Je n’avais pas été emballée plus que ça par le précédent cycle de Gallié et Andreae, Mangecoeur (3 volumes disponibles en 1). Non pas à cause des dessins, superbes, mais plutôt à cause de l’histoire : un petit garçon, son grand-père qui meurt, les pouvoirs de l’imagination, tout ce que j’ai l’impression d’avoir déjà lu dix fois (Mathieu Gallié étant pourtant le scénariste de l’épatante série Algernon Woodcock, 5 volumes chez Delcourt, dessins de Sorel).
Mais je n’ai pas hésité une minute devant cet autre cycle, toujours pour le graphisme de Jean-Baptiste Andreae que je trouve ici vraiment magnifique. Pourtant l’histoire est bizarre, vraiment très bizarre, et je ne puis vous dire où elle nous mène puisque ce cycle n’est pas fini.
Dans un orphelinat, sont accueillis des enfants qui ont la particularité d’héberger un crabe dans leur organisme. « Nicolo et Jarvis, ils l’ont quelque part dans le bide... », Bernardino dans la jambe et Maël dans la tête. A la veille d’être « désencrabés », ils décident de fuir à l’issue de l’opération. Mais quand ils se réveillent, où sont-ils ? Pas de séquelles, personne dans le bâtiment, mais toujours leur mystérieux ballon est accroché à leur poignet. Dans cet étrange château, ils trouvent bientôt quantité de squelettes puis croisent trois femmes lumineuses mais non moins vampiriques qui n’ont pas l’air de leur vouloir du bien. S’enfuyant dans le parc, ils tombent sur le gardien qui, à la faveur de la pleine lune, ne tarde pas à se changer en loup-garou absolument terrifiant. Mais il ne dévore pas les enfants, malgré sa grande envie, parce qu’ils sont destinés à plus puissant que lui, un certain seigneur qui les veut « vivants et goûteux à souhait« .
Si le résumé vous effraie déjà, passez votre chemin car tout est sombre et terrifiant dans cette magnifique bande dessinée. Vous aurez compris que les enfants constituent un garde-manger et qu’ils vont devoir courir très vite et faire preuve de malignité pour échapper à leurs prédateurs. Parce qu’en plus, ils en ont plusieurs, le second volume les trouvant au prise avec une bande d’enfants zombies pas vraiment sympathiques. Pourtant, pourtant, jetez quand même un oeil à ces albums vous qui aimez les graphismes soignés, les décors riches et les couleurs éblouissantes.
A la base, il y a la maladie (le rapprochement entre crabe et cancer est évident), des enfants qui ne veulent pas mourir, qui choisissent de lutter et dont l’imagination va les entraîner dans un monde de peurs et de combats. Le bestiaire fantastique ici convoqué est vraiment très bien utilisé, symbolisant toutes les angoisses de l’enfant malade et sublimé par un graphisme qui rappelle les beaux films fantastiques dans années 20 et 30 (Frankenstein, Dracula…), pleins d’ombres et de brouillard, la couleur en plus. La fin du premier tome m’a laissée assez mitigée quant à l’histoire, vue qu’on n’y comprend à peu près rien, mais le second volume gagne en consistance, le scénario se fait beaucoup plus riche et l’intrigue surprenante. Si les deux prochains volumes sont aussi bons, cette série entrera dans mon panthéon personnel !
La confrérie du crabe
Mathieu Gallié (scénario) et Jean-Baptiste Andreae (dessin et couleurs)
Delcourt, juin 2007 et janvier 2009, 12,90 € et 13, 95 €, 56 pages chacun