Un bonheur de rencontre de Ian McEwan

Un bohneur de rencontreAyant bien apprécié Délire d’amour et Expiation de Ian McEwan, j’ai décidé de « remonter » son œuvre. Le jardin de ciment, m’a déjà laissé une drôle d’impression. Qui se confirme avec Un bonheur de rencontre, titre ô combien ironique.

Ma première impression a été l’ennui. Mary et Colin n’en finissent pas de se perdre dans Venise (jamais nommée d’ailleurs, pourquoi ?) où ils passent trois semaines de vacances désenchantées. Ils se connaissent trop, le couple s’ennuie et moi aussi. « Cela avait cessé d’être une grande passion. Ses plaisirs résidaient dans une amitié dépourvue d’urgence, dans la familiarité de ses rites et de ses processus, dans la sûreté et la précision avec lesquelles les membres et les corps s’adaptaient les uns aux autres, confortablement, comme un moulage retournant au moule » : la routine. Ils ne font rien de leurs journées, c’est tout juste s’ils apprécient la ville (« On se croirait en prison ici »). Jusqu’au soir où ils se perdent au point de ne plus pouvoir rentrer. Ils rencontrent alors Robert qui les entraîne dans un bar dont il est propriétaire et leur inflige le récit de son enfance et de la façon dont il a rencontré sa femme, Caroline. Rien de bien passionnant. Il finit par les inviter chez lui pour la nuit. Ils rencontrent alors Caroline, femme étrange qui semble beaucoup souffrir en se déplaçant et s’intéresser aux relations entre Mary et Colin.
Après une soirée tout sauf décontractée, Mary et Colin s’en retournent à leur hôtel et, surprise, éprouvent un regain d’attirance l’un envers l’autre.

Cette idée les émoustilla. Sans perdre de temps à s’essuyer ni même à fermer le robinet, ils coururent jusqu’au lit pour l’examiner en détail. Ils se prirent à chuchoter à l’oreille l’un de l’autre en faisant l’amour, des histoires surgies de nulle part, jaillies de l’obscurité, qui suscitaient des gémissements et de petits rires d’abandon absolu, et dont l’auditeur subjugué, sous le charme, consentait à une vie entière de sujétion et d’humiliation. Mary murmura son intention d’acheter les services d’un chirurgien pour faire amputer Colin des bras et des jambes. Elle le garderait dans une pièce de son appartement et l’utiliserait uniquement comme objet sexuel, le prêtant parfois à des amies.

Je vous laisse découvrir ce qui vient à l’esprit de Colin en matière d’invention, c’est encore pire. Le plus étrange de tout cela c’est que le lecteur ne comprend pas pourquoi ce couple plutôt banal bascule soudain dans des fantasmes aussi trash. C’est après que tout se met en place, quand ils retournent chez Robert et Caroline malgré leur étrange comportement (Robert n’a cessé de prendre Colin en photo depuis son arrivée à Venise et donc bien avant leur rencontre).
Je ne dévoilerai pas la fin qui nous plonge dans le macabre et la folie. Malheureusement, l’incroyable perversité du couple Robert-Caroline arrive bien trop tard. Les soixante dernières pages sont à ce sujet captivantes, mais il y en a eu cent cinquante avant qui n’en finissaient pas.  Bien sûr, McEwan travaille l’ambiance et excelle à créer une atmosphère d’ennui, de sexe et d’étouffement. Mais à mon avis, le jeu pervers intervient trop tard pour sauver complètement le livre.

Expérience encore une fois peu concluante sur les premiers écrits de McEwan : je crois que je vais finalement m’en tenir à ses romans les plus récents.

Ce livre a donné lieu à une adaptation cinématographique en 1991 : Etrange séduction de Paul Schrader avec Christopher Walken, Rupert Everett, Natasha Richardson et Helen Mirren.

Ian McEwan sur Tête de lecture.

Un bonheur de rencontre

Ian McEan traduit de l’anglais par Jean-Pierre Carasso
Gallimard (Folio n°3878), 2003
ISBN : 2-07-042161-9 – 216 pages – 4,80 €

The Comfort of Strangers, parution en Grande-Bretagne : 1981