Je sors de mon terrain habituel en BD pour céder à l’envie de découvrir Yslaire.
Nous voici dans la grande saga amoureuse et historique, au coeur du XIXe siècle, tout en tourmente et agitation. La révolution de 1848 est au coeur des premiers tomes qui nous rappellent, les images en plus, quelques grandes scènes inoubliables des Misérables. Une malédiction poursuit la famille Sambre. Les derniers rejetons, Sarah et Bernard, tentent comme ils peuvent d’échapper à la folie de leur père qui vient de se suicider. Le grand oeuvre d’Hugo Sambre, La Guerre des yeux, est un traité expliquant l’infériorité des hommes et des femmes aux yeux rouges. Sarah, exaltée, veut continuer l’oeuvre de son père, tandis que Bernard cède aux charmes mystérieux de Julie, la sauvageonne au regard de braise. Les rapports conflictuels du frère et de la soeur mènent au drame : Sarah tue leur mère et Julie, accusée, s’enfuit. Bernard ne tarde pas à la rejoindre à Paris, mais Guizot, cousin de la famille et amant de la mère, le surveille. Julie trouve refuge dans l’ancienne demeure des Sambre où exerce un peintre qui la prend pour modèle. Dehors, le peuple gronde et dresse des barricades, appelant la République contre Louis-Philippe.
On ne sait pas tout, loin de là, de la famille Sambre à l’issue de cette série, première parue, mais qui chronologiquement met en scène les personnages de la deuxième génération (Hugo, le père de Bernard et Sarah étant le héros de la première génération pour une série qui a débuté en 2007, La Guerre des Sambre). Petit à petit, le lecteur met les pièces familiales en place, à force de personnages secondaires et de révélations.
Pas besoin d’être spécialiste en Histoire pour apprécier cette série, par contre, il vous faudra aimer le romantisme (au sens commun du terme mais aussi sous son aspect littéraire). D’ailleurs, cette bande dessinée renvoie à bien des grands romans du XIXe siècle, romans sociaux mais aussi romans d’amour.
Les personnages sont fous ou exaltés. Julie l’héroïne est déterminée, sauvage, elle résiste à tous les affronts, bravant tous les dangers par désespoir. Elle devient l’égérie du peuple qui se soulève et secoue son joug de misère. A ses côtés Bernard est bien plus falot, mais Guizot et le Vicaire sont très réussis, aussi détestables l’un que l’autre.
C’est noir, violent, sanglant, passionné et surtout, c’est très beau. La dominante est brune, sombre avec des touches de rouge écarlate (le sang, les yeux de Julie, les cheveux des Sambre…). Le trait est tourmenté et pourtant précis aussi bien pour les portraits que dans les fresques de rue. En ouvrant ces albums, c’est tout d’abord une très intense émotion esthétique qui surprend le lecteur et qui l’enchaîne à ce couple maudit.
Heureusement d’ailleurs que l’on peut se gaver de dessins car tout de même, c’est un peu long cette histoire… Condensée en trois tomes, ça aurait été parfait… Je ne suis pas mécontente de découvrir cette série une fois cette première génération achevée. J’ai d’ailleurs lu également le cinquième tome (donc le premier de la génération suivante, j’espère que vous suivez…) qui prend le même rythme.
1 : Plus ne m’est rien... (1986, Glénat)
2 : Je sais que tu viendras… (1990, Glénat)
3 : Liberté, liberté… (1993, Glénat)
4 : Faut-il que nous mourions ensemble ? (1996, Glénat)