Histoire du lion Personne de Stéphane Audeguy

Histoire du lion PersonneC’est l’histoire d’un lionceau orphelin qui a bien de la chance : il vient de perdre sa maman mais un gentil garçon noir, Yacine, orphelin lui aussi, l’adopte. Il l’appellera Personne. Yacine a été élevé par un bon père blanc qui lui a appris à aimer les littératures grecque et latine et il connaît son Homère sur le bout des doigts (Ah les bienfaits de la colonisation !). C’est bien pour ça qu’il s’en va à la ville, bardé de recommandations. A Saint-Louis du Sénégal, il entre au service du bon Pelletan, blanc abolitionniste et humaniste. Et me croirez-vous ? Quand il arrive en France, c’est encore un gentil Blanc qui permet à Personne de survivre dans la tourmente révolutionnaire.
Scénario pour Walt Disney ? Non, c’est Histoire du lion Personne qui nous dit-on est un roman sur la condition animale.

C’est un conte, soit, une fable animalière mais basée sur des faits réels puisque ce lion Personne a bel et bien existé. Ce qui apparaît clairement c’est que cet animal sauvage n’aurait jamais survécu sans l’Homme. Il serait mort si Yacine ne l’avait pas découvert, si Pelletan ne l’avait pas défendu puis envoyé en France. Là, il doit sa survie aux bons soins d’un certain Jean Dubois et de quelques savants humanistes largement cités dans le roman.

Personne a un ami chien, Hercule. Ensemble, ils composent un attendrissant tableau : ils se mordillent les oreilles, se montent dessus, jouent ensemble, comme c’est mignon…. Quand on essaie de les abandonner dans la savane pour qu’ils retournent à l’état sauvage, c’est bien sûr ensemble qu’ils s’en sortent. Rox et Rouky ? Non : Histoire du lion Personne.

Voir ma bibliographie (non exhaustive) sur la condition animale et les droits des animaux

Ce que Stéphane Audeguy met en évidence, c’est la dépendance de l’animal.

Ce lion aurait dû rester dans sa savane et mourir, faute d’une mère pour subvenir à ses besoins. Il doit sa survie aux hommes et l’auteur semble au final trouver ça pas si mal : Personne n’a pas été malheureux. Il a juste servi de jouet pendant toute sa vie, avec plaisir semble-t-il.

Marie s’empara entièrement de Personne et ce, dès le premier instant de leur rencontre. Elle en fit sa poupée, peignant parfois sa crinière en arrière, pour lui faire des tresses, parfois lui posant de grosses papillotes, afin de le friser. Elle l’épuçait également une fois par semaine, avec le dévouement d’une mère. Marie sentait le frais, la guimauve et l’enfance : les narines de Personne frémissaient à son approche.

Si les narines de Personne frémissent à l’approche de la gamine de sept ans, ce n’est bien sûr pas parce qu’il souhaite en faire son déjeuner, mais parce qu’il apprécie ses attentions semble nous dire Stéphane Audeguy. Ce qui est tout de même assez surprenant… On aura compris que l’auteur pense à la place du lion, ce qui me laisse également grandement dubitative :

Si les souvenirs de Personne avaient toujours été imprécis, et comme baignés dans un brouillard laiteux, c’était qu’un langage lui manquait pour fixer ses joies et ses peines : toute forme de remembrance précise lui était interdite. Aussi l’absence demeura-t-elle pour lui une souffrance constante, que chacun de ses réveils, jour après jour, ravivait : un enfer.

J’avoue que la psychologie humaine appliquée aux animaux de compagnie au quotidien me fait rire, mais dans un roman qui se préoccupe de condition animale je trouve ça assez étrange. Un lion est-il triste, ressent-il la solitude, le mal du pays ? Interpréter ses actes à l’aune de nos propres réactions me paraît au mieux hasardeux.

Ceci dit, il est bien possible que je n’ai rien compris à ce roman couvert d’éloges sur le net et lauréat du prix Wepler 2016, « qui récompense une prise de risque romanesque et un style exigeant ». Je n’ai pas vu de prise de risque dans cette narration linéaire guidée par le bon sentiment, ni de style exigeant dans cette prose plutôt académique et agréable à lire.

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Histoire du lion Personne

Stéphane Audeguy
Seuil, 2016
ISBN : 978-2-02-133178-3 – 216 pages – 17 €

9 commentaires sur “Histoire du lion Personne de Stéphane Audeguy

  1. Ha oui, je comprends ce qui t’a dérangée ! Je pense que j’aurais moi aussi été gênée. Je ne supporte déjà pas de voir des gens qui adoptent des animaux sauvages… soi-disant pour leur bien-être. L’homme aime bien tout expliquer et tout comprendre avec sa propre expérience, ça évite de devoir se placer à la hauteur des animaux, ses inférieurs, ben oui…

    1. C’est ce que fait très intelligemment Vincent Message dans son dernier roman : il met les hommes à la place des animaux, et pour le lecteur, ce point de vue est absolument redoutable et terriblement efficace.

    1. Oui, j’en ai entendu parler via le livre de Martin Page, végane lui aussi. Quand on aime faire des découvertes en cuisine, il y a de quoi prendre chez les véganes 😉

  2. C’est fou comment, selon le point de vu qu’on adopte, on ne voit pas du tout un livre de la même façon. J’ai plus vu cela comme du La Fontaine que comme une anthropomorphisation. J’en ai donc fait un commentaire plus dithyrambique. Tant mieux cela laisse le choix aux lecteurs.

    1. En effet. J’ai eu l’occasion de discuter avec des lecteurs qui comme toi étaient entrés dans le procédé littéraire proposé et avaient aimé ce roman. Pour moi, il m’a bloquée dès les premières pages et je suis restée définitivement à l’extérieur, de plus en plus agacée au fil de la lecture…

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