L’oeil était dans la tombe de Christian de Metter

L'oeil était dans la tombePatrick Vaille, jeune chef d’entreprise, a tout pour être heureux : de l’argent, des amis, une femme enceinte… D’ailleurs il l’était, avant de découvrir qu’un homme fait chanter sa femme : il menace de dévoiler que feu monsieur Vaille était pédophile. Patrick décide de faire justice lui-même et de tuer le vieux maître chanteur, non sans le torturer pour qu’il avoue où il a caché les négatifs des photos compromettantes de son père. Mais le vieux meurt sans rien dire.

Á partir de cet événement, la raison de Patrick Vaille déraille dans une spirale de violence et de folie. Il va commettre d’autres meurtres, toujours en plantant un objet contondant dans l’œil de ses victimes.

Pas de doute, cette bande dessinée est aussi terrifiante qu’elle en a l’air… Le titre est emprunté à un poème de Victor Hugo, « La conscience », dans lequel Caïn est taraudé par le meurtre de son frère Abel. Et comme pour Caïn, point de salut pour Patrick Vaille, obnubilé par son passé, par l’image de son père despotique et violent.

Un univers très sombre où rôde la folie, voilà l’atmosphère de ces soixante-dix pages cependant saisissantes. Petit à petit, Christian de Metter entraîne le lecteur dans cette spirale de mort dont les clés ne nous seront vraiment données qu’à la fin. Un père dominateur, un enfant terrorisé, une mère suicidée : les thèmes bien connus de la psychologie du tueur en série sont tous là, sans pour autant qu’ils fassent figure de clichés car l’auteur n’insiste pas lourdement sur ce passé obsédant. C’est le présent du personnage qui retient l’attention, sa folie dont on ne sait pas jusqu’où elle ira.

Parallèlement à la course sanguinaire du héros, le lecteur suit également l’enquête de la police, quelques inspecteurs débonnaires mais aussi perspicaces. Pas de surprise de ce côté-là.

On retiendra donc plutôt le thriller psychologique qui démonte savamment et de façon convaincante les mécanismes de l’engrenage traumatique.

Le dessin de de Metter me plaît beaucoup, sombres aquarelles qui créent le flou parfois et dans lesquelles les décors du quotidien sont réduits au minimum pour laisser la place aux personnages. Les traits ne sont pas toujours expressifs, comme fuyants ou brouillés, malmenés par la vie, très émouvants.

Si vous aimez le thriller noir, très noir, les scénarios efficaces et les destins tragiques, cette bande dessinée est pour vous.

Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn
.

Christian de Metter sur Tête de lecture

 

L’oeil était dans la tombe

Chritian de Metter
Casterman, 2008
ISBN : 978-2-203-00440-5 – 71 pages – 15 €