Rome ? C’est pourtant de ce lieu vieux de plus de cent ans que Pascal Janovjak nous raconte l’histoire, faite de hauts et de bas suivant les intérêts de ceux qui le dirigent ou en tirent profit. Jamais suivant ceux des animaux.
Au début du XXe siècle, il faut avoir un zoo parce que toutes les grandes villes en ont un. On fait venir des animaux de partout, ils en constitueront en quelque sorte le décor. On montre sa puissance coloniale à travers ceux qu’on expose, êtres humains compris. Au final, quelle différence entre les phoques et les Inuits… les hommes font couleur locale. Car le visiteur, hier comme aujourd’hui, veut de l’insolite, de l’exotisme, voir de près ce qui est loin, être de ceux qui ont vu l’autruche, le lion, le panda… dans quel état ? Ce n’est que rarement préciser par les visiteurs.
Pour faire plaisir aux foules, on reconstitue visuellement l’habitat supposé des animaux. Mais les rochers sont creux et en béton, la végétation aberrante et les oiseaux ne couvent pas leurs oeufs. Ils n’en pondent pas d’ailleurs. Certains animaux développent des symptômes évidents de stress, mais il faut plaire au public et faire de l’argent. Racontant en parallèle l’ouverture du zoo (concepteur allemand, constructeur suisse, pouvoirs publics italiens) et la recherche d’une nouvelle rentabilité aujourd’hui grâce à l’embauche d’une directrice de la communication, Pascal Janovjak souligne la constance des problèmes et l’énormité des contradictions.
Sur le papier tout va plutôt bien, ça se complique au moment de reporter les tracés dans la terre et dans le dur. On ne se comprend pas toujours, il y a des murs qui partent de travers, des fossés qui coupent des allées, le pavillon des orangs-outans qui grimpe de guingois, la maison des reptiles percée de fenêtres qui ne devraient pas y être. Les Italiens en viennent à douter du bon sens des Allemands, les Allemands en viennent à douter des interprètes, on s’engueule, on jette son chapeau par terre, on brandit des plans contradictoires – et puis on finit par les tourner dans le bon sens et tout s’arrange, ou presque. On peaufine. On dessine l’érosion des siècles sur des rochers pas encore secs, on ajoute quelques cases somaliennes pour les bisons d’Amérique, un décor indien pour les cervidés, on n’a plus le temps de chipoter. Il reste un petit coin, là, pour les ours bruns et les meutes de loups, un peu serré, ça ira.
Pascal Janovjak n’accuse pas, il constate. Il constate qu’au début du XXe siècle, il est naturel d’exposer des êtres humains dans des cages au même titre que des animaux. Qu’il est aujourd’hui légitime de se déplacer en famille pour voir des animaux mourir lentement d’ennui et de neurasthénie. Que le bien être animal n’est jamais une préoccupation majeure. Que les choses évoluent, sous la pression sociale et médiatique, non par vertu.
Le zoo de Rome met en scène le désir des gens de voir des animaux en voie de disparition. Besoin macabre ? Constat de puissance ? Les espèces s’éteignent, l’être humain pullule. Il se presse au zoo de Beauval pour voir les pandas. Pourquoi ? Désir de ruines ? Voir ce qui ne sera bientôt plus ? On vient voir un authentique panda ou le dernier tamandin (sorte de fourmilier inventé par Janovjak) au royaume du toc, dans un lieu par excellence superficiel. Pourquoi ce désir d’asservir et domestiquer ? Pourquoi les delphinariums ? Si d’aventure vous touristez en Dordogne, visitez la réserve zoologique de Calviac, près de Sarlat, respectueuse des animaux qu’elle abrite.
Heureusement, Le zoo de Rome est avant tout roman. Il y est question d’hommes et de femmes, on suit une histoire d’amour et le destin de quelques gardiens. La tonalité majoritairement crépusculaire est éclairée d’un humour tout à fait réjouissant. Ce faisant, il réussit là où a échoué Stéphane Audeguy avec son Histoire du lion Personne.
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Le zoo de Rome
Pascal Janovjak
Actes Sud, 2019
ISBN : 978-2-330-12082-5 – 249 pages – 19.80 €
Ah tiens ça m’intéresse. Depuis ma balade en Afrique du sud (et les grands espaces) je n’ai plus trop envie d’aller à Beauval.
Je n’y suis jamais allée, je n’ai jamais apprécié les zoos, aussi la réserve de Calviac m’a-t-elle vraiment surprise…
en effet, une semaine à Rome, mais pas de visite au zoo! ça m’intéresse!
Moi qui ai horreur des zoos, ce livre n’est pas pour moi.
Si peut-être, justement…
Le thème semble pour le moins original, je suis allée trois fois à Rome et jamais au zoo… Intriguée, une fois de plus… 😉
Voilà qui m’intéresse bien. Il fut une époque où je ne résistais pas aux zoos mais plus depuis plusieurs années. Une petite prise de conscience… Dernièrement, j’ai vu une émission où l’on montrait différents zoos dans le monde soucieux de voir certains de leurs animaux rares se reproduire pour perpétuer l’espèce et j’étais juste horrifiée en voyant qu’ils faisaient tout pour faire naître des animaux en captivité et s’en réjouissaient même quand ils y parvenaient, de la même façon qu’on se réjouit de voir son bien fructifier…
Je ne sais pas quelles étaient les intentions de l’auteur, peut-être ai-je lu ce livre avec mes lunettes déformantes du bien être animal mais il me semble clair qu’il souligne que les animaux ne sont pas la préoccupation majeure des zoos et autres parcs animaliers, ce qui est tout de même très paradoxal…
Je ne sais pas de quels zoos il était question dans ton reportage, mais certains font cela avec pour objectif final la réintroduction dans la nature…il y a avait la semaine dernière une émission de La tête au carré sur Inter qui en parlait je crois.
Original un livre sur un zoo. Je viens de terminer Cannibales où des Canaques étaient mis en scène comme des animaux dans un zoo
Un excellent roman, très éprouvant…
Il ne faut pas négliger l’envie de magie. Parmi les visiteurs de zoo, il y en a beaucoup qui sont critiques et conscients d’un certain nombre de problèmes, ça ne les empêche nullement de lâcher des Wahou devant un bout de poil ou de plumes. C’est un esprit positif, mais qu’il faudrait en effet pouvoir rediriger vers autre chose. Je ne pense pas qu’asséner à tous les visiteurs qu’ils asservissent les animaux soit suffisant si on n’a rien à proposer pour répondre à leur curiosité, leur envie de voir ces animaux en vrai, de s’émerveiller 2 heures dans l’année… Au moins, le zoo est une institution qui est promise à encore pas mal d’évolution et de changements avec tout ça !
Pourquoi cette curiosité devrait-elle être assouvie ? Pourquoi plier et contraindre les gens, les animaux, la planète pour répondre à la curiosité, à l’envie ? Est-ce vital, indispensable ? S’émerveiller oui mais à quel prix ? Pourquoi ne pas expliquer aux enfants qu’il existe sur Terre tel ou tel endroit où tel ou tel animal vit en harmonie avec son milieu, celui qui lui convient et qui n’est pas le nôtre car le monde est vaste et varié ? Il faudrait accepter de ne pas pouvoir, de ne pas voir, de ne pas avoir…