« Le proverbe du vilain nous enseigne que chose qu’on dédaigne vaut souvent mieux qu’on ne le pense. » Cette citation de Chrétien de Troyes mise en exergue à ce roman reflète exactement ma démarche, inspirée par la (bonne) volonté de comprendre. Á l’instar de Romain Sardou ou Guillaume Muso, David Camus fait partie de ces « petits jeunes » qui marchent du tonnerre, qui vendent des milliers de livres dès leur premier essai tout en restant méprisés d’un bon nombre de personnes. Je suis tombée sur David Camus, j’aurais pu en choisir un autre, mais bon, celui-là est le petit-fils du grand Albert, ça vaut le coup de s’y arrêter, non ?
Eh bien non… Et je m’en vais vous expliquer pourquoi, à mon humble avis bien sûr.
Tout d’abord, sachez que si ce livre est le second tome d’un cycle intitulé Le Roman de la Croix, l’éditeur précise que « chaque volume peut être lu indépendamment des autres. Et dans n’importe quel ordre ». Ça tombe bien, je n’avais pas l’intention de lire le premier, Les Chevaliers du Royaume.
Au début de cet épais roman, l’histoire de Morgennes nous est contée à la première personne par un certain Chrétien de Troyes, trouvère de son état. Il a bien connu Morgennes, avant même que lui-même ne soit connu et reconnu. Tout commence par la naissance de notre héros, comme il se doit. Et comme Morgennes est un être exceptionnel, il ne peut pas naître comme tout le monde. Alors que sa mère est prise de douleurs, on se rend compte qu’elle porte deux enfants mais qu’un seul pourra passer. Que fait le rebouteux ? Il découpe en morceaux l’un des bébés, à même la matrice et sans césarienne… qu’on m’explique, je ne visualise pas bien l’opération. Mais bon, Morgennes voit le jour, les parents sont heureux, une petite sœur naît (je vous le fais court) et un jour, ils sont tous massacrés par de méchants Templiers en chemin pour Jérusalem, car si le père est chrétien, la mère est juive. Je vous le donne en mille : Morgennes, unique survivant, jure de se venger.
Il rencontre Chrétien de Troyes et tous deux vont rouler leur bosse sur bien des chemins. Je vous le fais court à nouveau : Saint-Pierre de Beauvais où Morgennes entre dans les ordres, Constantinople, Jérusalem, Le Caire… Morgennes se fait acteur avec la troupe du Dragon blanc mais voudrait devenir chevalier. Amaury lui promet l’adoubement s’il parvient à tuer un vrai dragon, et voici notre héros parti à la recherche du royaume du prêtre Jean où, dit-on, on rencontre encore les derniers spécimens de ces créatures mythiques. Il ne croise que du beau monde sur sa route notre héros : Amaury, roi de Jérusalem, Manuel Comnène, empereur des Grecs, basileus de Constantinople, Nur al-Din, sultan de Damas, Saladin, et le petit Poucet devenu grand et supérieur de l’abbaye Saint-Pierre de Beauvais…
On perd Chrétien de Troyes de vue à plusieurs reprises et le récit passe à la troisième personne, tandis que mon attention s’envole au fur et à mesure des tractations entre tous ces grands qui se disputent Jérusalem, l’Égypte…etc. Un petit regain d’intérêt quand Morgennes doit délivrer Guyane, la fille d’Aliénor d’Aquitaine et de Chirkouk le Borgne, puis j’arrête tout page 425, accablée, mais pas mécontente d’être arrivée jusque là.
Alors qu’y a-t-il de si terrible là-dedans ? Du ridicule et de l’incohérence. Exemple : Morgennes a une mémoire hors du commun, « en vérité, elle était si extraordinaire qu’il arrivait à reconnaître dans la rotondité d’un strato-cumulus l’enfant d’un cumulo-nimbus passé l’année précédente »… Encore pire : Morgennes, n’écoutant que son courage, affronte à lui tout seul les troupes de Nur al-Din pour permettre aux Templiers d’intervenir : « la foudre en tombant n’aurait pas causé plus de surprise que Morgennes lorsqu’il s’abattit sur les premières tentes du campement. Poussant sa monture jusqu’à ses dernières limites, il s’en fit une arme »…etc. puis quelques pages plus loin, le même Morgennes affirme au puissant mégaduc (sic) Coloman : « Mais je ne suis jamais monté à cheval ! ». Ils sont combien chez Robert Laffont à relire les manuscrits ???
Que dire, que penser ? Que c’est une expérience qu’il fallait tenter et que je sais aujourd’hui personnellement que tout ça, c’est du vent, un ensemble de recettes, de thèmes dans l’air du temps qu’on met dans un saladier jusqu’à en faire un brouet insipide qu’on assaisonne d’épices (un nom connu, une belle couverture) pour en masquer l’odeur. Ce que je ne comprends toujours pas, c’est comment il peut s’en vendre autant…
Morgennes
David Camus
Robert Laffont, 2008
ISBN : 978-2-221-10482-8 – 584 pages – 21 €