

La dernière fois que vous avez lu un roman qui vous a saisi dès les premières lignes, c’était quand ? Pour ma part, c’était le week-end dernier : Protocole gouvernante m’a tout de suite étonnée pour ensuite m’intriguer puis me faire espérer une fin à la hauteur des attentes suscitées. C’est un premier roman qui parie sur une narration très originale et une intrigue… qu’il ne faut pas trop dévoiler.
Vous irez sonner chez eux un mercredi. Au mois de mai. Vous serez bien habillée, avec ce qu’il faut de sérieux dans votre manière d’être peignée. Vous ressentirez un léger picotement dans le bout de vos doigts. Il vous faudra tourner la tête et projeter votre regard sur le voisinage pour recouvrer votre calme. Ce qui finira par survenir, à la vue des pelouses bien tondues et du soleil qui dessine les contours de chaque chose.
Le protocole du titre, c’est ce qu’on lit : une suite très froide de choses à faire, de mots à dire. Il s’adresse à une jeune femme dont on ne connaît pas le nom, qui arrive dans une famille aisée pour devenir la gouvernante d’Elena, la petite dernière âgée de neuf ans. Elle sera hébergée. Tout, absolument tout est prévu, y compris les réactions des divers protagonistes.
Ce qui étonne d’abord, c’est le choix du « vous » et du futur. Ça rappelle bien sûr La Modification de Michel Butor, merveille de technique narrative. Mais ça place aussi la barre très haut : comment intéresser le lecteur avec cette liste d’instructions d’une grande froideur ? Impossible de s’attacher à ladite gouvernante puisqu’on ne sait pas ce qu’elle pense. Idem pour les employeurs et leurs enfants. Le lecteur ignore qui est la gouvernante et qu’elle est sa mission. Il la suit pas à pas, doute après doute, et chaque question qu’il se pose est une victoire pour Guillaume Lavenant.
Pourquoi la gouvernante arrose-t-elle le seuil de la porte ? Pourquoi séduit-elle son employeur ? Quel est ce mystérieux album qu’elle lit à Elena soir après soir ? Qui sont Lewis, Strand et les autres personnages évoqués par le protocole et qui semblent avoir organisé toute l’affaire ? Mystère, mystère, de plus en plus opaque…
Ce primo romancier ne fait pas que tisser une intrigue toujours plus inquiétante : il maîtrise à la perfection les niveaux narratifs. Car il y a une intrigue dans l’intrigue de Protocole gouvernante. L’employeuse suit une série télé intitulée Leslie Jones. Bientôt, la gouvernante est invitée à la regarder aussi. Et c’est avec une grande dextérité que Guillaume Lavenant mêle la description des deux femmes regardant la télé et le déroulement des épisodes. Les parallèles se font sans qu’on s’interroge sur qui fait quoi tout en poussant le lecteur à se demander pourquoi, comme les deux femmes, il est accro à un récit.
Très vite, dès ce premier baiser dans la voiture, vous voudrez savoir comment tout cela va finir. Car, dans le fond, vous sentirez bien, aux mines sombres, aux non-dits pesants, que les problème s’accumulent. Habilement, le scénario en dévoilera peu, mais tout sera à venir, comme une avalanche sur le point de se décrocher de la paroi. D’ailleurs la dernière scène en dira long : Leslie, arrivant très tard chez elle, se rendra compte que sa fille a dévasté sa chambre alors que la baby-sitter s’est endormie devant la télévision.
Voilà donc la gouvernante de la série, en charge de la bonne organisation du foyer, à l’origine du chaos chez Leslie Jones. Un caillou de plus semé là pour que le lecteur de Protocole gouvernante imagine une fin de roman quasi apocalyptique. Elle ne le sera pas mais elle est étrange. Je n’arrive pas encore à savoir si elle me plaît, mais je pense que ce n’est pas le plus important. Car ce qui compte ce n’est pas la destination mais bien le voyage. Et c’est à un voyage inhabituel et intrigant que nous invite Protocole gouvernante, exercice littéraire maîtrisé. L’intrigue mystérieuse pousse à la lecture mais c’est in fine pour le style qu’il faut absolument le lire.
.
Protocole gouvernante
Guillaume Lavenant
Rivages, 2019
ISBN : 978-2-7436-4814-5 – 176 pages – 18.50 €
Woaw, vraiment très très intriguant, tout le style, l’intrigue, ton billet! Comment résister après ça!
Je l’ai vu à la bibliothèque hier et je l’ai laissé filé .. pas grave ce sera pour la prochaine fois.
Déjà repéré sur la blogosphère, tu me convaincs définitivement. Je dois passer bientôt chez le libraire…
100% d’accord avec toi ! 🙂
Deux bonnes raisons de lire ce roman, alors.
J’ai lu ton post en diagonale parce que c’est ma prochaine lecture, mais je note tes coeurs !
Ah oui, je l’avais repéré et noté celui-là cet été quand on parlait des livres de la rentrée. Le sujet et le résumé me parlaient déjà beaucoup et là ton billet confirme que ça devrait vraiment me plaire !
Oh chouette chouette chouette ! Décidément, la veine « gouvernante et enfants » est inépuisable pour des romans brillants, qui mettent mal à l’aise !
Lu d’autres avis beaucoup moins fort que le tien. Malheureusement, il n’est pas à la bib et je n’ai pas envie de l’acheter. Peut-être le trouverai-je un jour sur ma route, alors, je le lirai
J’ai vu des avis négatifs et ça ne m’a pas donné envie de le lire… Comme j’ai plein de romans dans ma PAL, ce n’est pas très grave 🙂